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05/03/2024 | FRANCE | N°22DA00571

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 05 mars 2024, 22DA00571


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 février 2021, par lequel le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de s

éjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la noti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 février 2021, par lequel le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, et dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de l'admettre provisoirement au séjour et de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 2107631 du 8 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mars et le 10 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Berthe, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du 23 février 2021 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et lui interdisant tout retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, de l'admettre provisoirement au séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision prononçant une interdiction de retour d'un an est entachée d'une erreur d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en déclarant maintenir ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés, en précisant que le traitement médical de l'intéressé est disponible au Nigéria, l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile exigeant l'accès à un traitement approprié et non à un traitement équivalent.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2022.

Par une ordonnance du 10 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 octobre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant nigérian né en 1982, est entré en France le 27 novembre 2016. Il a sollicité l'asile, demande qui a été rejetée le 29 septembre 2017 par l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par décision du 11 avril 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Sa demande de réexamen a été déclarée irrecevable par une décision du 31 mai 2018 de l'OFPRA, confirmée par décision du 21 février 2019 de la Cour nationale du droit d'asile. M. A... ayant sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé le 28 janvier 2020, il a été mis en possession d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " pour raisons de santé, valable du 12 mars 2020 au 11 septembre 2020. Le 22 juillet 2020, M. A... a sollicité le renouvellement de cette carte de séjour temporaire. Par un arrêté du 23 février 2021, le préfet du Nord a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 8 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 2021.

Sur la décision refusant un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Pour refuser de renouveler le titre de séjour sollicité par M. A..., le préfet du Nord s'est notamment fondé sur l'avis émis le 29 décembre 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut toutefois, pour sa prise en charge, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et y voyager sans risque pour son état de santé.

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'attestation du médecin psychiatre du centre médico-psychologique " Camille Claudel " qui suit M. A... de façon régulière depuis le mois d'avril 2018 pour un état de stress post-traumatique sévère de type II compliqué d'un syndrome dépressif majeur sur un probable trouble de la personnalité que, comme l'a estimé le collège des médecins de l'OFII, les risques auxquels M. A... serait exposé en cas d'interruption des soins auraient des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si l'intéressé soutient qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement au Nigéria, du traitement médicamenteux qui lui est prescrit, composé de Catapressan, de Tercian, de Quetiapine, d'Hydroxyzine, de Sertaline, de Mianserine et de Temesta, dès lors que ces médicaments ne figurent pas sur la liste officielle des médicaments essentiels de ce pays, publiée en 2020 sur le site internet du ministère de la santé nigérian, et que, selon un certificat en date du 7 octobre 2022 établi par le même médecin, les médicaments comportant les mêmes principes actifs figurant dans la liste précitée ne seraient pas substituables, une telle circonstance n'est par elle-même pas de nature à démontrer l'impossibilité d'accès à un traitement approprié au Nigéria, les dispositions de l'article L. 313-11 citées au point 2 n'exigeant pas l'existence d'une prise en charge équivalente. En outre, si ce médecin fait état de ce qu'en raison des évènements traumatiques subis par son patient au Nigéria, un retour entraînerait une aggravation majeure des troubles dont il est atteint, sa demande d'asile en lien avec un vécu traumatique dont il aurait été victime au Nigéria a été rejetée à deux reprises et les certificats médicaux qu'il produit sont peu circonstanciés sur ce point. Dès lors, en retenant que M. A... pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

6. Comme il a été dit au point 4, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourra bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En outre, l'intéressé n'apporte aucun élément indiquant qu'il ne pourrait voyager sans risque. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

7. En second lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de fixer le pays d'éloignement. Par suite, l'appelant ne peut utilement soutenir qu'en cas de retour au Nigéria, il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...). ".

9. M. A..., qui réside en France depuis le 27 novembre 2016, se prévaut de sa relation avec une ressortissante française, mère de deux filles mineures, mais il ressort des pièces du dossier que l'existence d'une vie commune n'est établie que depuis le 31 mars 2021 et la conclusion, le 21 septembre 2021, du pacte civil de solidarité est postérieure à l'édiction de la décision contestée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les liens qu'il entretiendrait avec les deux filles de sa compagne seraient particulièrement intenses. Dans ces conditions, en l'absence de toute circonstance humanitaire qui serait liée à sa situation médicale et familiale, le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point précédent en lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Antoine Berthe.

Copie en sera délivrée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 30 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

F. Cheppe

N°22DA00571 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00571
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;22da00571 ?
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