La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2023 | FRANCE | N°22DA02607

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 29 juin 2023, 22DA02607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans

un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2202231 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2022, et un mémoire, enregistré le 30 janvier 2023, qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Soubeiga, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

- cette décision est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2023, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 février 2023.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Sauveplane, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante camerounaise née le 2 mai 1986 à Yaoundé (Cameroun), est entrée irrégulièrement en France le 16 février 2018, selon ses déclarations. L'intéressée a sollicité, le 14 décembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris sous l'article L. 435-1 du même code. Par un arrêté du 19 avril 2022, le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 15 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de ces dispositions, par un étranger dont la présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points.

3. Mme A... doit être regardée comme réitérant devant la cour le moyen, déjà énoncé en première instance, tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, elle n'apporte, en cause d'appel, aucun élément de droit ou de fait nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs énoncés par les premiers juges aux points 4 et 5 du jugement attaqué.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Mme A..., qui est entrée en France en février 2018 selon ses déclarations, fait état de la présence, sur le territoire français, de sa tante et des trois enfants de celle-ci, qui par ailleurs l'héberge. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui est entrée en France à l'âge de trente-et-un ans, est, selon ses déclarations, célibataire et sans enfant. Elle n'établit pas entretenir des liens d'une particulière intensité avec les membres de sa famille présents en France. En outre, elle n'établit, ni même n'allègue, qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a habituellement vécu, à l'exception de la période où elle a résidé en Italie. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme A..., la décision par laquelle le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ne peut être tenue comme ayant porté au droit de l'intéressée au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Cette décision ne peut, dès lors, être regardée comme intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, les moyens tirés de ce que la décision faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

7. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. Mme A... soutient qu'un retour au Cameroun l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants en raison du fait qu'elle aurait été victime d'esclavage sexuel. Toutefois, Mme A... n'assortit ses allégations d'aucun élément ou justification permettant de tenir pour établies les craintes qu'elle énonce. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, et à supposer même que la présence de l'intéressée sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

9. En premier lieu, une décision d'interdiction de retour sur le territoire français doit, conformément aux dispositions de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, être motivée et, dès lors, comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse, à sa seule lecture, en connaître les motifs. L'arrêté contesté, en ce qu'il prononce envers Mme A... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, comporte un énoncé détaillé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et atteste, compte tenu de sa motivation, de la prise en compte par l'autorité préfectorale de l'ensemble des éléments permettant de caractériser la situation de l'intéressée, tant en ce que concerne le principe de cette mesure que sa durée. Par suite, le moyen tiré par Mme A... de l'insuffisance de motivation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

10. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, que le préfet de l'Aisne, en faisant interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, aurait entaché cette décision d'une erreur d'appréciation, tant dans son principe que dans sa durée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Soubeiga.

Copie en sera transmise au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.

Le président, rapporteur,

Signé: M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé: C. Heu

La greffière,

Signé: N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA02607 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02607
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOUBEIGA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-06-29;22da02607 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award