La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/04/1994 | FRANCE | N°93LY01230

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 19 avril 1994, 93LY01230


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 août 1993, présentée par le préfet du département de la Haute-Corse tendant à ce que la cour :
- annule le jugement en date du 28 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté son déféré dirigé contre l'arrêté du maire de Sainte-Lucie de Moriani du 20 janvier 1993, délivrant à la SCI "Les Marines de Sainte-Lucie" un permis de construire en vue de l'édification d'un ensemble immobilier à usage de logement et de commerce, et condamné l'Etat à verser la somme de 4 000 francs à la société au titre

de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours admin...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 août 1993, présentée par le préfet du département de la Haute-Corse tendant à ce que la cour :
- annule le jugement en date du 28 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté son déféré dirigé contre l'arrêté du maire de Sainte-Lucie de Moriani du 20 janvier 1993, délivrant à la SCI "Les Marines de Sainte-Lucie" un permis de construire en vue de l'édification d'un ensemble immobilier à usage de logement et de commerce, et condamné l'Etat à verser la somme de 4 000 francs à la société au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
- annule ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse ;
Vu le décret n° 92-1302 du 15 décembre 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 1994 :
- le rapport de M. VESLIN, conseiller ;
- les observations de Me DUPLAND substituant Me MUSCATELLI, avocat de la SCI "Les Marines de Sainte-Lucie" ;
- et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le préfet du département de la Haute-Corse fait appel du jugement du 28 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté son déféré dirigé contre l'arrêté du maire de Sainte-Lucie de Moriani, en date du 20 Janvier 1993, portant délivrance d'un permis de construire à la SCI "Les Marines de Sainte-Lucie" pour la réalisation d'un programme de constructions comportant six bâtiments à usage d'habitation de loisirs et de commerce ;
Sur le moyen tiré du défaut de consultation de l'autorité gestionnaire de la R.N 198 :
Considérant qu'aux termes de l'article R 421-15 du code de l'urbanisme : " ...Lorsque la délivrance du permis de construire aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique l'autorité ou le service chargé de l'instruction de la demande consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu réglemente de façon spécifique les conditions d'accès à la dite voie ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que la consultation de l'autorité ou du service gestionnaire d'une voie publique ne s'impose que lorsque la délivrance d'un permis de construire aurait pour effet de créer ou de modifier un accès à cette voie ;
Considérant que par un arrêté en date du 29 juin 1992, d'une durée de validité d'un an, le préfet du département de la Haute-Corse a délivré à la SCI "Les Marines de Sainte-Lucie" une autorisation de voirie en vue de créer un accès à la route nationale n° 198 pour le terrain sur lequel cette société envisageait de réaliser un programme de construction ; qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué par le préfet de la Haute-Corse, que le projet de construction autorisé par l'arrêté du maire de Sainte-Lucie de Moriani en date du 20 janvier 1993 comporterait un accès à la voie publique en question différent de celui autorisé par l'arrêté du 29 juin 1992 alors en cours de validité ; que le préfet de la Haute-Corse n'est en conséquence pas fondé à soutenir que du fait du transfert de la voirie nationale dans le patrimoine de la collectivité territoriale Corse en application de l'article 75 de la loi du 13 mai 1991, survenu entre la délivrance de la permission de voirie ci-dessus évoquée et celle du permis litigieux, le maire de Sainte-Lucie de Moriani était tenu de recueillir l'avis de la nouvelle collectivité gestionnaire de la voie en question ;

Sur le moyen tiré du défaut de consultation de la commission de sécurité :
Considérant que la commission départementale de sécurité, consultée au titre de la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public en application des dispositions combinées des articles R 421-53 du code de l'urbanisme et R 123-22 du code de la construction et de l'habitation, a émis le 7 août 1991 un avis favorable au projet lors de l'instruction d'une première demande de permis de construire ayant donné lieu à un arrêté du 23 octobre 1991 annulé par un jugement du tribunal administratif de Bastia du 15 juillet 1992 pour des motifs étrangers à cette consultation ; que le préfet de la Haute-Corse ne fait état d'aucune modification significative du projet dont la réalisation a été autorisée par le permis litigieux par rapport à celui à propos duquel l'avis de ladite commission a été émis ; qu'il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir qu'il y avait lieu de la consulter à nouveau avant de délivrer le permis litigieux ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R III-2 du code de l'urbanisme :
Considérant qu'aux termes de l'article R III-2 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique." ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que les inondations qui se sont produites, lors d'épisodes pluvieux d'une intensité exception-nelle, dans le bassin versant de l'Urione où se situe le terrain sur lequel est projeté l'opération litigieuse ont surtout affecté le secteur localisé en amont de la route nationale n° 198 en raison, notamment, de la capacité insuffisante de l'ouvrage de franchissement de celle-ci par le cours d'eau ; que, si le terrain lui-même a été touché par les crues de l'automne 1992, il ne ressort pas des pièces versées au dossier, eu égard tant aux caractéristiques de l'Urione, ruisseau non pérenne qui ne draine qu'un bassin versant de 3 km2, qu'à la situation du terrain situé à proximité immédiate du rivage, que les eaux provenant d'orages d'une intensité même supérieure à ceux qui ont été observés dans le secteur, seraient susceptibles d'exposer les constructions faisant l'objet du permis et les personnes qui y séjourneront à un risque de nature à faire regarder comme entachée d'une erreur manifeste l'appréciation à laquelle s'est livré le maire de Sainte-Lucie de Moriani en délivrant le permis attaqué ;

Sur le moyen tiré de l'illégalité du plan d'occupation des sols de la commune :
Considérant que le préfet de la Haute-Corse soutient que le plan d'occupation des sols de Sainte-Lucie de Moriani, sur la base duquel le permis de construire attaqué a été délivré, serait affecté d'irrégularités tenant, d'une part, à ce qu'il ne serait pas justifié conformément aux dispositions de l'article R 123-17 du code de l'urbanisme de sa compatibilité avec les prescriptions d'urbanisme de la loi "littorale" et du schéma d'aménagement de la Corse adopté le 7 février 1992, d'autre part, à ce qu'il ne serait prévu par ce plan qu'une seule zone naturelle classée NC susceptible de constituer une coupure d'urbanisation au sens de l'article L. 146-2 du code de l'urbanisme ; que, toutefois, il n'assortit ces allégations d'aucune des précisions nécessaires à l'appréciation du bien-fondé des moyens selon lesquels ces irrégularités, à les supposer établies, devraient entraîner par voie de conséquence l'illégalité du permis attaqué ;
Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir :
Considérant que le détournement de pouvoir allégué par le préfet n'est pas établi ;
Sur les moyens tirés de la méconnaissance de l'emplacement réservé n° 1 et du règlement applicable à la zone naturelle ND :
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier qu'une partie de la terrasse et d'un muret aménagés aux abords d'un bâtiment prévu à usage de crêperie empiète sur l'emplacement n° 1 réservé par le plan d'occupation des sols au profit de la commune aux fins de permettre la création d'espaces verts de jeux d'arrière plage ; que l'empiétement dont cette construction n'est pas dissociable et qui, au surplus, affecte un espace classé en zone naturelle NDa où sont interdites les constructions entache d'illégalité le permis de construire attaqué en ce qu'il autorise la réalisation de ce bâtiment ; que celui-ci étant, en l'espèce, distinct du reste de l'opération de construction, le préfet de la Haute-Corse est seulement fondé à soutenir que le permis de construire déféré est entaché d'excès de pouvoir en ce qu'il porte sur ledit bâtiment ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il rejette sur ce point les conclusions d'annulation présentées par le préfet à l'encontre de l'arrêté du 20 janvier 1993 ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui ne constitue pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la commune de Sainte-Lucie de Moriani et à la SCI "Les Marines de Sainte-Lucie" les sommes que celles-ci réclament à ce titre ;
Article 1er : L'arrêté du maire de Sainte-Lucie de Moriani en date du 20 janvier 1993 est annulé en ce qu'il autorise la construction d'un bâtiment à usage de crêperie.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 28 mai 1993 est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par le préfet du département de la Haute-Corse ainsi que les conclusions présentées par la commune de Sainte-Lucie de Moriani et par la SCI les marines de Sainte-Lucie au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 93LY01230
Date de la décision : 19/04/1994
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

68-03-02-02 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - PROCEDURE D'ATTRIBUTION - INSTRUCTION DE LA DEMANDE -Consultations - Consultation de l'autorité ou du service gestionnaire de la voie sur laquelle un accès doit être créé ou modifié (article R.421-15, 4ème alinéa, du code de l'urbanisme) - Consultation nécessaire en cas d'autorisation préexistante - Absence.

68-03-02-02 La consultation de l'autorité ou du service gestionnaire d'une voie publique lors de l'instruction d'une demande de permis de construire, en application du 4ème alinéa de l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme, lorsque la délivrance dudit permis aurait par elle-même pour effet de créer ou de modifier un accès à cette voie, n'est pas nécessaire lorsque l'accès prévu par le projet est identique à celui qui a fait l'objet d'une autorisation de voirie antérieurement délivrée et en cours de validité, alors même que la voie aurait été depuis transférée dans le patrimoine d'une autre collectivité territoriale.


Références :

Code de l'urbanisme R421-15, R421-53, R123-17, L146-2, R111-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 91-428 du 13 mai 1991 art. 75


Composition du Tribunal
Président : M. Lopez
Rapporteur ?: M. Veslin
Rapporteur public ?: M. Chanel

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1994-04-19;93ly01230 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award