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11/04/2024 | FRANCE | N°23DA01154

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 11 avril 2024, 23DA01154


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement no 2300550 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 23 novembre 2022, a enjoint au préfet de la Seine-Maritime ou

à tout préfet territorialement compétent de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 2300550 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 23 novembre 2022, a enjoint au préfet de la Seine-Maritime ou à tout préfet territorialement compétent de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a condamné l'Etat à verser à la SELARL Eden Avocats, conseil de M. B..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Rouen, il n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023 M. B..., représenté par Me Marie Verilhac, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ou, à défaut, au versement à M. B... d'une somme du même montant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens du préfet de la Seine-Maritime ne sont pas fondés ;

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet de la Seine-Maritime n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par une ordonnance du 30 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2023.

M. B... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B..., ressortissant congolais né le 22 mars 1994 à Brazzaville (République du Congo), est entré en France le 18 octobre 2020 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant ". Il a sollicité le 28 juillet 2022 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 23 novembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à cette demande, a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 25 mai 2023 dont le préfet de la Seine-Maritime relève appel, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de trois mois, a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais de l'instance et a rejeté le surplus de la demande.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. ".

3. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la réalité et le sérieux des études poursuivies. A cet égard, le caractère réel et sérieux de ces études est subordonné, notamment, à une progression régulière de l'étudiant et à la cohérence de son parcours.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à son arrivée en France, M. B... s'est inscrit en deuxième année de licence de chimie à l'université de Rouen Normandie au titre de l'année universitaire 2020-2021 au terme de laquelle il a été ajourné à la première session avec une moyenne de 6,374/20 et à la deuxième session avec une moyenne de 7,496/20 et n'a validé que trois unités d'enseignement. Si, au terme de l'année universitaire 2021-2022, M. B... a validé quatre autres unités d'enseignement, il a néanmoins été une nouvelle fois ajourné avec une moyenne de 7,498/20 au titre de la première session et de 8,469/20 au titre de la deuxième session. M. B... a finalement validé sa deuxième année de licence, postérieurement à la décision attaquée, au terme de l'année universitaire 2022-2023.

5. Pour justifier ces deux échecs successifs, M. B... met en avant tout d'abord la circonstance que, compte tenu de sa date d'entrée sur le territoire français, il a manqué un mois et demi de cours. Toutefois, outre le fait qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la date d'entrée en France de M. B... ne relèverait pas de sa propre volonté, cette circonstance n'est pas de nature à justifier son ajournement au titre de deux années universitaires successives.

6. Par ailleurs, si M. B... met en avant les difficultés résultant de la crise sanitaire, il ne soutient ni n'établit s'être trouvé dans une situation différente des autres étudiants inscrits dans le même cursus universitaire que lui.

7. Enfin, si M. B... se prévaut de la nécessité dans laquelle il s'est trouvé d'exercer une activité salariée en parallèle à la poursuite de ses études, l'exercice d'une telle activité ponctuellement et à temps partiel, qui n'est justifiée par les pièces produites qu'à compter du mois d'octobre 2021, n'est pas de nature à justifier l'absence de progression dans le cursus universitaire de l'intéressé entre son arrivée en France et l'adoption de l'arrêté en litige.

8. Dans ces conditions, alors même que M. B... a fait preuve d'assiduité tout au long de ses études universitaires et qu'il disposerait de moyens d'existence suffisants, le préfet de la Seine-Maritime a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation sur ce point, que M. B... ne justifiait ni d'une progression significative dans ses études, ni de leur sérieux.

9. Dès lors, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 23 novembre 2022.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés M. B... :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

11. En premier lieu, l'arrêté en litige mentionne avec suffisamment de précisions les circonstances de fait et de droit sur lesquelles il se fonde, dont notamment l'absence d'atteinte à la vie privée et familiale de l'intéressé, compte tenu de l'absence d'intensité et de stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, et l'insuffisance de son insertion dans la société française. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté doit être écarté.

12. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. B... avant de prendre la décision attaquée.

13. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points précédents, M. B... est entré et a séjourné régulièrement en France à compter de la fin de l'année 2020 afin d'y poursuivre ses études. S'il a aussi exercé une activité professionnelle, cette activité annexe n'était que ponctuelle et n'avait pour objet, selon les propres déclarations de M. B..., que de financer ses études universitaires en France. Par ailleurs, M. B... ne fait état d'aucun élément faisant obstacle à ce qu'il poursuive ses études de chimie hors de France et en particulier en République du Congo. Enfin, si M. B... soutient que son oncle, sa tante et ses cousins résident en France, en tout état de cause, il n'apporte aucun élément quant à l'intensité des relations qu'il entretiendrait avec ceux-ci, alors qu'il n'est pas contesté que ses parents résident dans son pays d'origine.

14. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, en refusant d'admettre au séjour M. B..., le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que, en tout état de cause, celui tiré de la violation de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Le préfet de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués ci-dessus, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté.

16. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

17. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant cette décision, doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

18. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) / ".

19. Si M. B... soutient que le préfet de la Seine-Maritime aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours pour lui permettre de passer ses examens du premier semestre de l'année universitaire 2022-2023, il ne justifie pas, en tout état de cause, de ce que ces examens se sont tenus après l'expiration de ce délai. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

20. Si M. B... soutient que la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne précise pas en quoi il ne serait pas exposé à des risques de traitement inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, l'intéressé, que ce soit devant le préfet ou à l'occasion de la procédure contentieuse, n'a à aucun moment fait état de ce qu'il encourrait effectivement des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 23 novembre 2022, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté, celles aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300550 du 25 mai 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Marie Verhilac.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef

Et par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

1

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N°23DA01154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01154
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;23da01154 ?
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