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19/09/2023 | FRANCE | N°22DA02503

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 19 septembre 2023, 22DA02503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 novembre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale Nord-Lille a autorisé son licenciement pour inaptitude physique, de déclarer le jugement opposable à la société Sethness Roquette, de condamner celle-ci aux dépens et enfin de mettre à la charge de cette société la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000096 du 28 s

eptembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 novembre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale Nord-Lille a autorisé son licenciement pour inaptitude physique, de déclarer le jugement opposable à la société Sethness Roquette, de condamner celle-ci aux dépens et enfin de mettre à la charge de cette société la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000096 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Andrieux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 5 novembre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale Nord-Lille a autorisé son licenciement pour inaptitude ;

3°) de rendre le jugement opposable à la société Sethness Roquette ;

4°) de mettre à la charge de la société Sethness Roquette une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision ne précise pas la compétence de son signataire, en méconnaissance de l'article R. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision ne mentionne pas qu'il ne détenait plus son mandat de représentant titulaire au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;

- la procédure est irrégulière dans la mesure où l'inspecteur du travail n'a pas procédé à une nouvelle enquête contradictoire après une première demande d'autorisation de licenciement ; une nouvelle enquête contradictoire était nécessaire compte tenu de l'intervention de nouvelles circonstances de fait à savoir la perte du mandat au CHSTC et l'acquisition du statut de travailleur handicapé ;

- à défaut de communication des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, l'inspecteur du travail n'a pas respecté le principe du contradictoire ;

- la consultation du comité social et économique est irrégulière ; notamment, il n'est pas établi que tous les membres élus ont été consultés et qu'ils ont disposé de toutes les informations nécessaires pour se prononcer en toute connaissance de cause ;

- l'employeur a méconnu l'obligation de reclassement, notamment il n'établit pas avoir effectué des recherches sérieuses et effectives ;

- son licenciement est lié à son ancien mandat syndical.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2023, la société par actions simplifiée Sethness Roquette, représentée par l'association d'avocats DM Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 24 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 26 juin 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Lebrun pour la société Sethness Roquette.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a été recruté par un contrat à durée indéterminée à compter du 2 février 2009, par la société par actions simplifiée Sethness Roquette, en qualité d'opérateur station logistique au sein du service de production de l'usine située à Merville. Après que l'intéressé eut été placé en arrêt de travail à compter du 11 octobre 2018, le médecin du travail, dans un avis rendu le 1er mars 2019, a déclaré M. A... inapte au poste d'opérateur de traitement et de gestion des déchets et a précisé que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans son emploi. M. A... ayant été détenteur, jusqu'au 9 juillet 2019, d'un mandat de membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), il bénéficiait du statut de salarié protégé. Par un courrier du 3 juillet 2019, l'employeur de M. A... a saisi l'administration du travail d'une première demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude. En raison d'une irrégularité de la consultation du comité social et économique, la société Sethness Roquette a pris l'initiative de retirer sa demande avant d'adresser à l'autorité administrative, le 22 octobre 2019, une seconde demande d'autorisation de licenciement toujours en raison de l'inaptitude de M. A.... Par une décision du 5 novembre 2019, l'inspecteur du travail de l'unité départementale Nord-Lille de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Hauts-de-France, a autorisé la société Sethness Roquette à procéder au licenciement de M. A... pour inaptitude. Ce dernier relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée de l'inspecteur du travail.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

3. D'une part, si M. A... semble à nouveau invoquer, en cause d'appel, la méconnaissance de ces dispositions, il convient, comme l'a fait le tribunal, d'écarter ce moyen dès lors que la décision du 5 novembre 2019 comporte, en caractères lisibles, outre la signature de son auteur, toutes les mentions exigées par l'article cité au point 2.

4. D'autre part, si M. A... reproche à la décision attaquée de ne pas indiquer la compétence du signataire pour autoriser son licenciement, une telle omission est par elle-même, sans incidence sur sa légalité.

5. En deuxième lieu, pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Lorsque l'administration a eu connaissance de chacun des mandats détenus par l'intéressé, la circonstance que la demande d'autorisation de licenciement ou la décision autorisant le licenciement ne fasse pas mention de l'un de ces mandats ne suffit pas, à elle seule, à établir que l'administration n'a pas, comme elle le doit, exercé son contrôle en tenant compte de chacun des mandats détenus par le salarié protégé.

6. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de M. A... adressée par la société Sethness Roquette le 22 octobre 2019 à l'inspecteur du travail, faisait état, d'une part, de ce que l'intéressé est salarié protégé de l'entreprise pour avoir occupé, jusqu'au 9 juillet 2019, le mandat d'élu titulaire au CHSCT et d'autre part, qu'en conséquence il bénéficie de la protection résiduelle au titre de son mandat précédemment exercé. Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'employeur n'a donc commis aucune erreur, dans sa seconde demande, en ce qui concerne son statut d'ancien élu du CHSCT et cette information a été portée à la connaissance de l'inspecteur du travail. Si, dans la décision attaquée, l'inspecteur du travail s'est borné à indiquer la détention du mandat d'élu titulaire du CHSCT, sans préciser que ce mandat était expiré, cette circonstance n'est susceptible d'avoir exercé aucune incidence sur l'appréciation de l'administration dès lors que son mandat ayant expiré depuis moins de six mois, M. A... bénéficiait du statut protecteur accordé aux élus dont le mandat est toujours en cours. Par suite, le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail aurait exercé son contrôle en ne tenant pas compte de chacun des mandats que détenait M. A..., doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. ".

8. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement des observations, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation qui constitue une garantie pour le salarié.

9. Il ressort des pièces du dossier que saisi le 3 juillet 2019 par la société Sethness Roquette d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude physique de M. A..., l'inspecteur du travail a, par un courrier du 12 juillet 2019, dont le salarié a accusé réception le 16 juillet, convoqué ce dernier à un entretien prévu le 23 juillet suivant à 10 heures, en lui transmettant copie de la demande d'autorisation de l'employeur ainsi que la liste des pièces communicables jointes à cette demande. Il est constant que cet entretien a eu lieu mais, alors qu'il était reçu en entretien le même jour que le salarié protégé, le représentant de l'employeur a fait connaître à l'inspecteur du travail qu'à la suite d'une erreur dans la procédure de consultation des membres du comité d'entreprise organisée le 21 mai 2019, les suppléants ayant alors voté avec les titulaires, la société Sethness envisageait de retirer sa demande pour organiser une nouvelle consultation des membres du comité social et économique (CSE) à l'issue de laquelle une nouvelle demande d'autorisation de licenciement serait présentée. La société employeur a confirmé ses intentions par un courrier adressé à l'inspecteur du travail le 28 août 2019 puis, après avoir consulté le CSE le 16 septembre 2019, elle a ainsi réitéré auprès de l'inspecteur du travail, par un courrier du 22 octobre 2019, sa demande tendant à obtenir l'autorisation de licencier M. A... en raison de son inaptitude à occuper un quelconque emploi. D'une part, dès lors que le motif du licenciement de M. A... est demeuré inchangé, la seconde demande d'autorisation de licenciement présentée par la SAS Sethness Roquette ne constitue pas une nouvelle demande s'appuyant sur des éléments de fait ou de droit nouveau survenus à la suite de la première demande. D'autre part, si, dans l'intervalle, M. A... n'était plus titulaire de son mandat de représentant élu au CHSCT, cette circonstance nouvelle n'était pas déterminante dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 6, qu'il continuait de bénéficier de la même protection. De même, si postérieurement à la demande de licenciement initiale, la commission départementale des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a décidé, le 12 septembre 2019, de l'admettre au bénéfice d'un accompagnement par le service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés pour la période courant à compter du 1er juin 2019 jusqu'au 31 mai 2024, cette circonstance n'était pas de nature à modifier l'appréciation de sa situation par l'inspecteur du travail, qui en l'occurrence n'avait pas à se prononcer sur l'aptitude du salarié à son emploi. Dans ces conditions, et alors que M. A... n'établit pas qu'il ne se serait pas vu communiquer les pièces annexées au courrier précité du 12 juillet 2019, l'inspecteur du travail n'était pas tenu de procéder à une nouvelle enquête contradictoire avant d'autoriser son licenciement.

10. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité est soumis au comité social et économique, qui donne un avis sur le projet de licenciement dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III (...) ". Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée que si ce comité a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

11. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la séance du 16 septembre 2019, que le comité social et économique de la société Sethness Roquette, consulté sur le projet de licenciement de M. A..., a émis un avis favorable à l'unanimité des trois membres élus présents. Contrairement à ce que soutient l'appelant, les membres absents avaient été eux-aussi régulièrement convoqués, ce dont la société employeur justifie en produisant en défense les courriers de convocation à la séance extraordinaire du CSE, datés du 4 septembre 2019, qui ont été adressés en lettre recommandée avec accusé réception à chacun des six membres élus composant le comité, qu'ils soient titulaires ou suppléants. Il ressort par ailleurs de ces convocations que le courrier mentionnait que l'ordre du jour concernait l'examen du projet de licenciement de M. A... et comportait, en annexe, une note d'information indiquant notamment l'inaptitude retenue par le médecin du travail dans son avis du 1er mars 2019 fondée sur le constat que l'état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Dans ces conditions, les délégués du personnel, qui avaient par ailleurs la possibilité de solliciter des éléments complémentaires s'ils s'estimaient insuffisamment renseignés, ont été mis à même d'émettre leur avis en toute connaissance de cause sur le projet de licenciement pour inaptitude physique de M. A.... Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté les moyens tirés de ce que la consultation du CSE aurait été irrégulière et de ce que l'administration se serait abstenue d'en contrôler la régularité.

12. En cinquième lieu, en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. En revanche, dans l'exercice de ce contrôle, il n'appartient pas à l'administration de rechercher la cause de cette inaptitude. Toutefois, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.

13. M. A... soutient que depuis 2016, date à partir de laquelle il a été élu au CHSCT et s'est en particulier vu confier les fonctions de secrétaire, il a subi des entraves régulières à l'exercice de son mandat, qui sont en lien direct avec la dégradation de ses conditions de travail et ont abouti à son inaptitude médicale. A cet égard, il se plaint d'abord de difficultés récurrentes et systématiques rencontrées dans le fonctionnement du CHSCT, tenant notamment à ce que le président du comité aurait établi unilatéralement l'ordre du jour sans le consulter préalablement, qu'il aurait refusé systématiquement d'y inscrire les points qu'il suggérait ou encore qu'il établissait seul les procès-verbaux alors qu'une circulaire DRT n° 9315 du 25 mars 1993 de la direction du travail en attribue en principe la rédaction au secrétaire. Cependant, M. A... ne produit aucun élément susceptible de donner crédit à ses affirmations selon lesquelles il aurait subi de telles obstructions à l'exercice de ses prérogatives au sein du CHSCT, alors que la société Roquette se prévaut de ce que la chambre sociale de la cour d'appel de Douai, dans un arrêt rendu le 23 avril 2021, a rejeté les conclusions de M. A... tendant à la faire condamner pour délit d'entrave aux prérogatives ou au fonctionnement d'une instance représentative du personnel au sens de l'article L. 4742-1 du code du travail. S'il soutient par ailleurs que son employeur a détourné de sa finalité l'emploi des bons de délégation en exigeant des salariés qu'ils précisent les motifs des demandes d'absence, pour contrôler a priori les activités syndicales ou représentatives du personnel, la production d'un unique refus opposé le 17 avril 2018 à sa demande d'utilisation de ses heures de délégation ne saurait révéler par elle-même, la volonté de restreindre l'usage de ses droits ou de ceux de tous les salariés de l'entreprise.

14. M. A... soutient enfin que tous les faits qui précèdent révèlent l'existence d'un lien entre les obstacles mis à l'exercice de son mandat de secrétaire du CHSCT à l'origine de la dégradation de sa santé ayant abouti à son inaptitude et son appartenance syndicale. Toutefois, il résulte de tout ce qui vient d'être dit que, mis ensemble ou pris isolément, ces éléments ne révèlent aucun rapport de causalité directe entre la dégradation de l'état de santé de M. A... et de supposées entraves mises par son employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives. Ils ne laissent pas davantage présumer l'existence d'une discrimination à son encontre. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont, d'une part, estimé qu'il n'existait aucun lien entre son licenciement et l'exercice de ses mandats représentatifs, d'autre part, écarté les allégations de discrimination invoquées.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. (...) / Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ". Aux termes de l'article L. 1226-2-1 du même code, dans sa rédaction entrée en vigueur le 1er janvier 2017 et applicable au litige : " Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. / L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. / L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. (...) ".

16. Il résulte des dispositions de l'article L. 1226-2-1 du code du travail, que l'employeur est dispensé de procéder à une recherche de reclassement du salarié déclaré inapte dans le cas où l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, fait expressément état de ce que le maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude d'un salarié protégé doit tenir compte de cet avis.

17. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 5 novembre 2019 contestée vise l'avis émis le 1er mars 2019 par le médecin du travail, selon lequel : " l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ". Dans ces conditions, l'inspecteur du travail, qui n'avait pas à contrôler le caractère sérieux des recherches de reclassement effectuées par l'employeur, dispensé d'y procéder, a pu légalement estimer qu'au vu de cet avis médical, dont le salarié n'a au demeurant pas contesté la teneur, la société Sethness Roquette devait être regardée comme ayant satisfait à ses obligations. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que son employeur n'a pas satisfait à l'obligation de recherche de reclassement qui lui incombait avant de prononcer son licenciement.

Sur les dépens :

18. A défaut de dépens dans la présente instance, les demandes présentées à ce titre par la société Sethness Roquette ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige, non compris dans les dépens :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Sethness Roquette, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A..., au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A..., la somme demandée au même titre par la société Sethness Roquette.

Sur la déclaration de jugement commun :

20. Les conclusions, présentées par M. A..., tendant à ce que le jugement soit déclaré commun à la société Sethness Roquette, qui a été mise en cause dans la présente instance, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Sethness Roquette présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société Sethness Roquette et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

N. Roméro

N° 22DA02503 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02503
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SCP INTER BARREAUX DUCHATEAU-SCHOEMAECKER-ANDRIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-19;22da02503 ?
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