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08/02/2024 | FRANCE | N°23DA00495

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 08 février 2024, 23DA00495


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 7 février 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a l'a assigné à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2300931 du 8 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 7 février 2023 et a condamné l'Etat à verser à la SELARL Eden Avocats, conseil de M. B..., la somme de 90

0 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide jur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 7 février 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a l'a assigné à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2300931 du 8 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 7 février 2023 et a condamné l'Etat à verser à la SELARL Eden Avocats, conseil de M. B..., la somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, il apportait des éléments de nature à démontrer que l'éloignement de M. B... constituait une perspective raisonnable au sens de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La procédure a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire en défense

M. B... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B..., ressortissant nigérian né le 18 avril 1984 à Ado-Ekiti (Nigéria), déclare être entré en France en avril 2014. Par un arrêté du 24 février 2021 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Rouen du 21 octobre 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois. M. B... n'ayant pas exécuté la mesure d'éloignement prononcée à son encontre, par un deuxième arrêté du 2 juillet 2022 dont la légalité a également été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Rouen du 15 décembre 2022 ainsi que par une ordonnance du président de la 4ème chambre de la cour du 3 mai 2023, le préfet de la Seine-Maritime a obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Enfin, par un dernier arrêté du 7 février 2023, la même autorité a assigné à résidence M. B... pour une durée maximale de quarante-cinq jours. Toutefois, par un jugement du 8 mars 2023 dont le préfet de la Seine-Maritime relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ce dernier arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; /(...)/ ". Aux termes de l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ".

3. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que pour assigner à résidence M. B..., le préfet de la Seine-Maritime, après avoir indiqué qu'aux termes du 1° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé et qui ne peut immédiatement quitter le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé, qui s'était maintenu volontairement en situation irrégulière malgré le prononcé à son encontre, le 2 juillet 2022, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour de six mois, ne présentait pas de document d'identité ou de voyage en cours de validité, le passeport de M. B... ayant été remis aux services de police le 2 juillet 2022.

4. S'il ressort des mentions du jugement en litige que M. B... s'est prévalu à l'occasion de l'audience devant le premier juge de l'absence de perspective raisonnable de son éloignement, le préfet de la Seine-Maritime soutient en appel, sans être contredit, que le passeport de M. B... qui lui avait été remis le 2 juillet 2022 a expiré le 10 juillet 2022 de telle sorte qu'il était nécessaire d'effectuer des démarches auprès des autorités consulaires. Dans ces conditions, en tout état de cause, le préfet de la Seine-Maritime a pu légalement estimer que l'éloignement de M. B... présentait une perspective raisonnable. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées au point 2 pour annuler la décision en litige.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur les autres moyens invoqués par M. B... :

6. En premier lieu, l'arrêté en cause vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Il n'avait pas à indiquer de manière exhaustive l'ensemble des éléments afférents à la situation de M. B..., mais en a mentionné les éléments pertinents. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des motifs de l'arrêté en litige que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. B... avant de prendre la décision en cause. Ce moyen doit donc également être écarté.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a présenté le 17 janvier 2023 une demande tendant notamment à l'abrogation de l'arrêté du 2 juillet 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de six mois. M. B... soutient qu'en l'assignant à résidence, le préfet de la Seine-Maritime a implicitement mais nécessairement rejeté cette demande et invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de cette décision implicite.

9. Toutefois, à supposer même qu'une telle décision implicite soit née avant l'adoption de l'arrêté assignant à résidence M. B..., en tout état de cause, ce dernier arrêté n'a pas été pris pour l'application de la décision implicite de rejet dont l'intéressé se prévaut, et cette décision implicite ne constitue pas la base légale de l'arrêté du 7 février 2023. Les moyens invoqués par la voie de l'exception tirés de l'illégalité de la décision implicite de refus d'abrogation de la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire français doivent donc être écartés comme inopérants.

10. En quatrième lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que l'absence de caractère exécutoire de la décision portant obligation de quitter le territoire entacherait d'illégalité la décision l'assignant à résidence, le caractère exécutoire de la mesure d'éloignement n'étant pas une condition prévue par l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer une assignation à résidence.

11. En dernier lieu, si M. B... se prévaut de son entrée régulière sur le territoire français ainsi que de sa relation avec une ressortissante française, il ne fait état d'aucune circonstance de nature à démontrer que les modalités d'exécution de l'arrêté du 7 février 2023 seraient disproportionnées. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de ce tout qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 7 février 2023 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 8 mars 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime, à M. C... et à Me Leprince.

Délibéré après l'audience publique du 25 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : B. Baillard Le président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

N°23DA00495 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00495
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;23da00495 ?
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