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14/03/2024 | FRANCE | N°23DA01062

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 14 mars 2024, 23DA01062


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par une ordonnance n° 2301293 du 13 mars 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procédu

re devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 8 juin 2023 M. B..., représenté par Me Rivière, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 2301293 du 13 mars 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2023 M. B..., représenté par Me Rivière, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet du Nord lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " travailleur temporaire " ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

- sa demande présentée devant le tribunal administratif n'était pas tardive dès lors que l'arrêté du 25 novembre 2022 ne lui a pas été notifié à l'adresse exacte qu'il avait communiquée à l'administration.

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est entachée d'incompétence ;

- l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration a été méconnu ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux ;

- les articles L. 421-3 et L. 414-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les articles L. 612-1 et L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus.

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par une ordonnance du 25 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2023.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B..., ressortissant guinéen, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 20 août 2018 et a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département du Nord. Il a été admis au séjour en qualité de salarié du 4 août 2020 au 3 août 2022. Il a sollicité, le 3 juin 2022, le renouvellement de ce titre de séjour et, le 20 octobre 2022, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le 25 novembre 2022, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande comme tardive par une ordonnance du président de la 4ème chambre de ce tribunal du 13 mars 2023, dont il relève appel.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine ".

3. Aux termes du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application de l'article L. 251-1 ou des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le pli contenant l'arrêté du 25 novembre 2022, expédié le 28 novembre 2022, n'a pas été distribué à son destinataire et a été retourné à la préfecture avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ".

5. Toutefois, l'accusé de réception de cet envoi, revenu en préfecture le 1er décembre 2022, porte l'adresse de " M. B... A... D..., résidence Descartes, 49 rue Trémière, 59650 Villeneuve d'Ascq " et il en ressort, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, que l'adresse indiquée par l'expéditeur pour cette notification ne comportait pas le numéro de l'appartement occupé par l'intéressé au sein de cette résidence.

6. Or M. B... avait précisé ce numéro d'appartement aux services de la préfecture, comme l'attestent notamment sa demande de titre de séjour du 30 mai 2022 et le récépissé de demande de titre de séjour établi le 20 octobre 2022, qui mentionnent son adresse complète. En outre, le détail d'acheminement du pli émanant des services postaux mentionne que l'envoi n'a pas pu atteindre son destinataire en raison du libellé d'une adresse " incorrecte ou incomplète ".

7. Dans ces conditions, l'administration n'ayant pas pris entièrement en compte, lors de la notification de l'arrêté du 25 novembre 2022, les informations données par M. B... quant à son adresse, ce dernier est fondé à soutenir que cette notification n'a pas été régulière du fait du caractère incomplet de l'adresse mentionnée sur le pli.

8. M. B... doit en conséquence être regardé comme n'ayant eu connaissance de l'existence de l'arrêté du 25 novembre 2022 qu'au plus tôt le 2 février 2023, date à laquelle les services de la préfecture l'ont adressé à son conseil par voie électronique.

9. Ainsi le délai de recours contentieux n'était pas expiré le 10 février 2023, date à laquelle la demande de M. B... a été enregistrée par le greffe du tribunal administratif de Lille. Il s'ensuit que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le président de la 4ème chambre de ce tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable pour tardiveté. Dès lors, l'ordonnance attaquée est irrégulière et doit être annulée.

10. Dans les circonstances de l'espèce, alors que le préfet n'a présenté aucune défense au fond en première instance ou en appel, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. B....

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. B... au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2301293 du 13 mars 2023 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il soit statué sur la demande de M. B....

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord et à Me Rivière.

Délibéré après l'audience du 22 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. C...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°23DA01062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01062
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;23da01062 ?
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