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28/08/2023 | FRANCE | N°23DA00229

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 28 août 2023, 23DA00229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2204782 du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2023, Mme C..., rep

résentée par Me Emilie Dewaele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2204782 du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2023, Mme C..., représentée par Me Emilie Dewaele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Dewaele au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- la procédure de consultation du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été viciée faute de délibération collégiale, et compte tenu de la présence du médecin rapporteur au sein de ce collège ;

- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas examiné réellement et sérieusement la situation médicale du jeune D... ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit, il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision de refus de séjour étant illégale, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont privées de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2023 ;

Par une ordonnance du 31 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- et les observations de Me Chloé Fourdan, représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante algérienne née le 6 juillet 1981, est entrée en France le 26 mai 2017 afin que son fils, né le 14 novembre 2010, reçoive des soins appropriés à son état de santé. Elle a sollicité, le 31 décembre 2020, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par arrêté du 19 avril 2022, le préfet du Nord a refusé de faire droit à sa demande et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 12 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (... ". Si les stipulations précitées prévoient la délivrance d'un certificat de résidence au ressortissant algérien dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays, elles n'étendent toutefois pas le bénéfice de ce titre de séjour aux parents d'un enfant malade. Aucune autre stipulation de cet accord ne prévoit la délivrance de plein droit d'un titre de séjour aux parents d'un enfant malade et, dès lors que cet accord régit entièrement le droit au séjour des étrangers de nationalité algérienne, les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées à l'article L. 425-9 de ce code, ne sont pas non plus applicables à la situation de Mme C.... Toutefois, les stipulations de l'accord franco-algérien n'interdisent pas au préfet de délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient à cette autorité, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

3. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a considéré, dans son avis du 1er juin 2021, que l'état de santé du jeune D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant souffre notamment d'une encéphalopathie spastique accompagnée d'un handicap moteur sévère, de complications orthopédiques, d'une déficience visuelle et de dénutrition et que cette infirmité motrice nécessite son installation dans un fauteuil roulant, un siège adapté, un verticalisateur qui permet de le maintenir dans une position adaptée et des orthèses aux quatre membres. Cet appareillage doit être renouvelé tous les six mois en raison de la croissance de l'enfant, lequel bénéficie par ailleurs d'une prise en charge multidisciplinaire dans un institut médico-éducatif en semi-internat ainsi que des séjours dans un centre de rééducation. Si D... pourrait être accueilli dans un centre de rééducation adapté à proximité d'Alger selon le certificat médical du 18 mai 2022 d'un médecin du service orthopédie du centre hospitalier universitaire régional de Lille, il ressort néanmoins des pièces du dossier que l'enfant ne peut pas se nourrir par la voie orale, ce qui nécessite, pour éviter sa dénutrition, une alimentation entérale qui se caractérise par l'injection de nourriture directement sur le tube digestif par une pompe externe et que cette technique de nutrition nécessite un appareillage qui doit être régulièrement renouvelé et qui n'est pas disponible en Algérie, comme il ressort du certificat médical non contesté du 11 août 2021 du pédiatre qui soigne l'enfant. Dès lors, Mme C... est fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le préfet du Nord a commis une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 19 avril 2022. Il y donc lieu de prononcer l'annulation du jugement n°2204782 du 12 décembre 2022 et de l'arrêté préfectoral du 19 avril 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'annulation de l'arrêté du 19 avril 2022 implique nécessairement que le préfet du Nord délivre à Mme C... un certificat de résidence d'une durée d'un an sur le fondement de l'article 6 5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dewaele, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dewaele de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2204782 du 12 décembre 2022 du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du préfet du Nord du 19 avril 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer un certificat de résidence d'une durée d'un an à Mme C..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Emilie Dewaele une somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... née B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord et à Me Emilie Dewaele.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 août 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°23DA00229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00229
Date de la décision : 28/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-08-28;23da00229 ?
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