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26/10/2023 | FRANCE | N°22DA01026

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 26 octobre 2023, 22DA01026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 2001832 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête,

enregistrée le 13 mai 2022, et un mémoire, enregistré le 6 décembre 2022, M. B..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 2001832 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mai 2022, et un mémoire, enregistré le 6 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Grousset, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige.

Il soutient que :

- s'agissant de l'apport de titres de la société à responsabilité limitée (SARL) B... à la SARL CMP, la soulte versée étant inférieure à 10 % des titres reçus, l'opération ouvrait droit au bénéfice du mécanisme de report d'imposition prévu à l'article 150-0 B ter du code général des impôts ; l'administration a ainsi fait une inexacte application des dispositions de cet article 150-0 B ter ;

- les modalités d'application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificatives pour 2016, ne sont pas clairement déterminées ;

- subsidiairement, en application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, les impositions ne pouvaient être établies que sur la soulte, qui constitue une opération intercalaire d'apport, et non sur la totalité de la plus-value ;

- l'apport de titres de la société civile immobilière (SCI) MCA à la SARL CMP a été exclusivement motivé par un intérêt économique lié à la mise en place d'un groupe de sorte qu'il doit bénéficier du report d'imposition prévu à l'article 150-0 B ter du code général des impôts ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée aux impositions en litige n'était pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré et à ce que cette majoration soit remise à la charge de M. B....

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

- l'application d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales était justifiée ;

- à titre subsidiaire, la majoration de 10 % prévue au I de l'article 1758 A du code général des impôts doit être substituée à la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 de ce code en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu afférentes à la plus-value calculée à partir de l'apport net.

Par ordonnance du 8 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 novembre 2014, M. B..., associé et gérant de la société à responsabilité limitée (SARL) CMP, a apporté à cette société 792 parts de la SARL B... et 149 parts de la société civile immobilière (SCI) MCA. En contrepartie de ces apports, M. B... a perçu des soultes, respectivement de 235 000 euros et de 53 640 euros, qui ont été inscrites au crédit de son compte courant d'associé dans les écritures de la SARL CMP. M. B... a estimé pouvoir placer les plus-values réalisées à l'occasion de ces apports, y compris les soultes, sous le régime du report d'imposition prévu par l'article 150-0 B ter du code général des impôts. A la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL CMP puis d'un contrôle sur pièces de la situation fiscale personnelle de M. B..., l'administration a toutefois estimé, d'une part, que les conditions d'application du régime du report d'imposition n'étaient pas remplies s'agissant de l'apport de parts de la SARL B... dès lors que le montant de la soulte était supérieur à 10 % de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de l'apport, et, d'autre part, que la rémunération de l'apport de parts de la SCI MCA au moyen d'une soulte était constitutive, en l'espèce, d'un abus de droit. En conséquence, le service a soumis les sommes en cause à l'impôt sur le revenu entre les mains de M. B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ainsi qu'aux prélèvements sociaux au titre de l'année 2014. Elle a assorti ces impositions supplémentaires de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts s'agissant de l'opération d'apport de parts de la SARL B..., et de la majoration de 80 % pour abus de droit prévue au b. de ce même article s'agissant de l'opération d'apport de parts de la SCI MCA. Par un jugement du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, déchargé M. B... de la majoration de 40 % pour manquement délibéré dont ont été assortis pour partie les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement en tant qu'il a déchargé M. B... de la majoration de 40 % pour manquement délibéré dont ont été assorties pour partie les impositions supplémentaires en litige.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'opération d'apport à la SARL CMP des parts de la SARL B... détenues par M. B... :

2. Aux termes du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. Le contribuable mentionne le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. Les apports avec soulte demeurent soumis à l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus (...) III.- Le report d'imposition est subordonné aux conditions suivantes : 1° L'apport de titres est réalisé en France ou dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ; 2° La société bénéficiaire de l'apport est contrôlée par le contribuable. Cette condition est appréciée à la date de l'apport, en tenant compte des droits détenus par le contribuable à l'issue de celui-ci. Pour l'application de cette condition, un contribuable est considéré comme contrôlant une société : a) Lorsque la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société est détenue, directement ou indirectement, par le contribuable ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs ; b) Lorsqu'il dispose seul de la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires ; c) Ou lorsqu'il y exerce en fait le pouvoir de décision. Le contribuable est présumé exercer ce contrôle lorsqu'il dispose, directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne. Le contribuable et une ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérés comme contrôlant conjointement une société lorsqu'ils déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale. (...) ".

3. En application de l'article 150-0 A du code général des impôts, la plus-value qu'une personne physique retire d'un apport de titres ou droits est soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de sa réalisation. Toutefois, le contribuable bénéficie, en vertu des dispositions précitées de l'article 150-0 B ter du même code, d'un report d'imposition si l'apport est effectué à une société qu'il contrôle et que le montant de la soulte perçue, le cas échéant, n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus à l'échange.

4. Il résulte de l'instruction, notamment des indications portées par l'intéressé dans sa déclaration de plus-values en report d'imposition et reprises dans la proposition de rectification du 6 octobre 2017, qu'en contrepartie de l'apport de 792 parts de la SARL B... dont la valeur unitaire a été évaluée à 3 000 euros, soit une valeur apportée de 2 376 000 euros, M. B... a reçu 214 100 parts de la SARL CMP d'une valeur unitaire de 10 euros, soit un total de 2 141 000 euros, ainsi qu'une soulte d'un montant de 235 000 euros.

5. Contrairement à ce que soutient M. B..., il résulte du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts que le seuil de 10 % de la valeur nominale des titres reçus à l'échange prévu par ce I n'inclut pas le montant de la soulte versée. Il suit de là que le montant de la soulte perçue de 235 000 euros excédait le seuil de 10 % de la valeur nominale des titres reçus de la SARL B..., laquelle s'établissait à 2 141 000 euros, soit un seuil de 214 100 euros. Par suite, les conditions requises par l'article 150-0 B ter du code général des impôts n'étant pas remplies, c'est à bon droit que l'administration a refusé à M. B... le bénéfice du régime du report d'imposition et a procédé à l'imposition litigieuse.

6. M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, qui ne sont pas applicables à l'année d'imposition en litige.

7. M. B... soutient, à titre subsidiaire, que l'apport de titres en cause a été effectué dans le cadre d'une opération de restructuration qui revêt par nature un caractère intercalaire et qu'il ne devait être imposé que sur le montant de la soulte dès lors qu'il n'a pas perçu d'autres fonds. Toutefois, dès lors que le montant de la soulte perçue excède, ainsi qu'il vient d'être dit, 10 % de la valeur nominale des titres reçus en échange, les apports avec soulte sont intégralement soumis, en application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, à l'article 150-0 A de ce code. En vertu de cet article, la plus-value qu'une personne physique retire d'un apport de titres ou droits est soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de sa réalisation. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que seul le montant de la soulte était soumis à l'impôt sur le revenu.

En ce qui concerne l'opération d'apport à la SARL CMP des parts de la SCI CMA détenues par M. B... :

8. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue du I de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. / Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public ".

9. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, recherchent le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. L'administration apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.

10. En instituant un mécanisme de report d'imposition, le législateur a entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par échange de titres en évitant que l'imposition immédiate de la plus-value constatée à l'occasion d'une telle opération, alors que le contribuable ne dispose pas des liquidités lui permettant d'acquitter cet impôt, fasse obstacle à sa réalisation. Si, dans la version du texte applicable au litige, le report d'imposition bénéficie à la totalité de la plus-value résultant d'une opération d'apport avec soulte lorsque le montant de celle-ci n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de l'apport, le but ainsi poursuivi par le législateur n'est pas respecté si la stipulation d'une soulte au profit de l'apporteur en complément de l'attribution de titres de la société bénéficiaire de l'apport n'a aucune autre finalité que de permettre à celui-ci d'appréhender, en franchise immédiate d'impôt, des liquidités détenues par cette société ou par celle dont les titres sont apportés. Dans ce cas, l'administration est fondée, en application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, à considérer qu'en stipulant l'octroi de cette soulte, les parties à l'opération d'apport ont recherché le bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, dans le seul but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'apporteur aurait normalement supportées.

11. Le 18 novembre 2014, M. B... a apporté à la SARL CMP les 149 parts qu'il détenait de la SCI MCA, laquelle compte 150 parts sociales, en échange desquelles il a reçu des parts de la SARL CMP pour une valeur totale et 542 360 euros et une soulte de 53 640 euros versée sur son compte courant d'associé dans les écritures de la SARL CMP, ce montant étant très légèrement inférieur au seuil de 10 % de la valeur nominale des titres reçus.

12. Pour remettre en cause le bénéfice du report d'imposition prévu par les dispositions précitées de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, sous lequel M. B... avait placé cette opération d'apport, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification adressée au requérant, que la SARL CMP avait été créée le 21 juillet 2014 par M. B..., qui en était également le gérant, et son frère, lequel ne détenait qu'une seule part sociale, qu'elle n'avait réalisé aucune activité économique avant l'apport de parts survenu le 18 novembre 2014, que cette société holding s'était bornée à apporter une assistance administrative, comptable et financière à la SARL B... et à la SCI MCA et qu'en conséquence le versement d'une soulte ne présentait pas d'intérêt économique pour la bénéficiaire de l'apport. L'administration a relevé également que les parts apportées par M. B... n'avaient pas eu pour objet de faire entrer un tiers au capital et que, par ses participations dans le capital de la SARL CMP, M. B... avait conservé le contrôle exclusif de la SCI MCA. L'administration a fait également valoir qu'en raison de la création récente sans activité économique préalable de la SARL CMP, les titres de cette société ne bénéficiaient pas d'une valeur préétablie de sorte que le montant de la soulte, fixé à 9,9 % de la valeur des titres apportés, ne présentait pas d'intérêt économique pour la société bénéficiaire de l'apport et que cette opération d'apport avait en réalité permis à M. B... d'appréhender des liquidités en franchise immédiate d'impôt. Le service a apporté ainsi des éléments suffisamment précis démontrant que le versement de la soulte litigieuse caractérisait une appréhension des liquidités de la SARL CMP en franchise immédiate d'impôt dans un but exclusivement fiscal, par une application littérale des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts contraire à l'intention du législateur.

13. Si le requérant soutient que le versement de cette soulte était motivé par des raisons économiques liées au besoin pour la SARL CMP de détenir des biens immobiliers, il n'a fait valoir aucun motif ni intérêt économique particulier pour cette société justifiant que cette holding chargée de gérer la SCI CMA et la SARL B... détienne de tels biens. La circonstance ainsi invoquée n'est donc pas de nature à démontrer que le versement de la soulte litigieuse présentait un intérêt économique pour la société bénéficiaire de l'apport et que ce versement aurait ainsi été justifié par un motif autre que la volonté d'atténuer les charges fiscales du requérant. L'administration doit, en conséquence, être regardée comme établissant l'abus de droit.

Sur les pénalités :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; (...) ".

En ce qui concerne la majoration de 40 % pour manquement délibéré :

15. L'administration a appliqué la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, en cas de manquement délibéré, aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant de la plus-value afférente à l'opération d'apport à la SARL CMP des parts de la SARL B... détenues par M. B....

16. Pour justifier l'application de cette majoration aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant de ce chef de rectification, l'administration fait valoir que M. B... n'a pas porté le montant de la soulte perçue sur la déclaration de plus-value qu'il a déposée au titre de l'année 2014. Elle a également retenu, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 6 octobre 2017, que s'approprie le ministre en appel, que le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la SARL CMP du 16 mars 2015 avait mentionné, au sujet de l'opération d'apport de parts de la SARL B... par M. B..., qu'il " sera versé à l'apporteur une soulte inférieure à 10 % du nominal des titres émis lors de l'augmentation du capital " et que ce montant, qui ne présentait aucun intérêt économique pour la société bénéficiaire de l'apport, avait été fixé arbitrairement en prenant seulement en considération la limite de 10 % fixée par l'article 150-0 B ter du code général des impôts. L'administration a aussi relevé, dans sa réponse aux observations du contribuable du 14 juin 2018, que si M. B... avait commis une erreur de calcul du seuil de 10 %, la soulte à percevoir devait s'établir à 9,9 % de la valeur nominale des titres reçus. L'administration a déduit de l'ensemble de ces éléments que, même si le montant de la soulte versée à l'apporteur avait dépassé, à la suite d'une erreur de calcul, le seuil de 10 %, l'intention de M. B..., lequel contrôlait la SARL CMP, visait, dans un but exclusivement fiscal, à bénéficier d'une soulte artificiellement fixée à un montant aussi proche que possible du seuil de 10 % pour conserver ainsi le bénéfice du report d'imposition pour la plus-value d'apport.

17. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant la volonté de M. B... d'éluder les impositions dont il était redevable et, par suite, comme justifiant l'application de la majoration en litige. Dès lors, le ministre est fondé, par la voie de l'appel incident, à demander que la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts soit remise à la charge de M. B....

En ce qui concerne la majoration de 80 % pour abus de droit :

18. L'administration a appliqué la majoration de 80 % prévue par les dispositions précitées du b. de l'article 1729 du code général des impôts, en cas d'abus de droit, aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux ayant résulté de la plus-value afférente à l'opération d'apport à la SARL CMP des parts de la SCI MCA détenues par M. B....

19. Il résulte de l'ensemble des éléments de fait réunis par l'administration et rappelés aux points 11 à 13 ci-dessus, que celle-ci doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe s'agissant des pénalités, de l'existence d'un abus de droit dont M. B... a eu l'initiative principale. C'est par suite à bon droit que l'administration a appliqué un taux de pénalité de 80 % en application des dispositions citées ci-dessus du b. de l'article 1729 du code général des impôts.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen n'a fait que partiellement droit à sa demande et que le ministre est fondé à demander, par la voie de l'appel incident, d'une part l'annulation de ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré dont ont été assorties les impositions supplémentaires relatives au chef de rectification mentionné au point 15 et d'autre part la remise de cette majoration à la charge de M. B....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001832 du 15 mars 2022 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a prononcé la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré que l'administration avait appliquée aux suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux afférents à la plus-value liée à l'opération d'apport des parts de la SARL B... détenues par M. B... à la SARL CMP.

Article 2 : La majoration de 40 % pour manquement délibéré afférente au chef de rectification mentionné à l'article 1er du présent arrêt est remise à la charge de M. B....

Article 3 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°22DA01026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01026
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET D'ETUDES JURIDIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-26;22da01026 ?
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