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17/10/1991 | FRANCE | N°90LY00916

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 17 octobre 1991, 90LY00916


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 5 décembre 1990, la requête présentée par Me THOUROUDE, avocat, pour la commune d'AIGUINES, représentée par son maire en exercice ;
La commune d'AIGUINES demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 2 octobre 1990 par lequel le tribunal administratif de NICE l'a condamnée à payer aux consorts A... d'une part une indemnité excessive au titre de leur préjudice matériel, d'autre part à leur verser différentes sommes au titre des troubles dans leurs conditions d'existence déjà réparés par le Conseil d'Etat, ainsi qu'au

titre de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cou...

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 5 décembre 1990, la requête présentée par Me THOUROUDE, avocat, pour la commune d'AIGUINES, représentée par son maire en exercice ;
La commune d'AIGUINES demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 2 octobre 1990 par lequel le tribunal administratif de NICE l'a condamnée à payer aux consorts A... d'une part une indemnité excessive au titre de leur préjudice matériel, d'autre part à leur verser différentes sommes au titre des troubles dans leurs conditions d'existence déjà réparés par le Conseil d'Etat, ainsi qu'au titre de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de prononcer la décharge de cette condamnation et, subsidiairement, de réduire le montant des indemnités accordées au titre de la perte de revenus ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 1991 :
- le rapport de Mlle PAYET, conseiller ;
- les observations de la SCP DELAPORTE, BRIARD, avocat de M. X... RINCE et de Mme Marie-Annick A... ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure devant le tribunal administratif :
Considérant que Mme Z... RINCE, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses trois enfants mineurs, X..., Sébastien et Nathalie, avait régulièrement saisi le tribunal administratif de NICE, puis en appel, le Conseil d'Etat, d'une demande d'indemnités en réparation du préjudice subi du fait du décès accidentel de M. Jean-Pierre A... ; que la circonstance que le jeune X... soit devenu majeur avant que le Conseil d'Etat se soit prononcé définitivement, ne faisait pas obstacle à ce que l'instance antérieurement engagée par son représentant légal se poursuivît valablement à son égard, sans qu'il fût besoin d'une reprise d'instance ou d'un mandat donné par l'intéressé à sa mère, dès lors qu'aucune demande nouvelle n'a été présentée au nom du jeune X... postérieurement à la date à laquelle celui-ci a atteint sa majorité ; que, la circonstance que le Conseil d'Etat ait renvoyé les parties devant le tribunal administratif de Nice pour qu'il soit statué sur le préjudice matériel, n'induisait nulle solution de continuité de l'instance au titre de laquelle Mme A... était régulièrement habilitée à représenter son fis X..., lequel a, d'ailleurs, par mémoire enregistré au tribunal administratif de Marseille le 27 août 1990 repris, en tant que de besoin, les conclusions formulées en son nom par sa mère avant sa majorité ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu en méconnaissance des règles relatives à la qualité pour agir de Mme A... en tant que représentant légal de son fils X..., est inopérant ;
Sur la réparation des troubles dans les conditions d'existence :
Considérant que le Conseil d'Etat, saisi par Mme A... d'une requête tendant à la condamnation de l'Etat et de différentes collectivités, dont la commune d'AIGUINES, à réparer le préjudice subi, tant par elle-même que par ses trois enfants mineurs, à la suite du décès par hydrocution le 10 août 1981 de M. Y... RINCE, a, par arrêt en date du 10 mai 1989, décidé, d'une part de condamner la commune d'AIGUINES à payer à Mme A... la somme de 120 000 francs au titre de son préjudice moral et de celui de ses trois enfants mineurs, d'autre part de renvoyer la commune d'AIGUINES et Mme A... devant le tribunal administratif de Nice afin qu'il soit statué sur le montant de l'indemnité pour préjudice matériel de cette dernière et de ses trois enfants ;
Considérant que cette décision avait pour objet de limiter le jugement à intervenir à l'évaluation du seul préjudice matériel ; qu'il s'ensuit qu'en accordant à Mme A... et à ses trois enfants la somme de 30 000 francs à chacun au titre des troubles dans les conditions d'existence, les premiers juges ont statué au-delà des limites qui leur étaient imparties par le Conseil d'Etat et ont méconnu la portée de la décision de renvoi dont ils étaient saisis ; que la commune d'AIGUINES est, dès lors, fondée à demander dans cette mesure la réformation du jugement attaqué ;
Sur la réparation du préjudice matériel en ce qui concerne la perte de revenus :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des déclarations fiscales produites à l'instance, que les revenus de M. A... qui, avant son décès, dirigeait sa propre entreprise de menuiserie, s'établissaient à une moyenne annuelle de 132 735 francs ; qu'ainsi, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice matériel - indépendamment des frais d'obsèques non contestés en appel- en attribuant, d'une part à Mme A..., au titre de son préjudice personnel un capital de 735 000 francs, et en sa qualité de tutrice de ses deux enfants mineurs une rente annuelle servie jusqu'à l'âge de 20 ans de 12 000 francs pour le jeune Sébastien et d'un montant identique pour la jeune Nathalie, d'autre part à M. X... RINCE un capital de 85 320 francs ; qu'il suit de là que la commune d'AIGUINES n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Nice aurait attribué une somme excessive aux ayants droit de M. A... au titre de la perte de revenus ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que les consorts A... ont demandé le 17 mai 1991, une nouvelle capitalisation des intérêts afférents aux indemnités que le tribunal administratif de Nice leur a accordés ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une nouvelle année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'il paraît inéquitable de laisser à la charge d'une partie des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut condamner l'autre partie à lui payer le montant qu'il ou elle détermine." ;
Considérant d'une part, que pour l'application des dispositions qui précèdent, chaque juridiction administrative régulièrement saisie d'une demande de remboursement de frais irrépétibles statue sur ladite demande ; qu'ainsi, la circonstance que le Conseil d'Etat ait précédemment alloué à Mme A... une somme de 5 000 francs sur le fondement de l'article R 222, ne pouvait faire obstacle à ce que le tribunal administratif, saisi à nouveau de l'affaire par renvoi du Conseil d'Etat, exerçât souverainement le pouvoir qu'il tient des dispositions précitées ; qu'il suit de là que la commune d'AIGUINES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a accordé à Mme A... la somme de 5 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
Considérant d'autre part qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article R 222 précité et de condamner la commune d'AIGUINES à payer aux consorts A... la somme de 15 000 francs au titre des sommes exposées par eux devant la cour et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L'article 1er du jugement en date du 2 octobre 1990 du tribunal administratif de Nice est annulé en ce qu'il condamne la commune d'AIGUINES à payer à Mme A... pour elle-même et pour ses deux enfants mineurs, la somme de 90 000 francs au titre des troubles dans les conditions d'existence et à M. X... RINCE, au même titre, la somme de 30 000 francs.
Article 2 : Les intérêts afférents aux indemnités que la commune d'AIGUINES a été condamnée à verser aux consorts A... par jugement du tribunal administratif de Nice en date du 2 octobre 1990, et échus le 17 mai 1991, seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement en date du 2 octobre 1990 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La commune d'AIGUINES versera aux consorts A..., la somme de 15 000 francs au titre de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et de la défense est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 90LY00916
Date de la décision : 17/10/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-06 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES PUBLICS COMMUNAUX


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R222


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: PAYET
Rapporteur public ?: HAELVOET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1991-10-17;90ly00916 ?
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