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03/05/2023 | FRANCE | N°22DA00076

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 03 mai 2023, 22DA00076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a accordé à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) B... Thierry l'autorisation d'exploiter des parcelles d'une contenance de 9 ha 86 a 90 ca situées sur le territoire de la commune de Maignelay-Montigny dans le département de l'Oise et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de j

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Par un jugement n° 2000540 du 17 novembre 2021, le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a accordé à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) B... Thierry l'autorisation d'exploiter des parcelles d'une contenance de 9 ha 86 a 90 ca situées sur le territoire de la commune de Maignelay-Montigny dans le département de l'Oise et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000540 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Laurent Janocka, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 du préfet de la région Hauts-de-France ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué émane d'un signataire incompétent ;

- il est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 331-3-1 et R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que l'autorisation accordée prive le preneur en place de 10 % du parcellaire de son exploitation, ce qui est de nature à compromettre la viabilité de son exploitation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, l'EARL B... Thierry, représentée par Me Gilles Caboche, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 janvier 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du préfet de la région Nord Pas-de-Calais Picardie du 29 juin 2016 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) en Picardie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Gilles Caboche, représentant l'EARL B... Thierry.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B... exploite notamment des parcelles agricoles d'une surface de 9 ha 86 a 90 ca situées sur le territoire de la commune de Maignelay-Montigny (Oise). Par acte du 16 octobre 2019, M. A... B..., propriétaire de ces parcelles, a délivré à l'intéressé un congé rural pour le 11 novembre 2021 en vue de la reprise de ces terres par son fils, M. C... B.... Le 17 octobre 2019, l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) B... Thierry a sollicité l'autorisation d'exploiter ces parcelles agricoles mises en valeur par M. D... B..., lequel a contesté, le 18 novembre 2019, devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Beauvais, le congé rural qui lui avait été délivré. Par un arrêté du 17 décembre 2019, le préfet de la région Hauts-de-France a accordé à l'EARL B... Thierry l'autorisation d'exploiter ces parcelles d'une contenance de 9 ha 86 a 90 ca situées sur le territoire de la commune de Maignelay-Montigny. M. D... B... relève appel du jugement du 17 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) III. - Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. / Les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation sont l'installation d'agriculteurs, l'agrandissement ou la réunion d'exploitations agricoles et le maintien ou la consolidation d'exploitations agricoles existantes. / Les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une opération, en fonction desquels est établi l'ordre des priorités, sont les suivants : / 1° La dimension économique et la viabilité des exploitations agricoles concernées (...) ". Aux termes de l'article L. 331-3 de ce code : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée ". Selon l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; / 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; / 3° Si l'opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations au bénéfice d'une même personne excessifs au regard des critères définis au 3° de l'article L. 331-1 et précisés par le schéma directeur régional des structures agricoles en application de l'article L. 312-1, sauf dans le cas où il n'y a pas d'autre candidat à la reprise de l'exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place (...) ". Aux termes de l'article R. 331-6 de ce code : " (...) II. - La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 331-3-1 (...) ".

3. Il appartient au préfet, lorsque les projets de deux candidats relèvent du même type d'opérations parmi ceux définis par le schéma directeur départemental des structures agricoles pour fixer l'ordre des priorités, de déterminer au regard des critères qu'il prévoit si l'un d'eux peut néanmoins être regardé comme prioritaire. Si le préfet doit, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tenir compte, pour procéder à ce départage, de l'ensemble des critères prévus à cet effet par le schéma directeur, il n'est pas tenu, dans la motivation de sa décision, de se prononcer sur chacun de ces critères mais peut se borner à mentionner ceux qu'il estime pertinents et les éléments de fait correspondants.

4. D'autre part, l'article 5 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie issu de l'arrêté préfectoral du 29 juin 2016 dispose que : " Les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental reprennent les critères énoncés à l'article L. 312-1. Ils permettront de départager les candidats dans le même rang de priorité ".

5. Il résulte de ces dispositions que, dès lors que le demandeur et le preneur en place relèvent du même rang de priorité, le préfet doit, au regard des dispositions précitées de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 5 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Picardie, faire application des critères de départage tirés de l'appréciation de l'intérêt économique et environnemental de l'opération.

6. En l'espèce, il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que si le préfet de la région Hauts-de-France a détaillé les caractéristiques de l'exploitation de l'EARL B... Thierry et de celle de M. D... B... en indiquant la superficie des surfaces pour en conclure que les deux exploitations relevaient du même rang de priorité, soit la priorité 5 définie à l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Picardie, il n'a cependant pas apprécié les situations respectives des intéressés au regard des critères de départage énoncés à l'article 5 de ce schéma directeur régional tirés de l'intérêt économique et environnemental de l'opération et a, dès lors, méconnu les dispositions précitées de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Il convient donc de prononcer l'annulation du jugement n° 2000540 du 17 décembre 2021 du tribunal administratif d'Amiens et de l'arrêté du préfet des Hauts-de-France du 17 décembre 2019.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D... B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EARL B... Thierry demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. D... B... au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000540 du 17 novembre 2021 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du préfet des Hauts-de-France du 17 décembre 2019 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. D... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'EARL B... Thierry au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à l'exploitation agricole à responsabilité limitée B... Thierry et au préfet de la région Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 11 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2023.

La rapporteure,

Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA00076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00076
Date de la décision : 03/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Sylvie Stefanczyk
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SCP DUMOULIN-CHARTRELLE-ABIVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-03;22da00076 ?
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