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12/10/2023 | FRANCE | N°22DA00762

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 12 octobre 2023, 22DA00762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Henri B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1909426 du 17 février 2022, le tribunal adminis

tratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Henri B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1909426 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2022, la SARL Henri B..., représentée par Me Storme, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de lui accorder le bénéfice de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;

4°) de condamner l'Etat à verser des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que le tribunal administratif n'a pas précisé en quoi les irrégularités entachant sa comptabilité au titre de l'exercice clos en 2014 étaient d'une gravité telle qu'elles justifiaient que cette comptabilité soit écartée ;

- l'administration était tenue de recourir à la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- il n'est pas démontré l'existence de graves irrégularités au titre des exercices vérifiés qui auraient justifié le rejet de la comptabilité ;

- les factures émises au titre de l'exercice clos en 2014 par la société Powerling, qui correspondent à des prestations de prospection commerciale et de rédaction de site internet en anglais, ne présentent pas de caractère fictif et étaient déductibles de son résultat ;

- elle a déposé, au titre de l'exercice clos en 2016, une déclaration rectificative avant le commencement des opérations de vérification dont l'administration devait tenir compte ;

- les sommes versées à M. B..., au cours de l'exercice 2016, devaient être qualifiées de salaires et ainsi être déduites de son résultat ;

- les intérêts de retard qui ont été appliqués ne sont pas justifiés ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;

- la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le quantum du litige se limite à 493 187 euros ;

- les moyens soulevés par la SARL Henri B... ne sont pas fondés ;

- il sollicite, à titre subsidiaire, en ce qui concerne des sommes facturées à la société Roan Comfort Camp et des factures qui auraient été émises par la société Powerling, la substitution aux majorations de 80 % infligées sur le fondement c de l'article 1729 du code général des impôts, de majorations de 40 % sur le fondement du a du même article.

Par une ordonnance du 20 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022.

Un mémoire, enregistré le 31 janvier 2023, a été présenté pour la SARL Henri B... et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Henri B..., qui exerce une activité de conseil juridique et d'expertise comptable et a pour gérant et associé majoritaire M. B..., a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant sur les périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 et du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016, à l'issue desquelles l'administration, en suivant la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'a assujettie à une cotisation primitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 ainsi qu'à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et en 2016 et déclarée redevable de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période vérifiée, l'ensemble de ces droits étant assortis des intérêts de retard et des majorations prévues au a et au c de l'article 1729 du code général des impôts. La SARL Henri B... a contesté devant le tribunal administratif de Lille les cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos entre 2014 et 2016 ainsi que les pénalités qui lui ont été infligées. Elle relève appel du jugement du 17 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si le vérificateur a, au titre des exercices clos entre 2014 et 2016, écarté la comptabilité de la SARL Henri B... comme irrégulière et non probante, il résulte de l'instruction qu'il n'a pas procédé à la reconstitution extracomptable du chiffre d'affaires de la société. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que c'est à tort que le vérificateur a écarté la comptabilité comme irrégulière et non probante est inopérant. Le tribunal administratif, qui n'avait, par suite, pas l'obligation de répondre à un tel moyen, n'a, en tout état de cause, pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation s'agissant de l'exercice clos en 2014. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit, dès lors, être écarté.

Sur les conclusions à fin de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne la procédure d'imposition au titre de l'exercice clos en 2014 :

3. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que l'administration a estimé que des factures émises par la société de droit américain Powerling comptabilisées en charges par la SARL Henri B... étaient des factures fictives et a refusé en conséquence de les admettre en déduction du bénéfice imposable. Ce faisant, l'administration qui a souligné, tant dans la proposition de rectification que devant le juge de l'impôt, l'absence de production par la contribuable d'éléments de nature à établir que les prestations mentionnées par ces factures avaient été effectivement réalisées, n'a pas écarté un acte constitutif d'un abus de droit en faisant implicitement application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, mais s'est bornée à estimer que les conditions de déductibilité des charges posées par l'article 39 du code général des impôts n'étaient pas remplies. Par suite, le moyen ainsi invoqué doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant du rejet de la comptabilité :

5. Si le vérificateur a écarté la comptabilité que la SARL Henri B... avait présentée au titre des exercices vérifiés en estimant qu'elle était irrégulière et insuffisamment probante, il n'a toutefois tiré aucune conséquence de ce constat dès lors qu'il n'a pas été procédé à une reconstitution extra-comptable des recettes de cette société. Le moyen tiré du caractère régulier et probant de la comptabilité doit, dès lors, être écarté comme inopérant.

S'agissant de la déductibilité des factures établies par la société américaine Powerling au cours de l'exercice 2014 :

6. Il ressort des mentions de la proposition de rectification du 20 décembre 2017 que l'administration a remis en cause, au motif qu'il s'agissait de factures ne correspondant pas à des prestations réelles, la déductibilité de trois factures établies par la société de droit américain Powerling pour un montant de 92 623,82 euros au titre de l'exercice clos en 2014.

7. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

8. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

9. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

10. Pour justifier de la déductibilité des charges correspondant aux factures établies les 31 janvier, 28 février et 31 mars 2014 par la société américaine Powerling, la SARL Henri B... soutient qu'elle entretenait des relations commerciales avec cette société, qui avait une existence légale, et que les factures en cause, qui ont été réglées, correspondent à des prestations de prospection commerciale et de rédaction de son site internet en anglais.

11. Toutefois, l'administration fait valoir qu'il résulte de la comptabilité de la SARL Henri B... que les paiements correspondant à ces factures n'ont pas été encaissés par la société Powerling mais ont donné lieu à des versements réalisés au profit de comptes personnels de M. et Mme B..., de la société Roan Comfort et du centre équestre d'Hardelot. Si la SARL Henri B... fait valoir que le paiement effectué sur le compte personnel de son gérant et de son épouse relève d'une erreur qu'aurait commise un membre du personnel de son service comptable, elle ne soutient pas, ni même n'allègue, qu'un reversement aurait été effectué au profit de la société Powerling. L'administration relève à cet égard qu'en réponse à une demande d'assistance administrative internationale adressée aux autorités américaines le 3 mai 2017, ces dernières ont indiqué que ces factures étaient inconnues de la société Powerling, qu'aucune prestation n'avait été effectuée et aucun paiement encaissé par cette société. Si la société requérante fait valoir que la circonstance que la société Powerling lui avait promis d'établir un avoir correspondant au montant de ces factures ne remet pas en cause la réalité des prestations, elle a elle-même reconnu, dans ses observations présentées le 16 février 2018, qu'aucun avoir n'avait été édité. Enfin, la seule production d'un cahier des charges, au demeurant non daté, dont l'objet est la " description des fonctionnalités détaillées du site internet " de la société requérante et d'un message électronique peu circonstancié d'un responsable de la société Powerling, adressé le 21 octobre 2014, soit plusieurs mois après l'établissement des trois factures en litige, ne saurait justifier de la réalité des prestations résultant de ces factures.

12. Dans ces conditions, la SARL Henri B... ne peut être regardée comme apportant la preuve de l'existence et de la valeur de la contrepartie qu'elle a retirée de ces factures. C'est donc à bon droit que l'administration a remis en cause la déductibilité des factures établies par la société Powerling de la base imposable de la SARL Henri B... à l'impôt sur les sociétés.

S'agissant des charges déductibles au titre de l'exercice 2016 :

13. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1°(...) les dépenses de personnel (...). Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) ".

14. D'autre part, aux termes du 2 de l'article 242 du code général des impôts : " Les personnes morales, sociétés et entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues de fournir à l'administration, dans les trois premiers mois de chaque année, un état indiquant les conditions dans lesquelles leurs bénéfices sont répartis ou ont été distribués, à titre de rémunération de leurs fonctions ou de leurs apports, entre les associés en nom ou commandités, associés-gérants, coparticipants ou membres de leur conseil d'administration ". Aux termes de l'article 48 de l'annexe III à ce code : " (...) Les gérants des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes sont tenus de fournir au service des impôts, en même temps que la déclaration prévue au 1 de l'article 223 du code général des impôts, un état indiquant : (...) 3° Le montant des sommes versées à chacun des associés pendant la période retenue pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, à titre de traitements, émoluments et indemnités, remboursements forfaitaires de frais ou autres rémunérations de leurs fonctions dans la société, et l'année au cours de laquelle ces versements ont été effectués. (...) ".

15. Il résulte de la proposition de rectification du 7 juin 2018 que l'administration a relevé que, selon la comptabilité présentée par la SARL Henri B... au cours du contrôle, les salaires versés par cette société à M. B... s'élevaient, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016, à la somme de 387 241 euros alors que la déclaration souscrite au titre de l'impôt sur les sociétés de l'exercice 2016, déposée par la société le 16 mai 2017, ne mentionne qu'une rémunération de 103 550 euros attribuée à M. B.... Le service en a déduit que la somme de 283 691 euros versée par la société à M. B..., correspondant à la différence entre le montant comptabilisé et les salaires déclarés, constituait non pas des salaires mais des revenus distribués, relevant de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, lesquels ne pouvaient pas être admis en déduction des résultats de la société. En conséquence, l'administration a réintégré la somme de 283 691 euros au bénéfice imposable de la SARL Henri B... au titre de l'exercice clos en 2016. La société requérante conteste le rehaussement de son bénéfice de cet exercice à hauteur de 277 205 euros résultant de la réduction des charges au titre de la rémunération de M. B....

16. D'une part, si la SARL Henri B... soutient que les salaires versés à M. B... au cours de l'exercice 2016 se sont élevés à la somme comptabilisée de 387 241 euros et qu'elle a remis au service vérificateur une déclaration rectificative au titre de l'impôt sur les sociétés en ce sens, elle ne le justifie pas, alors que l'administration conteste avoir reçu une telle déclaration rectifiée, et au demeurant la société s'est abstenue de la produire à l'instance. La circonstance que M. et Mme B... ont déposé le 11 décembre 2017 une déclaration rectifiée de leurs revenus est à cet égard sans incidence.

17. D'autre part, le ministre relève en défense, sans être contredit, que le procès-verbal de l'assemblée générale du 31 décembre 2016, indiquant que la rémunération de M. B... est fixée à 387 241 euros pour l'exercice 2016, produit pour la première fois par la société dans ses observations présentées le 3 août 2018 et qui ne comporte d'ailleurs pas la date de son enregistrement au tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer, n'était pas au nombre des documents déposés par la société au greffe de ce tribunal que le service a obtenus le 20 avril 2018 par l'exercice du droit de communication. Dès lors, le procès-verbal de l'assemblée générale versé par la société ne peut pas être regardé comme présentant un caractère probant pour justifier du montant des rémunérations versées à son gérant.

18. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déductibilité de la somme de 283 691 euros de la base imposable de la SARL Henri B... à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2016.

Sur les intérêts de retard :

19. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard (...) ".

20. Il résulte de ce qui précède que la SARL Henri B... n'est pas fondée à demander la décharge des intérêts de retard par voie de conséquence de la décharge des redressements, en droits, auxquels elle a été assujettie.

Sur les pénalités :

21. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

En ce qui concerne les majorations pour manquement délibéré :

22. S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, pour justifier de l'application aux rappels concernés de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, l'administration fait valoir que le montant de la rétention de taxe sur la valeur ajoutée, qui s'est élevé à 14 721 euros, 40 197 euros et 48 935 euros au titre des exercices clos respectivement en 2014, 2015 et 2016, a entraîné de ce fait une augmentation régulière du solde de taxe sur la valeur ajoutée collectée, pour des montants significatifs dans la comptabilité, ce qui ne pouvait qu'attirer l'attention de la société contribuable, d'autant plus qu'elle exerce une activité d'expertise-comptable.

23. Ce faisant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée, qui a été celle de la SARL Henri B..., d'éluder le paiement de l'impôt dû s'agissant de ce chef de rectification. La circonstance, à la supposer établie, invoquée par la société requérante, selon laquelle son gérant était fréquemment en déplacement au cours des exercices en cause est à cet égard sans incidence.

En ce qui concerne les majorations pour manœuvres frauduleuses :

24. D'une part, pour justifier l'application de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses au rehaussement à l'impôt sur les sociétés relatif aux factures fictives émises par la société Powerling au titre de l'exercice 2014, l'administration fait valoir, par les mêmes motifs que ceux rappelés au point 11, que la SARL Henri B... a comptabilisé des factures de cette société ne correspondant pas à des prestations réelles dans le but de minorer son résultat.

25. Ce faisant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de la SARL Henri B... de restreindre ou d'égarer le pouvoir de contrôle de l'administration, justifiant l'application de la majoration prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.

26. D'autre part, pour appliquer cette même majoration sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 et les rehaussements à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2014 et 2015 relatifs aux produits non comptabilisés que la SARL Henri B... a facturés à la société Roan comfort camp, dont elle assure la comptabilité, l'administration a relevé que ces encaissements avaient donné lieu, de manière systématique, à des versements concomitants, également non comptabilisés, sur les comptes personnels du gérant de la SARL Henri B... et de son épouse, permettant ainsi au gérant d'appréhender ces fonds sociaux en franchise d'impôt. L'administration fait valoir que cette dissimulation du chiffre d'affaires imposable par ce procédé a été réitérée à plusieurs reprises et pour des montants significatifs.

27. Ces agissements sur lesquels l'administration s'est fondée pour faire application de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses doivent être regardés comme de nature à démontrer l'intention, qui a été celle de la SARL Henri B..., d'égarer ou de restreindre l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et, par suite, à établir le bien-fondé de cette majoration.

28. Il résulte de ce qui précède que la SARL Henri B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

29. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin de sursis de paiement, celles tendant au versement d'intérêts moratoires ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE:

Article 1er : La requête de la SARL Henri B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Henri B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°22DA00762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00762
Date de la décision : 12/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : STORME FABIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-12;22da00762 ?
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