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26/05/1994 | FRANCE | N°93LY00782

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 26 mai 1994, 93LY00782


Vu, enregistré au greffe de la cour le 28 mai 1993 le recours présenté par le ministre du budget ;
Le ministre demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 21 janvier 1993 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a réduit de 1 500 000 francs la base d'imposition de l'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1989 ;
2°) de décider que la réduction de base d'imposition à laquelle M. X... peut prétendre pour l'année 1989 s'élève à 173 500 francs et de le rétablir à due concurrence au rôle de l'impôt sur

le revenu ;
3°) de rétablir M. X... au rôle de l'impôt sur le revenu des année...

Vu, enregistré au greffe de la cour le 28 mai 1993 le recours présenté par le ministre du budget ;
Le ministre demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 21 janvier 1993 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a réduit de 1 500 000 francs la base d'imposition de l'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1989 ;
2°) de décider que la réduction de base d'imposition à laquelle M. X... peut prétendre pour l'année 1989 s'élève à 173 500 francs et de le rétablir à due concurrence au rôle de l'impôt sur le revenu ;
3°) de rétablir M. X... au rôle de l'impôt sur le revenu des années 1990, 1991 et 1992 dont il a été dégrévé en application du jugement attaqué par le jeu du report déficitaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 1994 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- les observations de la SCP HUGUES HUBBARD, REED et ALQUEZAR, avocats de M. X... ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le ministre du budget demande la réformation du jugement en date du 26 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a réduit de 1 500 000 francs la base de l'imposition à l'impôt sur le revenu de M. X... pour l'année 1989 ; qu'il admet qu'à raison de sa demande devant le tribunal administratif, M. X... pouvait prétendre à une réduction de base d'imposition de 311 000 francs ; qu'il présente en appel une demande de compensation portant sur une insuffisance de base d'imposition de 137 500 francs et demande en conséquence à la cour que la réduction de la base de l'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu pour l'année 1989, soit limitée à 173 500 francs ;
Sur la déductibilité de la somme de 1 500 000 francs versée en exécution d'un engagement de caution :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : "1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut ... sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu." ; que l'article 156 du même code autorise sous certaines conditions que soit déduit du revenu global d'un contribuable le "déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus" et autorise le report sur le revenu global des années suivantes de l'excédent éventuel de ce déficit sur le revenu global de l'année ; qu'enfin, aux termes de l'article 83 du même code qui concerne l'imposition de revenus dans la catégorie des traitements et salaires : "le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés ... 3°) les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les sommes qu'un salarié qui s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est dirigeant a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué à la condition que son engagement de caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec la rémunération de l'intéressé ; que si cette dernière condition n'est pas remplie, les sommes payées ne sont déductibles que dans la mesure où elles n'excèdent pas cette proportion ;

Considérant que les salaires à retenir pour déterminer le montant des sommes qui, versées en exécution d'un engagement de caution sont déductibles, sont ceux qui ont été alloués à l'intéressé l'année de la souscription de l'engagement ; que la rémunération doit être rapportée à l'année entière lorsque les fonctions n'ont été exercées qu'une partie de l'année ; que dans le cas où, notamment pendant une période de démarrage de l'activité de la société, le dirigeant salarié a accepté de recevoir un traitement inférieur à celui auquel il pouvait prétendre ou n'a même rien perçu, la rémunération qu'il pouvait escompter au moment où il a souscrit l'engagement peut être retenu ; que toutefois les niveaux de salaires effectivement perçus ou allégués comme pouvant être escomptés ne peuvent être retenus que dans la mesure où ils ne présentent pas un caractère excessif au regard de l'importance de l'activité déployée et de la nature et de la qualification des fonctions effectivement exercées et ne peuvent être regardés comme correspondant à une distribution de bénéfices ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour obtenir les capitaux nécessaires au développement de la société Ateliers Bourbonnais du meuble qui venait d'être constituée, M. X... s'est en mars 1989 porté caution à hauteur de 3 000 000 francs des engagements de celle-ci envers une banque ; qu'à la suite des difficultés rencontrées par la société, il a été au cours de la même année 1989 amené à verser à l'établissement bancaire une somme de 1 500 000 francs ;

Considérant que l'engagement souscrit par M. X... se rattache directement à sa qualité de dirigeant salarié de la société Ateliers Bourbonnais du Meuble dont il détenait 50 % des parts sociales ; qu'il n'est pas contesté qu'en prenant cet engagement il avait en vue de servir les intérêts de cette société ; qu'il a reçu en 1989 pour 6 mois d'activité une rémunération de 103 595 francs ; qu'il soutient, en comparaison notamment du niveau de rémunération qu'il percevait alors d'autres sociétés d'importance comparable dans lesquelles il exerçait également des fonctions de dirigeant salarié, qu'il a accepté, dans une phase de démarrage de l'activité de la société, une rémunération réduite qui aurait été susceptible d'évoluer rapidement si l'exploitation s'était poursuivie ; que M. X... n'apporte aucun élément relatif en particulier à la structure de l'encadrement tant de la société Atelier Bourbonnais du Meuble que des autres sociétés dans lesquelles il avait des fonctions dirigeantes, tendant à démontrer que le salaire qu'il a perçu de la société Ateliers Bourbonnais du Meuble aurait été notablement inférieur à la rémunération à laquelle il pouvait prétendre au cours de l'année 1989 à raison de la part de son activité professionnelle consacrée à cette entreprise compte tenu des autres fonctions exercées dans d'autres sociétés ; qu'il convient en conséquence de ne retenir que le salaire qu'il a effectivement perçu rapporté à l'année entière soit 207 190 francs ; que dans ces conditions la somme de 1 500 000 francs qu'il a versée en exécution de son engagement de caution peut être admise en déduction à concurrence de 630 000 francs ; que le ministre du budget est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu la déductibilité de la totalité de la somme de 1 500 000 francs versée par M. X... ;
Sur la demande de compensation présentée par le ministre du budget :
Considérant que l'administration qui ne peut renoncer au bénéfice de la loi fiscale est, en application des dispositions de l'article L.203 du livre des procédures fiscales, en droit d'invoquer à tout moment de la procédure et pour la première fois en appel, une compensation entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances constatées dans l'assiette de l'imposition quelles qu'en soient les raisons ; que M. X... ne peut en conséquence utilement faire valoir qu'il a déclaré dans le délai légal les sommes correspondant à l'insuffisance relevée seulement en appel par l'administration ; que M. X... ne conteste pas qu'une somme de 137 500 francs n'a pas été prise en compte dans la détermination de la base de l'imposition primitive à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti pour l'année 1989 ; qu'il doit en conséquence être fait droit à la demande de l'administration ;
Considérant que compte tenu de ladite compensation la somme dont la déductibilité peut être retenue doit être ramenée de 630 000 francs à 492 500 francs ; que M. X... est en conséquence fondé à demander que le déficit résultant de la déduction de cette somme en 1989 dans la catégorie des traitements et salaires, soit imputé sur son revenu global de la même année ;

Considérant que M. X... ayant perçu en 1989 un revenu imposable de 127 922 francs dans la catégorie des traitements et salaires, le déficit catégoriel à imputer sur le revenu global s'établit à 364 578 francs ; que ce revenu global s'élevant à 244 746 francs, M. X... ne dispose plus de revenu imposable au titre de l'année en cause et est titulaire d'un déficit reportable de 119 832 francs ; que la décharge totale de l'imposition établie pour l'année 1989 résultant du jugement attaqué doit dès lors être maintenue ;
Considérant qu'en admettant la déductibilité d'une somme de 1 500 000 francs le jugement attaqué créait un déficit reportable de 989 832 francs impliquant la décharge des impositions établies pour les années 1990 et 1991 et la réduction de l'imposition établie pour l'année 1992 ; que toutefois dès lors que l'imposition de l'année 1989 était seule en litige, ledit jugement ne peut être regardé comme ayant prononcé les dégrèvements correspondants pour les années 1990 à 1992 ; que le ministre du budget n'est en conséquence pas fondé à demander que les impositions des années 1990 à 1992 soient rétablies à dûe proportion de l'existence au titre de l'année 1989 d'un déficit reportable de 119 832 francs ; que l'exécution du présent arrêt implique néanmoins que l'imposition de l'année 1990 et le cas échéant les impositions des années suivantes soient déterminées à raison de l'existence dudit déficit reportable ;
Article 1er : La base d'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu est réduite de 492 500 francs pour l'année 1989.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 janvier 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre du budget est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93LY00782
Date de la décision : 26/05/1994
Sens de l'arrêt : Réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-07-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - TRAITEMENTS, SALAIRES ET RENTES VIAGERES - DEDUCTIONS POUR FRAIS PROFESSIONNELS -Frais réels - Engagement de caution accordé par un dirigeant salarié - Conditions de proportionnalité entre la caution et les rémunérations - Appréciation du caractère non disproportionné de l'engagement de caution par rapport aux rémunérations - Montant du salaire à retenir - Caractère non excessif au regard de l'importance de l'activité déployée et de la nature et de la qualification des fonctions exercées.

19-04-02-07-02 La rémunération à retenir pour apprécier le caractère proportionné d'un engagement de caution est celle qui a été effectivement allouée à l'intéressé ou celle qu'il pouvait escompter l'année de souscription de l'engagement notamment lorsqu'il a accepté de recevoir un traitement inférieur à celui auquel il pouvait prétendre pour faciliter le démarrage de la société. Dans les deux cas, les niveaux de salaires ne peuvent être retenus que dans la mesure où ils ne présentent pas un caractère excessif au regard de l'importance de l'activité déployée et de la nature et de la qualification des fonctions exercées et ne peuvent être regardés comme correspondant pour partie à une distribution de bénéfices. Le montant de salaire à retenir peut être rapporté à l'année entière lorsque les fonctions n'ont été exercées qu'une partie de l'année.


Références :

CGI 13, 156, 83
CGI Livre des procédures fiscales L203


Composition du Tribunal
Président : M. Bonifait
Rapporteur ?: M. Fontbonne
Rapporteur public ?: Mme Haelvoet

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1994-05-26;93ly00782 ?
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