Vu, enregistrée au greffe de la cour le 3 avril 1991 la requête présentée par la société thermique de Salon-de-Provence (13300), ZAC des Canourgues, avenue du Maréchal Juin ;
La société demande à la cour :
- de réformer le jugement du 27 décembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Marseille n'a fait droit que partiellement à sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1978 à 1981 ;
- de lui accorder la décharge des impositions restant en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 1992 :
- le rapport de Mme Lafond, conseiller ;
- les observations de M. X..., directeur administratif de la société thermique de Salon-de-Provence ;
- et les conclusions de M. Chanel, commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne la réintégration dans les résultats de la société thermique de Salon-de-Provence des amortissements pratiqués dans le cadre de la concession de chauffage urbain consentie par la ville de Salon-de-Provence :
Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 dudit code : "Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture" de l'exercice et "l'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés" ;
Considérant qu'en vertu d'une convention conclue le 24 novembre 1969 avec la ville de Salon-de-Provence, la société thermique de Salon-de-Provence s'est vu concéder par ladite ville l'installation et l'exploitation pendant trente ans, du chauffage urbain de la ZAC de Canourgues et a été autorisée à percevoir auprès des usagers raccordés au réseau de chaleur un droit de raccordement exigible en une seule fois lors du branchement de l'usager sur le réseau de chaleur ; qu'elle s'est corrélativement engagée, dans cette même convention, à transférer immédiatement et sans indemnité à la collectivité concédante la propriété des installations créées, lesquelles ont ensuite été mises gratuitement à sa disposition ;
Considérant que la société requérante a comptabilisé à l'actif de son bilan, à un compte "autres immobilisations", les installations créées dans le cadre de la concession et devenues la propriété de la collectivité concédante, et pratiqué, au cours de chaque exercice, un amortissement de celles-ci d'un montant égal au montant hors taxe des recettes afférentes aux droits de raccordement, puis, le potentiel de perception des droits de raccordement étant épuisé, a constaté, à compter de l'exercice 1980, un amortissement dit "de caducité" calculé sur la valeur nette de ces immobilisations en fonction de la durée restant à courir jusqu'à la fin de la concession ; que l'administration a réintégré dans les résultats des exercices 1978 et 1979 la part de l'amortissement excédant celui calculé sur la valeur nette de ces immobilisations selon un taux qui était fonction de la durée restant à courir jusqu'à la fin de la concession ;
Considérant que les droits d'exploitation attachés à la qualité de concessionnaire constituent, pour l'entreprise qui acquiert cette qualité, un élément incorporel de son actif immobibilisé dont la valeur doit être déterminée en fonction des conditions dans lesquelles il a été acquis ;
Considérant qu'il ressort des stipulations de la convention du 24 novembre 1969 que la qualité de concessionnaire n'a pu être acquise par la société thermique de Salon-de-Provence que moyennant la remise gratuite à la commune des installations créées ; qu'il résulte de ce qui précède que, consentie dans ces conditions, ladite remise doit être regardée non comme une perte d'actif, mais comme la valeur d'un élément incorporel de l'actif immobilisé, susceptible de donner lieu à un amortissement linéaire en fonction de la durée de la concession ; que, nonobstant leur finalité économique, les droits de raccordement ne peuvent venir en déduction de la valeur de cet élément incorporel sous la forme d'un amortissement, au fur et à mesure de leur perception, dès lors que, trouvant leur origine dans le contrat d'abonnement et liés à la distribution du chauffage, ils constituent des recettes d'exploitation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société thermique de Salon-de-Provence qui a, à juste titre, comptabilisé en produits les recettes afférentes aux droits de raccordement, pouvait seulement amortir les immobilisations dont il s'agit en fonction de la durée restant à courir jusqu'à la fin de la concession ; que, par suite, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés correspondant à la réintégration, dans ses résultats des exercices 1978 et 1979, des amortissements litigieux ;
En ce qui concerne la réintégration dans les résultats de la société des provisions pour renouvellement des installations constituées dans le cadre du contrat de chauffage dit "du Vert Bocage" :
Considérant que la société requérante conteste la réintégration dans ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés des provisions qu'elle avait constituées, à la clôture de chacun des exercices 1978 à 1981, en vue du renouvellement et du gros entretien des installations faisant l'objet du contrat dit "du Vert Bocage" et devant être maintenues en bon état de marche jusqu'au terme dudit contrat ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... 5° Les provisions constitués en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables" ; que, par application de ces dispositions, les provisions constituées par les entreprises en vue du renouvellement du matériel qu'elles doivent maintenir en bon état de marche ne sont déductibles du bénéfice imposable que lorsque les dépenses auxquelles elles sont destinées à faire face remplissent notamment la condition d'être prévisibles avec une certitude suffisante à la clôture de l'exercice ;
Considérant que la société requérante n'établit pas qu'à la clôture des exercices en cause, certains évènements rendaient prévisibles avec une certitude suffisante les travaux de renouvellement ou de gros entretien des installations faisant l'objet de la provision ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative selon laquelle les dépenses sont considérées comme prévisibles avec une certitude suffisante lorsque l'entreprise établit un plan de renouvellement de son matériel et s'y conforme, dès lors qu'elle ne justifie pas d'un tel plan ; que, de même, elle ne peut se prévaloir de ce que les charges à prévoir peuvent être évaluées par voie statistique en fonction de la durée de vie des matériels, dès lors qu'elle ne fournit aucun élément permettant de s'assurer qu'une telle évaluation aurait été faite avec une approximation suffisante selon une méthode appropriée aux données du problème et fondées, le cas échéant, sur des statistiques tirées de l'entreprise ou même de la profession ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société thermique de Salon-de-Provence n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés correspondant à la réintégration, dans ses résultats des exercices 1978 à 1981, des provisions litigieuses ;
Article 1er : La requête de la société thermique de Salon de Provence est rejetée.