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23/05/2023 | FRANCE | N°22DA00997

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 23 mai 2023, 22DA00997


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de B..., d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou à défaut de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la d

ate de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de B..., d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou à défaut de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et enfin de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 2107845 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de B... a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. D... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et enfin mis à la charge de l'État, la somme de 1 000 euros à verser à son avocate, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2022, le préfet du Nord demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 5 octobre 2021, le tribunal a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. D... et de l'atteinte portée à sa vie privée et familiale ;

- l'accord franco-algérien régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ; cet accord ne prévoyant pas de titre de séjour spécifique pour les mineurs placés auprès de l'aide sociale à l'enfance, dans le cadre du pouvoir de régularisation qu'il détient, le préfet a le pouvoir d'apprécier l'opportunité de délivrer un titre de séjour en régularisation, notamment sur le fondement du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'absence dans cet accord, de dispositions spécifiques, équivalentes à celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale à l'étranger confié à l'aide sociale à l'enfance depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, n'implique pas d'envisager la régularisation sur le seul fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. D..., qui notamment n'établit pas qu'il ne pourrait poursuivre sa formation professionnelle en Algérie, ni qu'il y serait dépourvu d'attaches familiales, sont insuffisants pour caractériser une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- les autres moyens doivent être écartés pour les motifs déjà exposés dans les écritures déposées en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2022, M. D..., représenté par Me Dewaele, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement et à ce que soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- le jugement n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation de sa situation et de l'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, portée par l'arrêté du préfet du Nord ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les articles L. 423-22, L. 412-1 et L. 436-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations du titre III de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité dont est elle-même entachée la décision de refus de titre de séjour ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant délai de départ volontaire de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance du 28 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 octobre 2022 à 12 heures.

M. D... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 2 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant algérien né le 4 mai 2003, est entré en France le 16 décembre 2017 muni d'un visa de type C. Il a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance du département du Nord par un jugement en assistance éducative du 13 mars 2018 du tribunal pour enfants de B.... Le 11 mars 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, en qualité " d'étranger confié à l'aide sociale à l'enfance ". Par un arrêté du 15 juillet 2021, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 22 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de B... a annulé ces décisions et lui a fait injonction de délivrer un certificat de résidence algérien " vie privée et familiale " à M. D....

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour ;/ 2° Un visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 ou L. 421-13 à L. 421-24, ou aux articles L. 421-26 et L. 421-28 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an ; / (...) ". En outre aux termes de l'article L. 435-3 du même code : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ". En outre, aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourse ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention "étudiant" ou "stagiaire". ". Et aux termes de l'article 9 de ce même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre (...) du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. / Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titre mentionnés à l'alinéa précédent ".

4. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 411-1 du même code, sous réserve des conventions internationales. En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Il en résulte que les dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à la délivrance d'un titre de séjour à l'étranger qui a 18 ans, a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et justifie suivre une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens. Toutefois, il incombe au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressé.

5. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'absence, dans l'accord franco-algérien, de stipulations équivalentes aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale à l'étranger confié à l'aide sociale à l'enfance depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans n'impose pas au préfet d'examiner la demande de titre de séjour déposée par M. D..., sur le seul fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien prévoyant la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an portant la " mention vie privée et familiale " lorsque le refus d'autoriser le séjour porterait au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus.

6. A cet égard, pour soutenir que le préfet devait examiner sa situation sur le fondement de ces stipulations M. D..., ne peut utilement se prévaloir, ni des termes de la circulaire du 27 octobre 2005 relative au droit au séjour en France des étrangers relevant des régimes juridiques spéciaux, ni des mentions de l'annexe 10 de la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l'Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels, qui sont toutes deux dépourvues de caractère réglementaire.

7. Il s'ensuit que dès lors qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. D... se prévalait de sa volonté de terminer ses deux années de baccalauréat professionnel, le préfet du Nord a pu à bon droit, d'abord examiner si l'intéressé, en sa qualité de ressortissant algérien suivant un enseignement, remplissait les conditions posées par les stipulations précitées du titre III du protocole du 22 décembre 1985 annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de celles de l'article 9 de cet accord.

8. Il résulte de la combinaison des stipulations de l'accord franco-algérien citées au point 3, que la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien en qualité d'étudiant est soumise à la justification d'un visa de long séjour dont il est constant que M. D... ne justifie pas disposer. En conséquence, le préfet du Nord pouvait légalement refuser de délivrer, à l'intéressé, un certificat de résidence en qualité d'étudiant pour ce seul motif, alors même qu'il remplirait les autres conditions posées par les stipulations du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien tenant à la poursuite d'une formation sérieuse et au caractère suffisant de ses ressources.

9. Toutefois, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 15 juillet 2021 attaqué, que dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, le préfet du Nord, a également examiné si M. D... pouvait prétendre à un certificat de résidence au titre de sa vie privée et familiale.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré sur le territoire français à l'âge de quatorze ans, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité. D'abord inscrit dans un collège, il a ensuite été orienté en CAP " monteur en installations sanitaires " puis à compter de l'année scolaire suivante, en lycée professionnel. Ses résultats très corrects, malgré des difficultés de compréhension de la langue française, lui ont permis d'obtenir son CAP en 2020 et durant cette même année, il a obtenu un certificat de sauveteur secouriste du travail. Il s'est inscrit dans ce même lycée professionnel au titre de l'année scolaire 2020-2021, en classe de première, avec l'objectif d'obtenir un baccalauréat professionnel dans la spécialité technicien d'études du bâtiment, option assistant en architecture. A l'issue de son année scolaire, une attestation de réussite intermédiaire pour ce diplôme lui a été délivrée le 6 juillet 2021 et c'est pour poursuivre son cursus scolaire qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par ailleurs, à sa majorité, le 4 mai 2021, M. D... a sollicité auprès du président du conseil départemental du Nord un contrat " Entrée dans la vie adulte " (EVA) pour s'engager dans un projet d'insertion sociale et professionnelle concret. Il ressort de la note sociale établie par sa structure d'accueil en vue de cette demande d'EVA, qu'il se montre très respectueux des règles et des adultes et s'implique dans la gestion du quotidien et montre beaucoup de sérieux et d'application dans sa prise en charge, participe aux sorties et activités proposées par la structure et a fait partie d'un groupe de jeunes pour la réalisation d'un projet commun, qu'en outre il souhaite la réussite de son projet professionnel et fournit les efforts nécessaires en ce sens. Si un enseignant et le proviseur adjoint du lycée professionnel où il était inscrit depuis l'année 2018 confirment le sérieux et l'assiduité de M. D... dans le suivi de ses études, pour autant, l'intéressé ne justifie pas avoir noué de liens amicaux ni d'une insertion sociale forte en France. Par ailleurs, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents, ses deux frères et deux sœurs avec lesquels il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'entretiendrait plus de liens. S'il allègue la présence d'une sœur ainée en France, il n'apparaît pas qu'ils entretiendraient des liens particuliers alors, selon la note sociale, que sa sœur l'avait abandonnée dès son arrivée sur le sol français, le 16 décembre 2017, ce qui explique qu'il ait été confié à l'aide sociale à l'enfance. Enfin, si M. D... souhaite poursuivre des études pour exercer une activité d'assistant en architecture, le préfet souligne qu'un tel cursus pourrait être suivi dans son pays d'origine. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser la situation de M. D....

11. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de B... a retenu, pour annuler l'arrêté du 15 juillet 2021, qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant à M. D... un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale.

12. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de B... et la cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. D... :

En ce qui concerne la décision portant refus d'un titre de séjour :

13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé par Mme C... E... de F..., cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers de la préfecture du Nord, à laquelle le préfet du Nord, par un arrêté du 28 mai 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 122 de la préfecture du Nord, avait consenti une délégation de signature à l'effet de signer les actes relevant des attributions de ce bureau, notamment les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 436-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 412-1, préalablement à la délivrance d'un premier titre de séjour, l'étranger qui est entré en France sans être muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ou qui, âgé de plus de dix-huit ans, n'a pas, après l'expiration depuis son entrée en France d'un délai de trois mois ou d'un délai supérieur fixé par décret en Conseil d'Etat, été muni d'une carte de séjour, acquitte un droit de visa de régularisation d'un montant égal à 200 euros, dont 50 euros, non remboursables, sont perçus lors de la demande de titre. / (...) Le visa mentionné au premier alinéa tient lieu du visa de long séjour prévu au dernier alinéa de l'article L. 312-2 si les conditions pour le demander sont réunies ".

15. M. D..., qui est de nationalité algérienne, ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 436-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les conditions d'entrée des ressortissants algériens en France sont régies par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les moyens tirés d'un défaut d'examen sérieux et personnalisé, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 16 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour ne peut qu'être écarté.

18. En second lieu, compte tenu de ce qui a été énoncé au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :

19. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

20. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 22 avril 2022, le tribunal administratif de B... a annulé l'arrêté du 15 juillet 2021 refusant de délivrer à M. D... un certificat de résidence algérien. Par suite, ce jugement doit être annulé et les conclusions à fin d'annulation de cet arrêté et à fin d'injonction de délivrance d'un titre ou d'une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées. Doivent également être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par M. D... au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2107845 du 22 avril 2022 du tribunal administratif de B... est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de B... ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... D... et à Me Emilie Dewaele.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 22DA00997 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00997
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-23;22da00997 ?
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