La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2023 | FRANCE | N°21DA01796

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 27 septembre 2023, 21DA01796


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la commune de Lozinghem et la société par actions simplifiées (SAS) Desquesnes à leur verser la somme totale de 402 694,72 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 3 août 2018 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant des désordres causés à leur bien immobilier.

Par un jugement n° 1809878 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur de

mande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2021, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la commune de Lozinghem et la société par actions simplifiées (SAS) Desquesnes à leur verser la somme totale de 402 694,72 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 3 août 2018 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant des désordres causés à leur bien immobilier.

Par un jugement n° 1809878 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2021, et un mémoire, enregistré le 12 octobre 2022, M. A... B... et Mme C... B..., représentés par Me Virginie Stienne-Duwez, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner solidairement la commune de Lozinghem et la société par actions simplifiées (SAS) Desquesnes à leur verser la somme totale de 402 694,72 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 3 août 2018 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant des désordres causés à leur bien immobilier ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Lozinghem et de la SAS Desquesnes le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers en raison de leur existence ou de leur fonctionnement, ainsi que des dommages causés par l'exécution de travaux publics ; la victime d'un dommage de travaux publics est en droit d'en réclamer la réparation, soit à l'entrepreneur ayant exécuté lesdits travaux pour les faits qui lui sont imputables soit à la collectivité, maître de l'ouvrage, soit à l'un et l'autre solidairement ;

- les désordres ayant affecté leur bien immobilier résultent, d'une part, de l'intervention de la société Desquesnes sur les réseaux d'évacuation des eaux pluviales et d'assainissement en 2003 dans le cadre d'un programme engagé par la commune de Lozinghem et, d'autre part, d'une fuite du réseau public d'eau potable en 2013 ; ils constituent des préjudices anormaux et spéciaux ;

- ils ont droit à l'indemnisation de leurs préjudices à hauteur de 2 800 euros TTC correspondant à la remise en état des " placoplâtres " intérieurs du salon et de la salle à manger, de 3 950 euros TTC de travaux de nettoyage, brossage, assèchement, traitement fongique et remise en état de la cave, de 3 500 euros TTC de remise en état du mur du bâtiment arrière en parpaings, de 353 531,53 euros correspondant au devis de l'entreprise Manufor Fondations, de 1 016,60 euros TTC et 7 896,50 euros TTC de frais d'expertise, et de 30 000 euros au titre de leur préjudice moral et du trouble dans la jouissance de leur bien.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, la commune de Lozinghem et la SAS Desquesnes, représentées par Me Gautier Lacherie, concluent au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 1 500 euros leur soit versée à chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur responsabilité sans faute ne peut être engagée dès lors que les requérants n'établissent pas subir un préjudice anormal et spécial ni ne démontrent l'existence d'un lien de causalité entre les dommages invoqués et les travaux ou ouvrage public en cause ;

- l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lille a, par un rapport remis postérieurement à celui dont se prévalent les requérants, conclu à l'absence d'imputabilité des désordres invoqués à un ouvrage public ou à des travaux publics ;

- le rapport de l'expert diligenté par les requérants, non contradictoire, procède par affirmation et sans investigation ni démonstration ;

- deux expertises d'assurance diligentées par la MACIF, assureur des requérants, leurs ont été défavorables ;

- la responsabilité de la commune de Lozinghem ne peut être engagée dès lors que la gestion du réseau de distribution d'eau relève de la compétence du syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM) du Béthunois et que celle du réseau d'assainissement relève de la communauté d'agglomération ;

- à titre subsidiaire, les demandes indemnitaires des requérants, supérieures à la valeur vénale de l'immeuble, sont disproportionnées.

Par ordonnance du 17 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 3 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Caroline Régnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gautier Lacherie, représentant la commune de Lozinghem et la SAS Desquesnes.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... sont propriétaires d'une maison située au 2, rue Achille Hibon à Lozinghem (Pas-de-Calais). Ils exposent qu'en 2003, à la suite des travaux sur les réseaux d'eaux pluviales et d'assainissement effectués par la société Desquesnes, des désordres sont apparus et que, le 11 janvier 2013, une fuite des canalisations du réseau d'eau potable de la commune a mis à jour les fondations de leur habitation. Par une ordonnance du 5 novembre 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a ordonné une expertise, l'expert désigné ayant déposé son rapport le 30 septembre 2014. Se prévalant d'un rapport d'une expertise qu'ils ont sollicitée, antérieurement à l'expertise judicaire, les requérants ont demandé l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis, par deux courriers reçus les 3 et 6 août 2018, respectivement par la commune de Lozinghem et la SAS Desquesnes. En l'absence de réponse, leurs demandes ont été implicitement rejetées. Ils relèvent appel du jugement du 11 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur requête tendant à la condamnation solidaire de la commune de Lozinghem et de la société par actions simplifiées (SAS) Desquesnes à leur verser la somme totale de 402 694, 72 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 3 août 2018 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant des désordres causés à leur bien immobilier.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. D'une part, le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

3. D'autre part, même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage et, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.

4. Il appartient toutefois au tiers, victime d'un dommage de travaux publics ou qu'il impute à l'existence ou au fonctionnement d'un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre, d'une part, l'ouvrage public ou l'exécution du travail public en cause et, d'autre part, le préjudice dont il se plaint.

5. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du rapport de l'expert désigné par ordonnance de référé du tribunal administratif de Lille et réalisé au contradictoire des parties, qu'au regard notamment de leur localisation, les désordres intérieurs de la maison sont la conséquence de l'inachèvement du rejointoiement des murs en briques de l'habitation et ne sont pas liés aux travaux publics ou à l'ouvrage public, que les microfissures observées sur le mur extérieur en briques ne peuvent être rattachées ni au sinistre de 2013 ni aux travaux de 2003 et présentent par ailleurs un caractère mineur, que si, initialement, l'expert avait indiqué qu'il était possible que les travaux publics aient pu affecter la fondation et le mur de façade du bâtiment, il conclut, après expertise et données techniques à l'appui, que la fissuration est la conséquence du seul non-respect des règles de l'art dans la réfection du mur, en l'absence de chaînage horizontal en partie haute de ce mur. De plus, si l'expert judiciaire relève que le sinistre de 2013 a pu alimenter par capillarité l'humidité de la cave et conduire à une saturation maximale du matériau, il mentionne sans être contredit que, d'une part, l'état actuel de la cave n'est pas lié au sinistre de 2013 mais au matériau utilisé pour la construction et à l'absence de barrière extérieure pour lutter contre le transfert d'humidité par capillarité, d'autre part que les intéressés ont été indemnisés par la compagnie d'assurance du SIVOM, en 2013, à hauteur de 566,50 euros ce qui correspond aux constats de l'époque d'un sinistre ponctuel, alors que ces désordres ne se sont pas aggravés ou reproduits.

6. Si, certes, les époux B... se prévalent à nouveau en appel du rapport de l'expert qu'ils ont sollicité - lequel n'a pas été établi contradictoirement mais à partir, outre de constats faits sur place, des seules affirmations et pièces communiquées par les requérants -, ce rapport de 5 pages ne distingue pas les désordres qui seraient imputables au sinistre de 2013 ou aux travaux effectués en 2003, dont il ne précise d'ailleurs ni la nature ni les circonstances ou modalités d'exécution, et surtout se fonde sur de simples affirmations à caractère péremptoire, sans aucun commencement de preuve, aucune démonstration technique ni pièces justificatives à l'appui. Ce rapport ne peut, dans ces conditions, être regardé comme ayant une valeur probante de nature à remettre en cause les conclusions de l'expertise contradictoire ordonnée par le tribunal administratif, lesquelles sont étayées et documentées, et peuvent dès lors être utilement prises en considération.

7. Il résulte de ce qui précède que les requérants n'établissant pas plus en appel qu'en première instance, ainsi qu'il leur incombe pourtant, l'existence d'un lien de causalité direct entre les préjudices qu'ils invoquent et l'ouvrage public ou l'exécution du travail public en cause, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur requête et, par suite, à demander la condamnation solidaire de la commune de Lozinghem et de la SAS Desquesnes à les indemniser des préjudices qu'ils allèguent avoir subis.

Sur les frais liés au litige :

8. En premier lieu, le jugement attaqué a mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 7 896,58 euros, à la charge définitive des requérants. Ces derniers n'obtenant pas davantage satisfaction en appel sur l'engagement de la responsabilité de la commune de Lozinghem et de la SAS Desquesnes, leurs conclusions tendant à ce que ces frais soient mis à la charge des défendeurs doivent être rejetées.

9. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Lozinghem et de la société Desquesnes le paiement de la somme que les époux B... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. En dernier lieu, dans les circonstances de l'espèce, il convient de mettre à la charge de M. et Mme B... le paiement à la commune de Lozinghem et à la société Desquesnes d'une somme de 1 000 euros chacune, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme B... verseront à la commune de Lozinghem et à la SAS Desquesnes une somme de 1 000 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... B..., à la commune de Lozinghem et à la société par actions simplifiée Desquesnes.

Délibéré après l'audience publique du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. BaronnetLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A-S Villette

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

N°21DA01796 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01796
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : STIENNE-DUWEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-27;21da01796 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award