Vu, enregistré au greffe de la cour les 25 septembre et 1er octobre 1990, le recours présenté par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, condamné l'Etat à payer à M. Y... une indemnité de 9 379 francs à raison de l'accident dont il a été victime le 2 août 1987 sur la RN.206, d'autre part, rejeté l'appel en garantie formé à l'encontre de la société TRANSGRAV ;
2°) de lui accorder la décharge de ladite condamnation, à titre subsidiaire, de condamner la société TRANSGRAV à garantir l'Etat de toute condamnation pouvant être prononcée contre lui ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 1991 :
- le rapport de Mlle PAYET, conseiller ;
- les observations de la SCP DE LA SERVETTE, COCHET, RODET, BESSY, avocat de M. Y... et de Me DE X... substituant Me RICHARD, avocat de la société TRANSGRAV ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans la nuit du 2 août 1987, vers 1 h 15, alors qu'il circulait au volant de son véhicule sur la RN.206, entre Annemasse et Saint-Cerques, au lieudit "le carrefour des chasseurs", M. Y... heurta les bordures en ciment d'un ilôt directionnel alors en cours de construction par l'entreprise TRANSGRAV pour le compte de l'Etat ; que le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer fait appel du jugement du 28 juin 1990 déclarant l'Etat responsable dudit accident et le condamnant à en réparer les conséquences dommageables ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du constat de gendarmerie, que les ilôts directionnels incriminés, contre lesquels trois voitures ont été accidentées dans la nuit du 2 août 1987, n'étaient équipés d'aucune signalisation lumineuse réfléchissante ou par panneau alors que le carrefour était dépourvu de tout éclairage public ; que l'existence, à la date de l'accident, d'une ligne blanche continue n'étant nullement établie, l'Etat ne rapporte pas, en l'espèce, la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de la voie ; que, dans ces conditions, l'accident au cours duquel M. Y... -qui a la qualité d'usager de la voie publique- a percuté avec l'avant gauche de son véhicule la bordure en ciment de l'ilôt litigieux, est imputable à un défaut d'entretien normal dudit ouvrage public de nature à engager la responsabilité de l'Etat qui n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a décidé que sa responsabilité était en la circonstance engagée ;
Mais considérant qu'en abordant un carrefour, dont il n'est pas contesté qu'il n'était pas alors équipé d'un éclairage public, sans apporter à sa conduite la vigilance et la maîtrise incombant à tout conducteur normalement attentif, M. Y... a commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant l'Etat à réparer les trois-quarts des conséquences dommageables de l'accident dont s'agit ; qu'il s'ensuit que le recours du ministre ne peut qu'être rejeté sur ce point ;
Sur l'appel en garantie :
Considérant que l'Etat demande, par la voie de l'appel principal, que la société TRANSGRAV le garantisse des condamnations pouvant être prononcées à son encontre ; que les prescriptions du cahier des clauses techniques particulières applicables au marché passé entre l'Etat et ladite société prévoient expressément dans son article 3.1 : "l'entrepreneur demeurera responsable de tous les dommages et accidents qui viendraient à se produire du fait des travaux ou qui seraient la conséquence directe ou indirecte des dispositions adoptées." ; que, dès lors, l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté son appel en garantie dirigé contre la société TRANSGRAV ; qu'il s'ensuit que ledit jugement doit être réformé sur ce point ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts échus postérieurement au 14 septembre 1989 a été demandée le 11 mars 1991 ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à payer à M. Y... une somme au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 du jugement en date du 28 juin 1990 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La société anonyme TRANSGRAV garantira l'Etat des condamnations prononcées à son encontre.
Article 3 : Les intérêts échus postérieurement au 14 septembre 1989 seront capitalisés à la date du 11 mars 1991 pour produire eux-mêmes intérêts au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté à cette date.
Article 4 : Le jugement en date du 28 juin 1990 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer et des conclusions incidentes de M. Y... sont rejetés.