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27/06/2023 | FRANCE | N°22DA02396

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 27 juin 2023, 22DA02396


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 17 septembre 2020 par laquelle le centre hospitalier de Douai a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie constatée le 1er octobre 2018.

Par un jugement n° 2008239 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande en annulant la décision du 17 septembre 2020.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistré

s les 17 novembre 2022 et 5 juin 2023 sous le n° 22DA02396, le centre hospitalier de Douai, re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 17 septembre 2020 par laquelle le centre hospitalier de Douai a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie constatée le 1er octobre 2018.

Par un jugement n° 2008239 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande en annulant la décision du 17 septembre 2020.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 novembre 2022 et 5 juin 2023 sous le n° 22DA02396, le centre hospitalier de Douai, représenté par Me Laurie Fréger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme A... en première instance ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le vice de procédure, à le supposer établi, entachant la décision du 17 septembre 2020 n'a pas privé Mme A... d'une garantie dès lors que la commission de réforme a rendu un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ;

- il n'y a pas de lien entre la maladie de l'agent et les conditions dans lesquelles elle exerce ses fonctions.

Par un mémoire, enregistré le 5 mai 2023, Mme C... A..., représentée par Me Camille Robiquet, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au centre hospitalier de Douai de la placer en congé imputable au service dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Douai une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier de Douai ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2022 sous le n° 22DA02538, le centre hospitalier de Douai, représenté par Me Laurie Fréger, demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.

Il soutient que :

- les moyens qu'il soulève sont sérieux et de nature à entraîner l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation de première instance ;

- en outre, la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... conduirait à lui verser la somme de 13 780,71 euros et il existe un risque que cette somme ne puisse pas être remboursée par Mme A... dans l'hypothèse où le jugement serait infirmé.

La requête a été communiquée à Mme C... A... qui n'a pas produit de mémoire en défense malgré une mise en demeure.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Laurie Fréger-Kneppert, représentant le centre hospitalier de Douai.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 22DA02396 et n° 22DA02538 sont dirigées contre le même jugement et concernent la situation d'une même personne. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Mme C... A..., infirmière en soins généraux au centre hospitalier de Douai, a demandé à son employeur de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie qui l'a conduite à tenter de se suicider à son domicile le 30 septembre 2018. Par une décision du 17 septembre 2020, le centre hospitalier de Douai a rejeté sa demande. Il relève appel du jugement du 19 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. (...) ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis (...). / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ".

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. Le centre hospitalier de Douai, qui ne conteste pas avoir omis de convoquer Mme A... à la séance de la commission de réforme du 30 juin 2020 et de l'inviter à prendre connaissance de son dossier, soutient que cette omission n'a pas exercé d'influence sur le sens de sa décision dès lors que cette commission a rendu un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée. Toutefois, ainsi que l'a jugé le tribunal, les droits prévus par les dispositions citées au point 3 constituent une garantie pour les fonctionnaires hospitaliers et leur méconnaissance entache ainsi d'illégalité la décision du 17 septembre 2020.

6. En second lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ".

7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

8. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, du procès-verbal de séance du 11 janvier 2019 du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ayant pour objet la restitution de l'enquête diligentée à la suite de la tentative de suicide de Mme A..., que l'intéressée exerçait ses fonctions dans le pool des infirmières de nuit et pouvait être appelée à effectuer des remplacements non prévus dans son emploi du temps. Des demandes répétées de sa hiérarchie d'effectuer des heures supplémentaires ont d'ailleurs conduit la médecine du travail à recommander à la direction du centre hospitalier de respecter l'emploi du temps initialement prévu de Mme A... et de ne pas la solliciter au-delà de trois nuits de permanence d'affilée. Indépendamment de toute situation de harcèlement moral, la pression exercée par son encadrement pour assurer ces remplacements et les difficultés relationnelles en résultant pour l'intimée permettent d'établir le lien direct entre les conditions de travail de Mme A... et la pathologie qui l'affecte, comme l'ont estimé l'expert psychiatre dans ses avis rendus les 8 novembre 2019 et 3 février 2020 et les membres de la commission de réforme dans les avis émis les 3 décembre 2019 et 30 juin 2020. Dès lors, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie, le centre hospitalier a commis une erreur d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Douai n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 17 septembre 2020 du centre hospitalier de Douai refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A....

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui confirme l'annulation de la décision du 17 septembre 2020 par laquelle le centre hospitalier de Douai a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., implique nécessairement qu'il soit enjoint à cet établissement de procéder à cette reconnaissance et de régulariser la situation administrative de Mme A... et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur le sursis à exécution du jugement :

11. La cour statuant par le présent arrêt sur la requête tendant à l'annulation du jugement n° 2008239 du tribunal administratif de Lille du 19 septembre 2022, les conclusions du centre hospitalier de Douai tendant au sursis à l'exécution de ce jugement ont perdu leur objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que le centre hospitalier de Douai demande à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Douai le versement à Mme A... d'une somme de 2 000 euros au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du centre hospitalier de Douai aux fins de sursis à l'exécution du jugement n° 2008239 du tribunal administratif de Lille du 19 septembre 2022.

Article 2 : La requête du centre hospitalier de Douai est rejetée.

Article 3 : Il est enjoint au centre hospitalier de Douai de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... et de régulariser sa situation en conséquence, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier de Douai versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Douai et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience publique du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. Vandenberghe La présidente de la chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA02396,22DA02538


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02396
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : ROBIQUET;ROBIQUET;SCP D'AVOCATS ACTION CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-06-27;22da02396 ?
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