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07/11/2023 | FRANCE | N°23DA00589

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 07 novembre 2023, 23DA00589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de

la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", dans le délai de trente jours à compter de

la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de deux cent euros par jour d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de

la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de deux cent euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2203935 du 3 mars 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2023, M. B..., représenté par Me Megherbi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait en ce qu'elle se fonde sur le motif tiré de l'absence de visa de long séjour alors qu'il ne pouvait pas être regardé comme sollicitant une première demande de titre de séjour en qualité de commerçant. Le dépassement du délai imparti pour présenter sa demande de renouvellement de son titre de séjour résulte de l'annulation, du fait du contexte sanitaire lié à l'épidémie de covid-19, du rendez-vous obtenu en préfecture en vue du dépôt d'une demande de renouvellement de son titre dans les délais ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en ce qu'elle se fonde sur le motif tiré du caractère insuffisant de ses ressources, condition non prévue par

l'accord franco-algérien.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 juin 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 1er juillet 1990 à Akbou, est entré en France en septembre 2015 sous couvert d'un visa de long séjour valable du 25 août au 23 novembre 2015. Il s'est vu délivrer un certificat de résidence portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 23 novembre 2018. A la suite de sa demande de changement de statut, M. B... s'est vu délivrer, le 19 février 2019, un certificat de résidence en qualité de commerçant valable jusqu'au 18 février 2020. Par une demande du 20 octobre 2020, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 3 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Le préfet a instruit la demande de M. B... sur le fondement des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien, aux termes desquelles : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis. ", ainsi que sur le fondement des stipulations de l'article 7 de ce même accord, aux termes desquelles : " (...) c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité (...) ".

3. Pour refuser de délivrer à M. B... une carte de résident d'un an portant la mention " commerçant " le préfet s'est notamment fondé sur les circonstances que M. B... ne prouvait ni son identité ni sa nationalité, qu'il était dépourvu d'un visa de long séjour, qu'il ne disposait pas d'un lieu de résidence stable et, enfin, que son bail d'habitation ne permettait pas la domiciliation de son activité commerciale.

4. En premier lieu, si l'accord franco-algérien régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, cette circonstance ne saurait faire obstacle à ce que leur soient appliqués les textes de portée générale relatifs à l'exercice, par toute personne, de l'activité professionnelle envisagée, ainsi d'ailleurs que le rappellent, pour l'exercice de certaines professions par les étrangers d'autres nationalités, les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Aux termes de l'article L. 123-10 du code de commerce : " Les personnes physiques demandant leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers doivent déclarer l'adresse de leur entreprise et en justifier la jouissance. / (...) Les personnes physiques peuvent déclarer l'adresse de leur local d'habitation et y exercer une activité, dès lors qu'aucune disposition législative ou stipulation contractuelle ne s'y oppose. / Lorsqu'elles ne disposent pas d'un établissement, les personnes physiques peuvent, à titre exclusif d'adresse de l'entreprise, déclarer celle de leur local d'habitation. Cette déclaration n'entraîne ni changement d'affectation des locaux, ni application du statut des baux commerciaux ". Aux termes de l'article L. 631-7-3 du code de la construction et de l'habitation : " Dès lors qu'aucune stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s'y oppose, l'exercice d'une activité professionnelle, y compris commerciale, est autorisé dans une partie d'un local à usage d'habitation, dès lors que l'activité considérée n'est exercée que par le ou les occupants ayant leur résidence principale dans ce local et ne conduit à y recevoir ni clientèle ni marchandises. / Les dispositions du présent article sont applicables aux représentants légaux des personnes morales ".

6. M. B..., qui a bénéficié d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant " valable du 19 février 2019 au 18 février 2020, justifie à l'appui de sa demande de l'exercice d'une activité commerciale dans le domaine du nettoyage pour laquelle il est inscrit au répertoire des métiers auprès de la chambre de métiers et de l'artisanat de

la Seine-Maritime depuis le 15 janvier 2019 et immatriculé au registre du commerce et des sociétés depuis le 4 février 2021. Il produit également les déclarations trimestrielles de chiffres d'affaires effectuées auprès de l'Urssaf pour la période 2019 - 2021 ainsi qu'une attestation comptable pour l'année 2019. Il ressort de l'ensemble ces documents que son entreprise individuelle est domiciliée sur le territoire de la commune de Caudebec-lès-Elbeuf (76) à l'adresse où il est hébergé par des proches. Toutefois, il est constant que les stipulations du bail d'habitation, fourni par l'intéressé à l'appui de sa demande et produit en première instance par le préfet, prohibent l'exercice de toute activité professionnelle à cette adresse, le preneur devant employer les lieux loués uniquement à son habitation personnelle et à celle de sa famille. Dans ces conditions, le préfet était fondé à rejeter, sur ce seul motif, la demande présentée par M. B....

7. En second lieu, si l'appelant fait valoir que le préfet de la Seine-Maritime a commis d'une part, une erreur de fait, en ne tenant pas compte de l'effectivité de l'activité commerciale de sa société, et, d'autre part, une erreur de droit en ce qu'il se serait fondé sur l'absence de ressources suffisantes pour refuser de faire droit à sa demande, il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse que le préfet, qui a procédé à une appréciation globale de la situation économique du requérant, se serait fondé sur l'absence de ressources suffisantes provenant de l'activité commerciale dont il se prévaut pour rejeter sa demande sur le fondement des articles 5 et 7 c) précités de l'accord franco-algérien.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent ". Par ailleurs aux termes de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur au moment du dépôt de la demande et dont les dispositions sont reprises, depuis le 1er mai 2021, à l'article R. 431-5 du même code : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : (...) 4° Soit dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire (...) ".

9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'obligation de présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour qu'il contient, ne saurait concerner que les personnes non encore admises à résider sur le territoire français qui souhaitent se voir délivrer un certificat de résidence. Ces stipulations n'ont en revanche ni pour objet, ni pour effet d'obliger les ressortissants algériens qui ont déjà été admis à résider sur le territoire français au titre de l'un des articles de l'accord, à solliciter le visa de long séjour visé à l'article 9 précité, dès lors qu'ils ont présenté une demande de changement de statut avant l'expiration du certificat de résidence en leur possession.

10. Si le préfet de la Seine-Maritime a également fondé sa décision sur la circonstance selon laquelle M. B... ne justifiait pas de la possession du visa de long séjour exigé par les stipulations de l'article 9 précité de l'accord franco-algérien alors, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a obtenu, à la suite de sa demande de changement de statut, un certificat de résidence portant la mention " commerçant " valable jusqu'au 18 février 2020 et, d'autre part, qu'il justifie en appel avoir déposé dès le 29 janvier 2020, soit dans le délai de deux mois avant l'expiration de son titre de séjour, une demande de rendez-vous en vue du renouvellement de ce titre, lequel a ensuite été annulé à l'initiative de la préfecture du fait de la modification des conditions d'accueil durant la pandémie de covid-19, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ce motif.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, compte-tenu de ce qui a été précédemment exposé, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision de refus de séjour au soutien des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis 2015 dans la cadre de la poursuite de ses études et de son insertion professionnelle. Toutefois, l'appelant, qui est célibataire sans charge de famille, n'allègue pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. En dehors de l'exercice de son activité commerciale, il ne fait pas état d'une insertion notable. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel la décision a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

Le président-assesseur,

Signé : J.-M. Guérin-Lebacq

La présidente de chambre,

présidente-rapporteure,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

N. Roméro

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N° 23DA00589

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3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00589
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Viard
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : MEGHERBI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-11-07;23da00589 ?
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