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22/06/2023 | FRANCE | N°22DA01878

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 22 juin 2023, 22DA01878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2022 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2201048 du 2 août 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2022, M. C...,

représenté par Me Thieffry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2022 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2201048 du 2 août 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Thieffry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 7 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- le préfet du Nord a méconnu le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'aucune prise en charge adaptée n'est disponible dans son pays d'origine et que sa situation économique lui empêche de pouvoir effectivement bénéficier d'un tel traitement ;

- le préfet du Nord aurait dû examiner sa situation au regard du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- cette autorité a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité de la décision portant refus de séjour entraîne l'illégalité de cette décision ;

- cette décision méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire entraîne l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi ;

- cette décision méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet du Nord a commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant l'Algérie comme pays de renvoi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'il maintient ses écritures présentées devant le tribunal administratif de Lille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les observations de Me Thieffry, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 16 juin 1967 à Mohammadia Mascara (Algérie) est entré en France en dernier lieu le 15 novembre 2006, selon ses déclarations. Si, par un arrêté du 25 mars 2009, le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, la même autorité a néanmoins délivré par la suite à M. C... successivement deux certificats de résidence algérien en raison de son état de santé valables du 21 mai au 20 novembre 2019 et du 23 septembre 2020 au 22 mars 2021. Par un arrêté du 7 janvier 2022, le préfet du Nord a rejeté la demande de M. C... tendant au renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement du 2 août 2022 dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : /(...)/ 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. /(...)/ ".

3. M. C... a été victime en 1995, en Algérie, d'un accident de la voie publique, à l'origine d'une amputation sous gonale droite et de multiples fractures de la jambe gauche, ayant nécessité plusieurs interventions chirurgicales avec greffes osseuses, ostéosynthèses, fixateur externe avec une évolution infectieuse importante. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des pièces médicales produites par l'intéressé que celui-ci souffre de douleurs à la marche prolongée résultant d'un cal vicieux en varus à la jambe gauche entraînant une répercussion sur l'articulation tibiotarsienne avec apparition d'une arthrose tibiotarsienne évoluée. Si une opération chirurgicale était envisagée à compter de 2020, sa réalisation n'a pas été privilégiée à court terme compte-tenu du risque majeur de nécrose cutanée en post-opératoire et ainsi que d'échec de cette prise en charge chirurgicale. Dans ce cadre, par un avis du 6 octobre 2021, le collège des médecins de l'Office française de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. A ce titre, M. C... soutient que la prise en charge chirurgicale dont il doit bénéficier ne pourrait lui être dispensée en Algérie. Toutefois, outre le fait que, ainsi qu'il a été dit, cette prise en charge n'était qu'éventuellement évoquée compte-tenu des risques qu'elle présentait, le requérant n'apporte pas d'élément probant de nature à remettre en cause les affirmations du préfet du Nord devant le tribunal selon lesquelles de nombreux établissements hospitaliers algériens disposent de services d'orthopédie-stomatologie et de chirurgie orthopédique. De plus, si M. C... se prévaut de l'échec de sa prise en charge médicale en Algérie à la suite de son accident, cette circonstance, aussi regrettable soit-elle, remonte à plus de vingt ans et n'est pas de nature à établir l'impossibilité actuelle d'une prise en charge adaptée à son état de santé. Par ailleurs, si l'intéressé soutient également que sa situation financière ne lui permettrait pas d'avoir accès à des soins adaptés en Algérie, d'une part, son impécuniosité ne saurait découlée du simple constat de son incapacité actuelle à exercer un emploi, et, d'autre part, il n'établit pas, ainsi que le fait valoir le préfet, qu'il ne pourrait bénéficier en Algérie d'une assurance sociale ou d'un dispositif de solidarité existant au bénéfice notamment des personnes indigentes, sans emploi ou handicapées. Enfin, si l'ancienneté de la prothèse dont disposait M. C... à la jambe droite nécessitait d'être renouvelée, une nouvelle prothèse a été prescrite antérieurement à l'adoption de l'arrêté en litige, ainsi que cela ressort d'un compte-rendu de consultation du 9 juin 2021 établi par un praticien du centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle de Berck-sur-Mer. Aussi, en l'état du dossier, le moyen tiré de la méconnaissance du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

4. En deuxième lieu, M. C... admet n'avoir pas présenté de demande d'admission au séjour sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, quelle que soit la situation de l'intéressé, le préfet du Nord, même s'il lui était loisible de le faire, n'était pas tenu d'examiner son droit au séjour au regard de ces stipulations. Or, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet du Nord s'est abstenu de procéder spontanément à un tel examen. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen complet de la situation de M. C... et de la méconnaissance du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doivent être écartés.

5. En troisième lieu, si M. C... se prévaut d'une présence en France depuis seize ans, il n'établit pas, par les pièces produites de la continuité de son séjour alors, au demeurant que, ainsi qu'il a été dit au point, l'intéressé a fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2009 et n'a été admis au séjour que pour une durée de moins de deux ans en raison de son état de santé. Par ailleurs, si le requérant soutient que sa sœur, de nationalité française, et son frère, en situation régulière, résident en France et lui apportent une aide affective et financière, celui-ci admet ne pas être isolé dans son pays d'origine puisqu'y résident son épouse, ses trois enfants ainsi que ses parents. Or, il n'est ni soutenu, ni établi qu'un soutien similaire à celui apporté par sa fratrie en France ne pourrait lui être apporté par les autres membres de sa famille résidant en Algérie. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, en refusant de l'admettre au séjour, le préfet du Nord n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit donc être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être pareillement écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

7. En second lieu, M. C... soutient qu'à la date de l'arrêté attaqué, il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans. Toutefois, les pièces produites par le requérant sont insuffisantes, eu égard à leur nature et leur faible nombre pour certaines années, pour justifier de sa résidence habituelle sur le territoire français au cours de cette période. En effet, la majorité de ces pièces sont relatives au suivi médical de l'intéressé et n'impliquent pas une résidence effective et habituelle de l'intéressé en France depuis plus de dix ans. Dans ces conditions, M. C... ne remplissait pas, à la date de la décision en litige, les conditions d'attribution de plein droit du certificat de résidence prévues par les stipulations précitées du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, ces stipulations ne faisaient pas obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, M. C... pourra bénéficier effectivement d'un traitement adapté dans son pays d'origine. Dès lors, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant l'Algérie comme pays de renvoi.

10. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, M. C... ne sera pas isolé en Algérie où résident son épouse, ses trois enfants ainsi que ses parents. Par suite, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant l'Algérie comme pays de renvoi.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de la formation de jugement,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

2

N°22DA01878


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01878
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : THIEFFRY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-06-22;22da01878 ?
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