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28/09/2023 | FRANCE | N°23DA01005

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 28 septembre 2023, 23DA01005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 31 janvier 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Somme de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement

n° 2300367 du 5 mai 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 31 janvier 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Somme de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2300367 du 5 mai 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2023, et des mémoires, enregistrés le 12 juin 2023 et le 7 septembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Homehr, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- il n'existe pas de doute quant à son identité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2023, le préfet de la Somme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. François-Xavier Pin, premier assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant ivoirien né le 6 septembre 1985 à Abobo (Côte d'Ivoire), est entré en France le 8 septembre 2012, selon ses déclarations. Il a présenté une demande d'asile en mai 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 22 novembre 2013, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 6 mai 2014. Par un arrêté du 4 septembre 2014, le préfet de police, prenant acte du rejet de sa demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B..., qui n'a pas déféré à cette mesure d'éloignement, a sollicité, le 8 novembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français. Par un arrêté du 31 janvier 2023, le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 5 mai 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France " constitue une menace pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 423-7 de ce code : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Somme, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B... en qualité de parent d'un enfant français mineur, s'est fondé, notamment, sur la circonstance que la présence en France de ce dernier constituait une menace à l'ordre public en raison, d'une part, de faits de violences conjugales pour lesquels il a fait l'objet d'une interpellation le 3 avril 2021 à l'occasion de laquelle il a fourni un faux titre de séjour, et, d'autre part, de sa condamnation, par un jugement du tribunal correctionnel d'Amiens du 3 janvier 2023, à une peine de trente-six mois d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire pendant une durée de dix-huit mois pour des faits d'extorsion commis au préjudice d'une personne vulnérable, vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance, et arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire avec libération avant le septième jour. Au vu de la nature, de la gravité et du caractère récent de ces faits, dont l'intéressé ne conteste d'ailleurs pas la matérialité de ceux d'entre eux qui n'ont pas donné lieu à une condamnation pénale, le préfet de la Somme a pu légalement estimer, sur le fondement de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la présence en France de M. B... constituait une menace pour l'ordre public, sans qu'ait d'influence à cet égard la circonstance que l'intéressé a bénéficié d'une réduction de peine par une ordonnance, en, date du 16 janvier 2023, du juge en charge de l'application des peines, laquelle au demeurant fait état d'incidents au cours de la détention. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 423-7 du même code, relatif à la délivrance d'un titre de séjour à l'étranger père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. M. B... fait valoir qu'il est entré sur le territoire français en 2012 et qu'il vit en concubinage depuis 2015 avec une ressortissante française, avec laquelle il a eu une enfant, née le 1er février 2020. Toutefois, l'intéressé, interpellé le 3 avril 2021 pour des faits de violences sur sa compagne, dont il ne nie pas la matérialité, ne justifie pas de la stabilité du concubinage qu'il allègue à la date de la décision contestée, alors que la personne présentée comme sa compagne, dans une attestation du 22 décembre 2022, se borne à indiquer qu'elle accepte de " reprendre la vie commune " avec M. B.... Si l'intéressé se prévaut de son mariage avec celle-ci le 29 juillet 2023, cet événement est postérieur à la décision contestée. Le requérant n'établit pas davantage, par les seules attestations de proches, postérieures à la décision contestée, qu'il verse au débat, les deux factures d'achat de produits pharmaceutiques dont l'une est émise au nom de la personne présentée comme sa compagne, ni par les certificats faisant état de sa présence ponctuelle avec sa fille à des rendez-vous médicaux, avoir contribué à l'éducation et à l'entretien de son enfant de nationalité française, ni même avoir entretenu des liens affectifs avec elle, entre la naissance de celle-ci et son placement en détention provisoire à compter du 1er décembre 2021, les premières rencontres au parloir avec sa fille n'ayant eu lieu qu'à compter du mois de janvier 2022, soit seulement un an environ avant la date de la décision contestée. En outre, M. B..., qui a été condamné pour les faits rappelés au point 3, ne démontre aucune intégration sociale ou professionnelle particulière en France. Le requérant, qui s'est d'ailleurs soustrait à une précédente mesure d'éloignement, n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans et où vit notamment son fils mineur. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Somme, en refusant délivrer un titre de séjour à M. B..., a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

6. En troisième lieu, aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Si M. B... se prévaut de la présence en France de sa fille mineure, laquelle vit auprès de sa mère, il ressort de ce qui a été dit au point 5 qu'il ne démontre pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de cette enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. En quatrième lieu, si le préfet de la Somme a relevé, dans l'arrêté contesté, l'absence de caractère probant des documents d'état civil présentés par M. B..., il résulte de l'instruction que ce motif présente un caractère surabondant et que cette autorité aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur les seuls motifs évoqués aux points précédents et qui sont légalement justifiés.

9. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'une enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, M. B..., qui ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant français depuis au moins deux ans à la date de l'arrêté contesté, n'est pas fondé à soutenir, que le préfet de de la Somme, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, a méconnu les dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. D... A..., premier vice-président,

M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le premier vice-président,

Signé : C. A...La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°23DA01005


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01005
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : HOMEHR

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-28;23da01005 ?
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