Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 juin 1991, présentée pour M. et Mme X..., demeurant ensemble à Bergonne 63500 Issoire, par la SCP DUMOULIN du FRAISSE, CHERRIER-VENNAT, avocat ;
M. et Mme X... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 16 avril 1991 en ce qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation du département du Puy de Dôme à leur verser la somme de 40 000 francs en réparation du préjudice que leur a causé le comportement des deux assistantes sociales au cours de l'enquête qu'elles ont effectuée au début de l'année 1987 ;
2°) de condamner le département à leur payer l'indemnité ci-dessus mentionnée ainsi que 2 000 francs au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 1992 :
- le rapport de Mme DEVILLERS, conseiller ;
- les observations de Me GAINETON substituant Me ASTIER, avocat du Département de Puy de Dôme ;
- et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme X... demandent à la cour d'annuler le jugement du 16 avril 1991 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en ce qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à ce que le département du Puy de Dôme soit condamné à réparer le préjudice moral que leur a causé le comportement de deux assistantes sociales au cours d'une enquête effectuée à la demande du service de l'aide sociale à l'enfance au début de l'année 1987 ; que par la voie de l'appel incident le département demande réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de l'acharnement procédurier des requérants ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la responsabilité du département:
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 225 du code de la famille et de l'aide sociale : "Les assistantes, assistants ou auxiliaires du service social et les élèves des écoles se préparant à l'exercice de cette profession sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les réserves énoncées à l'article 378 du Code pénal" ;
Considérant qu'il est constant que dans le cadre de l'enquête approfondie qu'elles effectuaient pour vérifier si les signalements reçus par le service concernant des faits graves imputés aux requérants et de nature à justifier le retrait de l'agrément de Mme X... comme assistante maternelle étaient fondés, les assistantes sociales ont porté les faits en question à la connaissance de M. et à Mme X... au cours d'un entretien qui s'est déroulé en présence de la compagne de leur fils et du père des enfants placés ; qu'en faisant participer des tiers à cet entretien, les assistantes sociales ont manqué à leur obligation de secret professionnel ; qu'alors même que cette manière de procéder aurait eu pour objet de préserver les droits des requérants, ce manquement est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du département ; que, par suite, M. et Mme X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a rejeté leur demande ; que le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 16 avril 1991 doit en conséquence être annulé ;
En ce qui concerne le préjudice et sa réparation :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par chacun des requérants en le fixant à la somme de 5 000 francs que le département du Puy de Dôme doit être condamné à leur payer ;
Sur l'appel incident :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions incidentes présentées par le département du Puy de Dôme doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le bien fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à la demande de M. et Mme X... ;
Considérant que le département du Puy de Dôme succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que M. et Mme X... soient condamnés à lui verser une somme au titre des frais qu'ils ont exposés doit en conséquence être rejetée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 16 avril 1991 est annulé.
Article 2 : Le département du Puy-de-Dôme est condamné à verser 5 000 francs à M. X... et 5 000 francs à Mme X....
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme X... de même que les conclusions du département du Puy-de-Dôme sont rejetés.