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24/03/1994 | FRANCE | N°93LY00084

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 24 mars 1994, 93LY00084


Vu les requêtes, enregistrées au greffe de la cour administrative d'appel de LYON le 20 janvier et le 4 mars 1993, présentées pour la commune de Propriano (Corse du Sud) par Me X..., avocat au barreau de Lyon et Me MUSSO, avocat au barreau de Paris ;
La commune de Propriano demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 23 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Bastia l'a condamnée à payer à M. Y..., la somme de 74 765 francs, outre intérêts à compter du 24 juin 1974 ;
2°) d'ordonner que jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi, il soi

t sursis à l'exécution de la décision attaquée en ce qu'elle fixe au 24 j...

Vu les requêtes, enregistrées au greffe de la cour administrative d'appel de LYON le 20 janvier et le 4 mars 1993, présentées pour la commune de Propriano (Corse du Sud) par Me X..., avocat au barreau de Lyon et Me MUSSO, avocat au barreau de Paris ;
La commune de Propriano demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 23 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Bastia l'a condamnée à payer à M. Y..., la somme de 74 765 francs, outre intérêts à compter du 24 juin 1974 ;
2°) d'ordonner que jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi, il soit sursis à l'exécution de la décision attaquée en ce qu'elle fixe au 24 juin 1974 le point de départ des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 1994 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- les observations de Me POUILHE substituant Me MUSSO, avocat de la ville de Propriano, et de Me MORDICONI, avocat de M. Y... ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement du 23 octobre 1992, le tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de Propriano à payer à M. Charles Y... une somme de 74 765,51 francs correspondant au solde d'un marché passé en 1968 pour la construction d'une caserne de gendarmerie par son père M. Valentin Y... dont il a repris l'entreprise individuelle ; que la commune admet qu'elle devait cette somme et conteste ledit jugement uniquement en tant qu'il prévoit que le paiement de la somme de 74 765,51 francs doit être assorti d'intérêts moratoires à compter du 26 janvier 1974 ; que la commune ne conteste pas le rejet de sa demande reconventionnelle tendant à engager la responsabilité décennale de M. Y... et la mise à sa charge des frais d'expertise ; que par ailleurs, M. Y... demande que les intérêts qui lui sont dûs soient capitalisés chaque année du 24 juin 1974 au 28 février 1993 et une indemnité de 100 000 francs à titre de dommages et intérêts compensatoires ;
Sur les intérêts dus :
Considérant que M. Y... a adressé le 11 janvier 1972 au maître d'ouvrage un projet de décompte final du montant des travaux ; que les opérations de réception provisoire effectuées le 5 février 1972 ont constaté l'achèvement des travaux à l'exception de menus ouvrages correspondant aux réserves présentées ; que le 21 mai 1980 le maître d'ouvrage a constaté que les malfaçons correspondant aux réserves n'avaient pas été réparées et a décidé de recevoir définitivement les travaux en l'état en précisant que le décompte définitif serait diminué du coût des travaux nécessaires à la réparation desdites malfaçons ; que le maître d'oeuvre a, en conséquence, établi à la date du 28 juin 1980 un décompte définitif pour un montant de 703 592,77 francs ouvrant droit pour l'entrepreneur compte tenu des acomptes déjà versés à un paiement pour solde de 59 054,51 francs ainsi que cela a été constaté dans un certificat pour paiement en date du 28 août 1980 ;
Considérant que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations des parties ;
Considérant que si le décompte définitif du marché litigieux a été établi sur la base des prix en vigueur en février 1972, il ne comporte aucune disposition lui donnant effet antérieurement à la date du 28 juin 1980 à laquelle il a été établi ; que M. Y..., qui n'a pas contesté ce décompte, ne peut en conséquence demander des intérêts moratoires à partir 24 juin 1974 ;

Considérant en revanche que l'établissement dudit décompte a, conformément aux dispositions des articles 354 et 355 du code des marchés publics, dans leur rédaction applicable au marché litigieux, ouvert un délai de 4 mois à l'expiration duquel les intérêts moratoires contractuels ont commencé à courir de plein droit et sans autre formalité de la part de l'entrepreneur ; que le décompte définitif déterminant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'ensemble des droits et obligations des parties, la commune ne peut utilement faire valoir qu'une retenue de garantie de 10 % dépassant le montant de la somme due, aurait pu être effectuée en exécution des clauses du marché et qu'il n'y aurait ainsi pas lieu à application d'intérêts moratoires ; qu'en tout état de cause, cette retenue de garantie n'aurait pu être soustraite du montant à régler à l'entrepreneur dès lors que le coût de réparation des malfaçons avait déjà été déduit ; que M. Y... peut en conséquence prétendre à partir du 26 octobre 1980 à des intérêts moratoires contractuels calculés à un taux supérieur de 1 % au taux d'escompte de la Banque de France conformément aux dispositions de l'article 357 du code des marchés publics applicable au marché litigieux ;
Considérant que la commune reconnaît devoir à M. Y... 74 765,51 francs ; qu'elle reconnaît ainsi être débitrice, outre le solde de 59 054,51 francs ressortant du décompte définitif, d'une somme de 15 711 francs ; que si cette somme qui correspond pour 4 461 francs à un certificat de paiement n° 1 dont le règlement a été omis et pour 11 250 francs à des travaux supplémentaires, procède de l'exécution du marché, son défaut de paiement ne peut, dès lors qu'elle n'a pas été incluse dans le décompte définitif, ouvrir droit à des intérêts moratoires contractuels ; que M. Y... peut toutefois prétendre sur cette somme à des intérêts moratoires au taux légal dans les conditions de droit commun ; que le point de départ du cours de ces intérêts doit être fixé au 15 novembre 1984, date à laquelle il a adressé à la commune une demande constituant une sommation de payer et non comme il le soutient à partir de sa lettre du 24 juin 1974 qui s'analyse en un simple rappel au surplus non chiffré ;
Considérant qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement attaqué et de rejeter le surplus des conclusions de l'appel principal de la commune et du recours incident de M. Y... relatives aux intérêts moratoires ;
Sur la capitalisation :

Considérant que la lettre de M. Y... du 15 novembre 1984 qui se borne à demander des intérêts moratoires ne peut être regardée comme une demande de capitalisation des intérêts moratoires contractuels courus depuis le 26 octobre 1980 ; qu'en revanche, la lettre adressée par M. Y... à la commune le 24 juillet 1986, si elle ne demandait pas expressément une capitalisation, était accompagnée d'une note de calcul déterminant sa créance en incorporant chaque année les intérêts au principal ; qu'elle doit dans ces conditions être regardée comme une demande de capitalisation des intérêts moratoires contractuels et des intérêts au taux légal courus respectivement depuis le 26 octobre 1980 et le 15 novembre 1984 ; que les différents courriers adressés ensuite à la commune par M. Y... ainsi que ses mémoires devant le tribunal administratif et sa requête devant la cour se bornent à rappeler la créance déterminée dans la lettre du 24 juillet 1986 et ne peuvent être regardés comme des demandes de capitalisation ; que par contre le mémoire en réplique enregistré au greffe de la cour le 15 novembre 1993 contient une demande expresse de capitalisation des intérêts ;
Considérant que le 24 juillet 1986 et le 15 novembre 1993, il était chaque fois dû une année d'intérêts moratoires contractuels et au taux légal ; que dès lors, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces deux demandes ;
Sur la demande de dommages et intérêts :
Considérant que si M. Y... soutient qu'il a été privé de la possibilité de faire fructifier et d'investir les sommes que la commune aurait dû lui payer dès l'achèvement des travaux, il n'établit pas avoir subi un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement réparé par l'octroi d'intérêts moratoires ; que ses conclusions incidentes tendant à obtenir une indemnité de 100 000 francs à titre de dommages et intérêts compensatoires doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de rejeter la demande de M. Y... tendant à obtenir une somme de 50 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : M. Y... a droit sur la somme de 59 054,51 francs qui lui est due par la commune de Propriano a des intérêts moratoires contractuels à compter du 26 octobre 1980.
Article 2 : M. Y... a droit sur la somme de 15 711 francs qui lui est due par la commune de Propriano, à des intérêts moratoires au taux légal à compter du 15 novembre 1984.
Article 3 : Les intérêts moratoires contractuels et au taux légal échus le 24 juillet 1986 et le 15 novembre 1993 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 23 octobre 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel principal de la commune et du recours incident de M. Y... sont rejetés.
Article 6 : Les conclusions de M. Y... tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93LY00084
Date de la décision : 24/03/1994
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REGLEMENT DES MARCHES - DECOMPTE GENERAL ET DEFINITIF - EFFETS DU CARACTERE DEFINITIF - Absence de droit aux intérêts moratoires contractuels pour les sommes exclues du décompte général et définitif.

39-05-02-01-02, 39-05-05-005 Le retard de paiement d'une somme correspondant à un certificat de paiement dont le règlement a été omis et à des travaux supplémentaires et qui n'a pas été incluse dans le décompte définitif non contesté par l'entrepreneur ne peut, même si le maître d'ouvrage reconnaît la devoir, ouvrir droit à des intérêts moratoires contractuels mais seulement à des intérêts au taux légal dans les conditions de droit commun.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - INTERETS - DROIT AUX INTERETS - Intérêts moratoires au taux contractuel - Absence - Sommes exclues du décompte général et définitif.


Références :

Code civil 1154
Code des marchés publics 354, 355, 357
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : M. Bonifait
Rapporteur ?: M. Fontbonne
Rapporteur public ?: Mme Haelvoet

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1994-03-24;93ly00084 ?
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