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10/10/2023 | FRANCE | N°22DA02543

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 octobre 2023, 22DA02543


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2203163 du 15 septembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 d

cembre 2022, M. A..., représenté par Me Caroline Inquimbert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2203163 du 15 septembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Caroline Inquimbert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'auteur de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination n'était pas compétent pour prendre ces actes ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : le préfet n'est pas en situation de compétence liée et doit procéder à un examen de la situation du requérant, caractérisée en l'espèce par une pathologie psychiatrique et par un acte de civisme ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant sierra-léonais né le 2 juin 1986 à Koindu (Sierra Léone), déclare être entré en France le 27 novembre 2019. Le 30 décembre 2019, il a déposé une demande d'asile, rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 10 novembre 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 14 juin 2022. Par un arrêté du 8 juillet 2022, le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 15 septembre 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annuler cet arrêté.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été signé par Mme B... D... agissant, sur le fondement d'un arrêté n° 22-022 du 26 avril 2022, par délégation de M. E..., sous-préfet de Dieppe, chargé de l'intérim des fonctions du sous-préfet du Havre " à compter du 27 avril 2022 et jusqu'à la prise de fonction du successeur (...) ". Si M. F... a été désigné sous-préfet du Havre par décret du Président de la République du 4 juillet 2022, publié au Journal officiel de la République française du 5 juillet suivant, M. F... n'a été installé dans ses fonctions que le 25 juillet 2022, soit après l'intervention de l'arrêté contesté. Par ailleurs, la circonstance que cet arrêté a visé l'arrêté de délégation du 26 avril 2022, sans spécifiquement mentionner la délégation attribuée à Mme D..., est sans incidence sur la compétence de l'auteur de l'acte, Mme D... ayant bien été désignée à l'article 4 de cet arrêté du 26 avril 2022 comme disposant d'une délégation de signature. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ". Et aux termes de l'article L. 611-1 de ce code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ".

4. En l'espèce, la demande d'asile de M. A... ayant été rejetée par décision de l'OFPRA du 10 novembre 2021 confirmée par une décision de la CNDA du 14 juin 2022, le préfet de la Seine-Maritime pouvait, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obliger à quitter le territoire français. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des motifs de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Seine-Maritime ne s'est pas estimé en situation de compétence liée et a pris en compte la situation personnelle de M. A..., alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à cette situation. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

5. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

6. M. A... a seulement saisi, le 5 décembre 2019, le préfet de la Seine-Maritime d'une demande tendant à obtenir le statut de réfugié, sans déposer parallèlement de demande de titre de séjour en raison de son état de santé sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ne justifie pas avoir produit auprès de l'autorité préfectorale des éléments médicaux relatifs à son état de santé avant que la mesure d'éloignement ne soit prise le 8 juillet 2022, notamment le certificat médical du 10 mai 2022 et les ordonnances de prescriptions médicamenteuses des 23 février, 13 avril et 21 septembre 2021 et 8 mars et 31 mai 2022 qu'il produit seulement à l'instance, ni ne justifie de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de produire ces éléments médicaux. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, les éléments produits n'établissent pas la nécessité d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans charge de famille. En outre, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. S'il soutient que ses parents sont décédés, il ne produit aucun acte d'état-civil à l'appui de ses allégations. En outre, il ne justifie pas d'une particulière insertion dans la société française. Dans ces circonstances, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. A... en France, en prenant la décision attaquée, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'aurait commise le préfet de la Seine-Maritime doit être écarté.

9. Enfin, si M. A... soutient qu'il aurait porté secours aux habitants d'un immeuble lors d'un incendie survenu le 28 août 2020, il n'apporte à l'appui de ces allégations qu'un article de presse paru en juillet 2022, postérieurement à la décision attaquée, dont les assertions ne sont corroborées par aucune autre pièce. Dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

12. M. A... soutient que son retour en Sierra Leone l'exposerait à un risque de traitements inhumains et dégradants compte tenu de l'impossibilité pour lui de s'y faire soigner. Ainsi qu'il a été dit au point 6, alors que la demande d'asile présentée par M. A... a été rejetée par l'OFPRA, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le requérant, qui n'avait au demeurant pas présenté au préfet de demande de titre de séjour pour raisons de santé, ne justifie pas de la nécessité d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Au vu de l'ensemble de la situation de l'intéressé, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas non plus entaché sa décision fixant le pays de destination d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. BaronnetLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA02543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02543
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-10;22da02543 ?
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