La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2023 | FRANCE | N°22DA01172

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 17 octobre 2023, 22DA01172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille :

Sous le n° 1910722, d'une part, de condamner le groupement d'intérêt public formation continue - insertion professionnelle (GIP - FCIP) à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral et professionnel causé par les agissements de harcèlement moral à son encontre, avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2019 et capitalisation des intérêts, d'autre part, de condamner cet établissement à lui appliq

uer l'échelon 10 et à lui verser le rappel des traitements et primes y afférents depui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille :

Sous le n° 1910722, d'une part, de condamner le groupement d'intérêt public formation continue - insertion professionnelle (GIP - FCIP) à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral et professionnel causé par les agissements de harcèlement moral à son encontre, avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2019 et capitalisation des intérêts, d'autre part, de condamner cet établissement à lui appliquer l'échelon 10 et à lui verser le rappel des traitements et primes y afférents depuis le 1er septembre 2016, avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2019 et capitalisation des intérêts. Par ailleurs, il a demandé au tribunal de mettre à la charge du GIP - FCIP une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sous le n° 2102233, d'une part, d'annuler la décision du 26 janvier 2021 par laquelle le directeur du groupement d'intérêt public formation continue - insertion professionnelle (GIP - FCIP) l'a licencié pour insuffisance professionnelle, d'autre part, de condamner cet établissement à lui payer les traitements, primes et avantages dont il a été privé pendant la période d'éviction irrégulière. Enfin, il a demandé au tribunal de mettre à la charge du GIP - FCIP une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1910722 et 2102233 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 3 juin 2022, le 23 décembre 2022 et le 17 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Denisselle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 26 janvier 2021 par laquelle le directeur du groupement d'intérêt public formation continue - insertion professionnelle (GIP - FCIP) l'a licencié pour insuffisance professionnelle ;

3°) de condamner le GIP - FCIP à lui payer les traitements, primes et avantages dont il a été privé pendant la période d'éviction irrégulière ;

4°) de condamner cet établissement à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral et professionnel causé par les agissements de harcèlement moral à son encontre ;

5°) de condamner le GIP - FCIP à lui appliquer l'échelon 10 et à lui verser le rappel des traitements et primes y afférents depuis le 1er septembre 2016 ;

6°) de mettre à la charge du GIP - FCIP une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle est illégale ;

- le GIP - FCIP n'établit pas la matérialité des faits retenus pour caractériser son insuffisance professionnelle ;

- jusqu'en 2014, ses qualités de formateur n'ont pas été remises en cause ; à partir de cette date, coïncidant avec un changement de l'équipe de direction, il a été empêché d'exercer pleinement ses fonctions et a été mis volontairement en difficulté afin qu'il quitte le GIP ; il a en particulier été confronté à l'hostilité du directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques ;

- le grief fondé sur des dysfonctionnements en ce qui concerne les contenus techniques et pédagogiques de son enseignement n'est pas justifié ;

- il ne peut lui être fait reproche d'avoir fait l'objet d'évaluations " en deçà des attentes " ;

- le motif tiré de ses refus réitérés de se former et de prendre en compte les remarques formulées est erroné ;

- contrairement à ce qu'a également retenu la décision de licenciement, il s'est toujours montré correct dans ses relations avec les apprentis, les parents d'élèves ou les autres intervenants ;

- l'annulation de la décision prononçant son licenciement, qui emporte sa réintégration rétroactive, lui donne droit au versement d'un rappel des traitements, primes et avantages dont il a été privé depuis le 28 mars 2021 ;

- à partir de l'année 2014, alors qu'il était formateur dans l'établissement depuis dix ans, il a connu une dégradation de sa situation professionnelle ; d'incessants changements d'emploi du temps lui ont été imposés, il n'a eu aucun retour sur le travail fourni, il a été confronté à de multiples difficultés matérielles, à des refus de donner suite à ses demandes de formation ou à ses demandes de communication de documents, à des difficultés avec les apprentis ; les agissements qu'il a subis et qui ressortent des pièces qu'il a produites, caractérisent un harcèlement moral ;

- le GIP n'apporte aucun élément tangible susceptible de démontrer que la dégradation de ses conditions de travail ne résulte pas d'un tel harcèlement à son encontre ;

- en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des agissements de son employeur, une indemnité de 50 000 euros doit lui être allouée ;

- les stipulations de son contrat de travail fixent sa rémunération par référence à une grille indiciaire applicable aux personnels du GIP ; son contrat initial fixe sa rémunération à l'échelon 7 indice 500 ; par un avenant du 26 juillet 2018, il a été classé à l'échelon 10 sans modification de son indice ; dès lors que le GIP a soumis la relation de travail à une grille indiciaire, il est fondé à demander l'annulation de la décision rejetant sa demande tendant à ce que sa situation indiciaire soit régularisée et au versement des rappels de traitement correspondant à l'application de l'indice 580 correspondant à l'échelon 10.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2022, le groupement d'intérêt public formation continue - insertion professionnelle (GIP- FCIP), représenté par Me Le Briquir, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel ne contient aucun moyen dirigé contre le jugement et reprend le contenu des mémoires produits en première instance ; elle méconnaît les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et est par conséquent irrecevable ;

- les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés ;

- l'insuffisance professionnelle est avérée et justifie le licenciement ;

- les allégations de harcèlement moral ne sont pas fondées ;

- en l'absence de toute faute, aucune indemnisation n'est due.

Par une ordonnance du 18 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 30 janvier 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2013-292 du 5 avril 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Denisselle pour M. A..., et de Me Le Briquir pour le GIP-FCIP.

Une note en délibéré, présentée par le groupement d'intérêt public formation continue insertion professionnelle a été enregistrée le 9 octobre 2023.

Une note en délibéré, présentée par M. A... a été enregistrée le 11 octobre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., formateur en électricité, a été recruté au cours du mois de septembre 2004 en contrat à durée déterminée, puis à compter du mois de septembre 2006 en contrat à durée indéterminée, pour exercer ses fonctions au sein de l'unité de formation par apprentissage du lycée des métiers Salvador Allende de Béthune qui relève du groupement d'intérêt public formation continue - insertion professionnelle (GIP - FCIP) de l'Académie de Lille. Un nouveau contrat à durée indéterminée a été signé le 14 mai 2014 et un avenant a été conclu le 26 juillet 2018 afin de modifier la discipline enseignée qui est devenue l'électrotechnique. Le 29 août 2019, par la voie de son conseil, M. A... a sollicité de son employeur, d'une part, le versement d'une indemnité de 50 000 euros réparant les préjudices qu'il estimait en lien avec des agissements de harcèlement moral, d'autre part, la régularisation rétroactive de son traitement mensuel pour tenir compte de l'échelon 10 auquel il estimait pouvoir prétendre depuis le 1er septembre 2016. Sa demande préalable ayant été implicitement rejetée, M. A... a saisi le tribunal administratif de Lille d'une première requête (n° 1910722) visant à obtenir la condamnation du groupement d'intérêt public formation continue - insertion professionnelle à lui verser les indemnités réclamées. Parallèlement, à la suite d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle engagée par le GIP - FCIP au début de l'année 2021, par une décision du 26 janvier 2021, son directeur a mis fin au contrat de M. A.... Par une seconde requête (n° 2102233) ce dernier a alors contesté son licenciement auprès du tribunal administratif de Lille et en a sollicité l'annulation ainsi que la condamnation du GIP - FCIP à lui payer les traitements, primes et avantages dont il avait été privé pendant la période d'éviction irrégulière.

2. M. A... relève appel du jugement du 8 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

4. Il ressort des écritures de la requête d'appel présentée par M. A... que celui-ci demande l'entière infirmation du jugement. S'il reprend largement ses écritures de première instance, il apporte toutefois une critique du jugement, notamment en invoquant une erreur commise par les premiers juges dans le raisonnement qui les ont conduits à rejeter sa demande tendant à la revalorisation de son traitement indiciaire. Par suite, le GIP - FCIP n'est pas fondé à soutenir que la requête d'appel est irrecevable faute de contenir un quelconque moyen contre le jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur les conclusions d'annulation de la décision de licenciement du 26 janvier 2021 :

5. Aux termes de l'article 1er du décret du 5 avril 2013 relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public : " I. - Le présent décret détermine le régime de droit public (...) auquel peuvent être soumis les personnels et le directeur d'un groupement d'intérêt public (...) / (...) les personnels d'un groupement d'intérêt public relevant du I sont régis par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 (...) ". Aux termes de l'article 45-2 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. / (...) ".

6. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ses fonctions.

7. Il ressort de la décision du 26 janvier 2021, que pour licencier M. A... pour insuffisance professionnelle, le directeur du GIP - FCIP de l'académie de Lille, s'est fondé sur quatre motifs, tirés " des dysfonctionnements concernant les contenus techniques et pédagogiques ", des " évaluations " en deçà des attentes " ", des " refus réitérés de se former et de prendre en compte les remarques formulées " et des " difficultés relationnelles avec les apprentis et les autres intervenants ".

8. Il ressort des pièces du dossier, que M. A..., qui, depuis 2004, enseignait l'électrotechnique à des apprentis des classes de CAP Pro Elec et BAC Pro Elec de l'unité de formation des apprentis (UFA) du lycée des métiers Salvador Allende de Béthune, s'est vu notifier, le 27 août 2015, une notice individuelle d'appréciation, dans laquelle le directeur de l'UFA, lui demandait de s'investir davantage dans la préparation de ses cours, relevait également que sa participation au suivi des apprentis restait aléatoire et mentionnait encore le besoin d'une inspection pédagogique et d'un conseiller pédagogique de manière à redéfinir une progression. Il ressort des conclusions du rapport d'inspection établi le 15 septembre 2016 à la suite d'une visite ayant eu lieu dans l'établissement le 10 mai précédent, que si l'inspecteur de l'éducation nationale a évalué M. A... comme un formateur ayant de bonnes compétences professionnelles, il a cependant relevé la nécessité, pour l'intéressé, de " mettre en place une pédagogie inductive plus dynamique qui implique réellement les apprentis ... à solliciter davantage sa classe en créant des situations d'apprentissage où l'apprenti est le principal acteur ". Dans son rapport, cet inspecteur a également consigné des indications pratiques pour permettre à l'enseignant d'améliorer ses méthodes pédagogiques, telles que " préparer sa séance de cours sous forme d'un tableau comportant au moins les éléments suivants : l'objectif général, les objectifs spécifiques, les pré-requis, les compétences, les savoirs, les temps des activités des élèves et les activités du professeur, le contenu, les moyens pédagogiques et l'évaluation ". Il ressort également des pièces du dossier, qu'aux termes d'un second rapport d'inspection établi le 28 mars 2018 faisant suite à une visite du 20 mars, l'inspecteur de l'éducation nationale a conclu que M. A... " doit absolument s'investir dans sa pédagogie et sur les nouvelles technologies connectées ", qu'il doit " maîtriser, a minima, les logiciels professionnels (Win relais, PL7.2..), tous les systèmes et sous-systèmes présents sur le plateau ". En ce qui concerne le suivi et l'évaluation des apprentis, l'inspecteur a en outre relevé qu'il " n'est plus possible de mettre des notes sans avoir vérifié, justifié, le critère d'évaluation défini dans le Référentiel de certification " puis, après avoir observé la nécessité de mettre à jour sa connaissance des nouvelles technologies, l'inspecteur a préconisé l'inscription de M. A... à des stages de formation pour augmenter son niveau technique. Dans ce rapport, l'inspecteur a enfin demandé au directeur du CFA " dans la mesure du possible, de mettre en place un tutorat comportant une description des missions pour le formateur ainsi qu'un bilan d'évaluation de la formation ". Dans les semaines qui ont suivi cette inspection pointant les lacunes pédagogiques de M. A... et préconisant la mise en place d'un tutorat, l'agent, accompagné d'un représentant du personnel, a été reçu le 18 avril 2018 en entretien par le directeur du CFA et la secrétaire générale adjointe chargée des ressources humaines pour, notamment, donner suite aux observations de l'inspecteur. Il ressort du compte-rendu de cet entretien, non contesté par l'intéressé, que M. A... a reconnu la plupart des faits reprochés et a accepté le tutorat ainsi que de se remettre en cause sur les manques constatés pour retrouver la confiance des apprentis et des entreprises. Or, selon les termes d'un courrier que le directeur de l'UFA Salvador Allende a adressé le 3 septembre 2018 au directeur du CFA Académique, M. A... est ensuite revenu sur ses engagements, s'agissant notamment de suivre les propositions d'amélioration de sa pédagogie et le suivi des apprentis en entreprise. Il ressort des termes d'un courrier du 22 octobre 2018 que le directeur du CFA académique a adressé à M. A... à la suite d'un entretien ayant eu lieu le 15 octobre précédent, en présence notamment du directeur du CFA, la persistance des difficultés pédagogiques et de ses réticences à suivre les propositions pour y remédier. Dans ce courrier, la proposition d'un accompagnement rapproché par un conseiller pédagogique a été réitérée ainsi que celle d'une décharge horaire de cent heures annuelles de face à face pédagogique pour lui permettre de se former. A la suite de cet entretien, M. A... a été informé, le 28 novembre 2018, qu'un professeur en génie électrotechnique, formateur aux métiers de l'électricité au sein de l'UFA, avait été désigné pour assurer son tutorat et qu'il lui était alors demandé de se rapprocher de ce dernier afin de définir sa mission et leurs attentes respectives. Or, il ressort tant du compte-rendu d'évaluation professionnelle de M. A..., reçu en entretien le 18 juillet 2019 par le directeur du CFA académique que du courrier que ce dernier lui a adressé le 19 juillet, que l'agent n'a donné aucune suite aux propositions de formation et de tutorat, de sorte que le directeur du centre a pris la décision de ne plus lui confier d'enseignements en électrotechnique face à des apprentis et lui a proposé de s'orienter, accompagné dans le cadre d'un tutorat renforcé, dans un projet de reconversion vers l'enseignement des mathématiques et sciences physiques et chimiques.

9. Il ressort des rapports précités faisant suite aux inspections du 10 mai 2016 et du 20 mars 2018, de nombreuses insuffisances de M. A... tant dans la conduite de ses enseignements, l'actualisation de ses connaissances techniques que dans le suivi et l'évaluation des acquisitions des apprentis de l'UFA Salvador Allende. Si l'appelant soutient que la qualité de son enseignement et ses compétences pédagogiques n'avaient, depuis son engagement en 2004 en qualité de formateur, jamais été remises en cause, il est constant qu'il n'avait jusqu'alors, fait l'objet d'aucune visite du corps d'inspection de l'éducation nationale. De même, si ses évaluations professionnelles antérieures à l'année 2015 ne signalaient pas de lacunes dans l'enseignement délivré et dans le suivi de ses élèves, cette circonstance ne saurait, par elle-même, invalider les appréciations consignées par le directeur du CFA académique dans l'évaluation de son activité professionnelle, remettant en question sa pédagogie et son investissement dans la préparation de ses cours et le suivi des apprentis, qui ont été confirmées par les deux rapports d'inspection précités. A cet égard, il ressort des rapports et courriers mentionnés au point précédent, que M. A..., informé de ses lacunes professionnelles, s'est vu proposer des solutions précises et concrètes pour y remédier, en particulier par la mise en place d'un tutorat par un accompagnant pédagogique et par une décharge conséquente de son temps d'enseignement pour participer à des actions de formation. Or, il ressort des courriers et comptes-rendus d'entretien cités au point précédent, qu'il ne s'est jamais manifesté auprès de son tuteur désigné et qu'il ne s'est que très peu investi dans les actions de formation. S'il allègue avoir été empêché de participer ou de s'inscrire dans un parcours de formation, il ne l'établit pas. S'il fait encore valoir qu'il évoluait dans un contexte professionnel constitué de changements réguliers de son emploi du temps, d'un manque de moyens matériels et qu'il était confronté à l'hostilité de l'équipe de direction du CFA, notamment du directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques, aucune pièce du dossier ne le confirme. Si le comportement indiscipliné de certains apprentis a certes pu perturber ponctuellement ses cours, ce contexte ne peut à lui seul expliquer les nombreuses difficultés d'ordre purement pédagogique, révélées par les divers rapports d'inspection et d'évaluation. Or, contrairement à ce que soutient l'appelant, bien qu'alerté sur ses carences professionnelles depuis 2016, et en dépit du dispositif d'accompagnement proposé pour y remédier, il a refusé le tutorat par un accompagnant pédagogique qui lui aurait permis d'améliorer ses compétences professionnelles, nécessaires à la poursuite de ses fonctions de formateur au CFA académique.

10. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas de nature à justifier légalement la décision de le licencier. Par suite, la décision du directeur du GIP- FCIP prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 2021par laquelle le directeur du GIP - FCIP de l'académie de Lille l'a licencié au motif de son insuffisance professionnelle.

12. Enfin, et par voie de conséquence, en l'absence d'illégalité de la mesure de licenciement, les conclusions de M. A... tendant au versement d'un rappel des traitements, primes et avantages dont il a été privé depuis le 28 mars 2021 ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l'existence d'un préjudice en lien avec un harcèlement moral :

13. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".

14. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

15. Pour caractériser la situation de harcèlement moral dont il allègue avoir été victime, M. A... soutient avoir toujours donné satisfaction dans son emploi de formateur mais que ses conditions de travail ont été subitement dégradées à compter de l'année 2014, période qui a été marquée par des changements dans l'équipe de direction. Il reproche à cette dernière de lui avoir imposé des changements d'emploi du temps incessants, de ne lui avoir fait aucun retour sur le travail fourni, de l'avoir laissé seul, confronté à de multiples difficultés matérielles, de n'avoir pas donné suite à ses demandes de formation ou à ses demandes de communication de documents.

16. Si M. A... impute la dégradation de sa situation professionnelle en particulier à son supérieur hiérarchique direct, occupant les fonctions de directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques, il ne résulte pas de l'instruction que ce dernier aurait adopté une stratégie visant à lui adresser des reproches récurrents et infondés, ou à l'empêcher d'accomplir sa mission de formateur en le privant des ressources matérielles et techniques nécessaires à ses enseignements. Sur ce point, les différentes pièces citées aux points 8 à 9 traduisent au contraire la volonté de celui-ci de l'accompagner dans sa progression pédagogique. En outre, si des reproches ont pu lui être faits notamment en ce qui concerne le suivi des apprentis, il ressort des divers rapports d'évaluation et d'inspection qu'ils n'étaient pas infondés, notamment s'agissant des visites dans les entreprises accueillant ses élèves. Il n'en résulte dès lors aucun comportement excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique de la part de ce supérieur hiérarchique direct. De la même manière, les lettres et comptes-rendus d'entretien émanant tant du directeur du CFA académique que du proviseur de l'UFA Salvador Allende, ne révèlent aucune manifestation hostile vis-à-vis de l'agent et témoignent au contraire d'un souhait constant et bienveillant de lui proposer un parcours adapté pour l'accompagner dans une démarche visant à améliorer sa pédagogie et ses pratiques professionnelles. Or, ainsi qu'il a été dit au point 9, loin de répondre favorablement aux propositions constructives de l'équipe de direction, M. A... a refusé le tutorat qui lui a été proposé et ne s'est pas investi dans un cursus de formation sur le long terme, qui lui était facilité par l'offre d'une décharge de cent heures d'enseignement.

17. En outre si M. A... se plaint de n'avoir pas obtenu, en 2018, la communication spontanée de son dossier administratif, ce qui l'aurait obligé à engager une procédure juridictionnelle, cette circonstance, aussi regrettable soit elle, ne révèle pas une volonté de nuire à sa situation professionnelle, dès lors qu'elle constitue un fait isolé dans la gestion de sa carrière.

18. M. A... fait encore valoir qu'il a été victime, du fait du comportement des membres de l'équipe de direction du GIP, d'atteintes à sa santé mentale et physique. Toutefois, la seule production de l'énumération des périodes d'arrêts de travail et des certificats médicaux correspondant ne suffisent pas à faire présumer que la dégradation de son état de santé aurait pour origine les agissements qu'il impute à l'équipe dirigeante du GIP- FCIP.

19. Dans ces conditions, les éléments de fait pris dans leur ensemble ou isolément, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de M. A.... Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le GIP - FCIP a méconnu les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

20. En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant au versement d'une indemnité de 50 000 euros.

En ce qui concerne la revalorisation indiciaire :

21. Aux termes de l'article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le montant de la rémunération est fixé par l'autorité administrative, en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l'agent ainsi que son expérience. / La rémunération des agents employés à durée indéterminée fait l'objet d'une réévaluation au moins tous les trois ans, notamment au vu des résultats des entretiens professionnels prévus à l'article 1-4 ou de l'évolution des fonctions. ".

22. Il résulte de l'instruction que par une délibération adoptée le 25 février 2016, le conseil d'administration du GIP- FCIP académique a arrêté les principes et modalités de mise en œuvre de la rémunération de ses personnels contractuels, pour tenir compte notamment des dispositions précitées de l'article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 modifié, prévoyant la réévaluation périodique des agents employés à durée indéterminée. Cette délibération fixe la grille de rémunération pour les fonctions et missions pédagogiques du groupe I occupées par des agents contractuels ayant un diplôme du niveau Master II ou équivalent Bac + 5 et disposant de plus de cinq ans d'expérience professionnelle. Pour ces agents, la grille prévoit une évolution de rémunération entre l'échelon minimal 7 et l'échelon maximal 12, respectivement par référence aux indices nouveaux majorés (INM) 440 et 625. Le niveau d'échelon 10 prévoit une rémunération équivalente à l'indice 580. En outre, cette délibération précise dans un point 2) que " L'entretien d'évaluation est la base du parcours professionnel et de la promotion / Chaque année avec une automaticité selon la durée indiquée pour les groupes 1 et 3 sauf s'il existe une évaluation réservée ou défavorable au cours des trois derniers entretiens ".

23. Il résulte également de l'instruction qu'en vertu des stipulations de l'article 4 de son contrat initial, la rémunération de M. A... correspondait à l'indice brut 593 et à l'indice nouveau majoré (INM) 500. Par un avenant signé le 26 juillet 2018, l'article 4 de son contrat a été modifié, stipulant que le " co-contractant sera rémunéré à l'indice brut 593 INM 500 (Indice Nouveau majoré) échelon 10 ".

24. Il est constant que M. A... relevant du groupe I, pouvait prétendre à une rémunération fixée conformément aux principes fixés par la délibération précitée. A cet égard, cette dernière disposant que la " refonte des grilles n'entraîne pas de revalorisation indiciaire systématique pour les personnels contractuels ayant bénéficié de la grille de 2013 ", M. A..., qui a été recruté en contrat à durée indéterminée en septembre 2006, n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait dû bénéficier d'une rémunération équivalente à l'échelon 10 dès le 1er septembre 2016. En revanche, dès lors que, par l'avenant signé le 26 juillet 2018, le GIP a modifié son contrat en fixant sa rémunération à l'échelon 10, il avait droit à ce que sa rémunération soit fixée en conformité avec l'indice afférent à cet échelon, tel que mentionné dans la délibération précitée, qui prévoit une corrélation automatique entre l'échelon et l'indice.

25. Il s'ensuit que le GIP- FCIP de l'académie de Lille doit être condamné à verser à M. A... les rappels de traitement correspondant à l'application de l'INM 580 à compter du 26 juillet 2018 et jusqu'à la date de prise d'effet de son licenciement, à l'issue du préavis de deux mois suivant la notification de la décision du 26 janvier 2021 prononçant son licenciement.

26. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du GIP - FCIP à lui verser le rappel des traitements correspondant à l'échelon indiciaire figurant dans son contrat modifié le 26 juillet 2018.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

27. M. A... a droit aux intérêts au taux légal sur les rappels de traitement à compter du 2 septembre 2019, date de la réception de sa demande indemnitaire préalable.

28. La capitalisation des intérêts ayant été demandée pour la première fois dans sa requête de première instance, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 2 septembre 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année entière d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme demandée par le GIP - FCIP au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GIP - FCIP, le versement à M. A..., d'une somme de 1 000 euros à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le GIP - FCIP est condamné à verser à M. A... les rappels de traitement correspondant à l'application de l'INM 580 à compter du 26 juillet 2018 et jusqu'à la date de prise d'effet de son licenciement. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2019 et les intérêts échus à la date du 2 septembre 2020 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 8 avril 2022 est réformé en qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le GIP - FCIP versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le GIP - FCIP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au groupement d'intérêt public Formation continue insertion professionnelle de l'académie de Lille.

Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Marécalle

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Marécalle

N° 22DA01172 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01172
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : HERMARY et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-17;22da01172 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award