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05/10/2023 | FRANCE | N°22DA02366

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 05 octobre 2023, 22DA02366


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.

Par un jugement n°2108571 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2022, Mme A..., représent

e par Me Thomas Sebbane, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juillet 2022 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.

Par un jugement n°2108571 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Thomas Sebbane, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus d'un titre de séjour est entachée d'un vice d'incompétence ;

- elle méconnaît le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant refus d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays d'éloignement a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant refus d'un titre de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 octobre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissant algérienne née le 4 mai 1945, a demandé le 11 novembre 2020 la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " et son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 13 juillet 2021, le préfet du Nord a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement. Mme A... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande par un jugement du 29 juillet 2022. Mme A... interjette appel de ce jugement.

Sur la décision de refus d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision attaquée a été signée par Mme B... D..., cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers, qui bénéficiait, en vertu d'un arrêté du préfet du Nord du 28 mai 2021, régulièrement publié au Recueil spécial des actes de la préfecture du Nord du même jour, d'une délégation de compétence pour signer des décisions de la nature de celle attaquée. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

4. Pour refuser de délivrer en application de ces stipulations un certificat de résidence à Mme A..., le préfet du Nord s'est référé à l'avis émis le 8 avril 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Selon cet avis, l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'Algérie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays.

5. Pour contester la teneur de cet avis, Mme A... produit des certificats médicaux indiquant qu'il lui a été diagnostiqué en janvier 2020 un cancer colorectal, qu'elle a subi à cette date une colectomie, qu'elle a suivi à compter de mars 2020 huit cycles de traitement chimiothérapique, qu'elle est asymptomatique depuis août 2020 et présente depuis septembre 2020 un " scanner thoraco-abdomino-pelvien normal ". S'il lui a été diagnostiqué en octobre 2021 un " nodule de carcinose péritonéale dans la région de l'hypochondre gauche ", il ressort des pièces du dossier et notamment du certificat médical du 16 novembre 2021 établi par un praticien du centre hospitalier de Cambrai que, vu les antécédents et l'âge de l'intéressée, un acte chirurgical n'est pas recommandé pour le traitement de ce nodule qui doit cependant faire l'objet d'une surveillance.

6. Mme A... ne produit aucun élément précis et circonstancié de nature à établir, à rebours de l'avis du 8 avril 2021 du collège de médecins, qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier en Algérie, son pays d'origine, d'un suivi médical approprié à son état de santé, alors que le préfet du Nord fait valoir, sans être sérieusement contesté, qu'il existe dans ce pays plusieurs établissements publics comportant des services spécialisés en oncologie et que les soins qui y sont prodigués sont " entièrement remboursés " aux patients. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en janvier 2020 sur le territoire français où y résident ses sept enfants, dont cinq sont ressortissants français et deux bénéficient d'une carte de résident. Toutefois, eu égard à la brièveté de son séjour en France à la date de l'arrêté attaqué et à la circonstance qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 74 ans et où réside son époux, le préfet du Nord a pu lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la (...) " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

10. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France.

11. S'il en résulte que les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, le préfet peut toujours délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit en appréciant, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

12. En l'espèce, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le préfet du Nord a pu légalement refuser de régulariser à titre exceptionnel la situation de Mme A.... Par suite, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, pour les motifs énoncés ci-dessus, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise sur le fondement d'une décision illégale lui refusant un titre de séjour. Ce moyen doit ainsi être écarté.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

15. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays d'éloignement :

16. Mme A... ne peut pas utilement se prévaloir, par voie d'exception, contre la décision fixant le pays d'éloignement, de l'illégalité de la décision portant refus d'un titre de séjour, dès lors que cette dernière décision n'a pas pour objet de l'éloigner du territoire français. Au surplus, l'appelante ne saurait soutenir, pour les motifs énoncés ci-dessus, que la décision fixant le pays d'éloignement aurait été prise sur le fondement d'une décision illégale portant obligation de quitter le territoire français.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2021 du préfet du Nord.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... aux fins d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par Me Sebbane, avocat de Mme A..., et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Thomas Sebbane.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 21 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°22DA02366

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02366
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SEBBANE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-05;22da02366 ?
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