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18/12/2003 | FRANCE | N°98LY01519

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4eme chambre - formation a 5, 18 décembre 2003, 98LY01519


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 août 1998, présentée pour la SOCIETE D'AMENAGEMENT DES TERRITOIRES DE L'ISERE, dite TERRITOIRES 38, dont le siège social est à l'Hôtel du Département à Grenoble, par Me Brion, avocat au barreau de Paris ;

La SOCIETE D'AMENAGEMENT DES TERRITOIRES DE L'ISERE dite TERRITOIRES 38 demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement en date du 12 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à payer à la COMMUNE DE SAINT GUILLAUME une indemnité de 2 000 000 francs, outre int

rêts au taux légal à compter du 30 novembre 1995 ;

2°) à titre subsidiaire,...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 août 1998, présentée pour la SOCIETE D'AMENAGEMENT DES TERRITOIRES DE L'ISERE, dite TERRITOIRES 38, dont le siège social est à l'Hôtel du Département à Grenoble, par Me Brion, avocat au barreau de Paris ;

La SOCIETE D'AMENAGEMENT DES TERRITOIRES DE L'ISERE dite TERRITOIRES 38 demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement en date du 12 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à payer à la COMMUNE DE SAINT GUILLAUME une indemnité de 2 000 000 francs, outre intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1995 ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner les auteurs des études, concepteurs et constructeurs de l'installation à la garantir de la condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de condamner la COMMUNE DE SAINT GUILLAUME à lui payer sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, une somme de 4 000 francs au titre de l'instance devant le tribunal administratif et une somme de 5 000 francs au titre de l'instance d'appel ;

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Classement CNIJ : 39-03-01-02-01

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2003 :

- le rapport de M. FONTBONNE, président ;

- les observations de Me TOUBIANA, avocat de la COMMUNE DE SAINT-GUILLAUME, de Me BLANC, avocat de la SOCIETE ALSTOM HYDRO et de Me GUY-VIENOT, avocat du G.I.E. CETEN APAVE ;

- et les conclusions de Mme RICHER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNE DE SAINT GUILLAUME a conclu avec la SOCIETE D'AMENAGEMENT DU DEPARTEMENT DE L'ISERE devenue depuis SOCIETE GRENOBLE ISERE DEVELOPPEMENT puis SOCIETE D'AMENAGEMENT DE TERRITOIRES DE L'ISERE TERRITOIRES 38, une convention d'études donnant à ladite société mission de réaliser dans un premier temps une étude de faisabilité d'un projet de micro-centrale sur la rivière la Gresse et dans un second temps des études dites pré opérationnelles pour la définition précise du projet ; qu'au vu des résultats de cette étude, la commune a décidé de réaliser l'ouvrage en confiant la maîtrise d'ouvrage déléguée à la SOCIETE TERRITOIRES 38 par convention du 5 septembre 1984 ;

Considérant qu'alors que la commune escomptait obtenir, conformément au compte d'exploitation prévisionnel établi en exécution de l'étude de faisabilité, une production moyenne annuelle de 9 961 000 kwh conduisant à un bilan d'exploitation légèrement excédentaire, la production d'électricité a été pendant les huit premières années d'exploitation, en moyenne de 4 600 000 kwh ; que par le jugement attaqué le tribunal administratif a condamné la SOCIETE TERRITOIRES 38 à payer à la commune une indemnité de 2 000 000 francs en réparation du préjudice résultant de cette situation à raison de la mauvaise exécution de la mission prévue par ladite convention d'études ; que la société fait appel de ce jugement tandis que la commune demande, par la voie de l'appel incident, que cette indemnité soit portée à 9 682 000 francs ;

Sur la responsabilité de la SOCIETE TERRITOIRES 38 sur le fondement de la convention d'études :

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la lettre de la SOCIETE TERRITOIRES 38 du 2 mars 1984 accompagnant la transmission du projet à la commune, que cette convention d'un montant global de 711 600 francs H.T., avait à hauteur de 646 600 francs H.T. pour objet de permettre le règlement par la SOCIETE TERRITOIRES 38 d'études précédemment commandées par la commune et déjà effectuées par divers bureaux d'études, et portant à la fois sur la faisabilité et la définition du projet ; que la mission proprement dite de la SOCIETE TERRITOIRES 38 rémunérée à hauteur de 65 000 francs H.T. portait, en ce qui concerne la faisabilité, sur la synthèse, le contrôle et l'expertise des études déjà réalisées, l'établissement d'un bilan d'investissement et la simulation d'un compte d'exploitation prévisionnel, et en ce qui concerne la définition du projet, sur la négociation des acquisitions foncières ; que si l'annexe à la convention faisant apparaître le détail des prestations, prévoyait l'intervention gratuite de la SOCIETE TERRITOIRES 38 au titre de l'étude de faisabilité, sa rémunération de 65 000 francs étant prévue sous la rubrique négociation foncière, la mission propre à la SOCIETE TERRITOIRES 38 en ce qui concerne l'étude de faisabilité s'intègre dans un ensemble rémunéré et représentait une prestation d'études contractuellement confiée à la SOCIETE TERRITOIRES 38 ;

Considérant, en deuxième lieu, que la faute invoquée par la commune à l'encontre de la SOCIETE TERRITOIRES 38 est liée à un mauvais accomplissement d'une mission d'études prévue par la convention ; que la SOCIETE TERRITOIRES 38 ne peut en conséquence utilement faire valoir que les relations contractuelles auraient pris fin avec la remise des études pour soutenir que sa responsabilité ne saurait être engagée ;

Considérant, en troisième lieu, que le compte d'exploitation prévisionnel établi par la SOCIETE TERRITOIRES 38 en exécution de la convention susmentionnée repose sur la réalisation d'une production annuelle d'électricité de 9 961 000 kwh induisant une recette de 2 567 052 francs au regard de dépenses d'exploitation évaluées forfaitairement à 7 % des recettes soit 179 693 francs et d'annuités d'emprunt s'élevant à 2 300 523 francs ; qu'il fait ainsi apparaître un léger résultat net d'exploitation de 86 836 francs ;

Considérant que la SOCIETE TERRITOIRES 38 devait exécuter sa mission au vu des éléments techniques ressortant des études déjà réalisées ; que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus sur leurs conditions d'engagement, ces études ne peuvent être regardée comme ayant été sous traitées par la SOCIETE TERRITOIRES 38 ; que partant les erreurs qu'elles peuvent comporter ne lui sont pas opposables ; que toutefois l'étude réalisée par le cabinet Bief émettait de sérieuses réserves tant sur la méthode utilisée pour apprécier le potentiel hydro-électrique de la rivière à raison notamment de la variation des débits, la totalité du débit ne pouvant être utilisée en période de hautes eaux et le débit d'étiage pouvant être insuffisant pour assurer le démarrage de l'installation, que sur certains choix techniques liés notamment au lieu d'implantation de la prise d'eau ; que, dans ces conditions, la SOCIETE TERRITOIRES 38, chargée de procéder à une synthèse permettant de conclure ou non à la faisabilité de l'opération, a, en n'appelant pas l'attention du maître d'ouvrage sur cette situation, manqué à l'obligation de conseil résultant de l'objet même de sa mission ; qu'en particulier elle n'a à aucun moment signalé que le niveau de production avancé ne pouvait être garanti et qu'il en était en conséquence de même pour le résultat d'exploitation ; qu'en outre, alors que la commune avait à un moment envisagé un ouvrage plus modeste de conception plus simple, la SOCIETE TERRITOIRES 38 a ainsi influencé le choix de la commune en l'orientant sur une installation inadaptée au site à raison tant de son dimensionnement que de son mode de fonctionnement ; que cependant de son côté le maître d'ouvrage, qui avait connaissance de l'étude du cabinet Bief et à qui avait été présenté un compte d'exploitation prévisionnel ne faisant apparaître qu'un faible résultat net d'exploitation a fait preuve d'imprudence en décidant de lancer l'opération sans s'entourer d'autres garanties ; que s'il est vrai comme le soutient la SOCIETE TERRITOIRES 38 que le rendement de l'installation est affecté par des défauts techniques de la prise d'eau, malfaçons imputables aux constructeurs ainsi que le cas échéant par l'installation en amont de canons à neige par la station de ski de Gresse en Vercors, ladite société n'établit ni même n'allègue que ces causes étrangères aux parties à la convention d'études, seraient seules à l'origine d'une production globalement inférieure de moitié aux prévisions annoncées ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des responsabilités respectives en déclarant la SOCIETE TERRITOIRES 38 responsable de la moitié des conséquences dommageables pour la commune du lancement de cette opération ;

En ce qui concerne le préjudice :

Considérant que la commune, mise dans l'impossibilité de faire face aux échéances de remboursement d'annuités d'emprunt, a été amenée à acquitter en pure perte des pénalités bancaires et ensuite à négocier un réaménagement de sa dette courant désormais sur 19 ans à partir de 1995 ; qu'ainsi après 10 années d'exploitation, elle n'a pu effectuer de remboursement sur le capital emprunté et a dû assumer dans l'intervalle des intérêts intercalaires et autres frais qu'elle évalue à la somme non sérieusement contestée de 9 170 000 francs ; que, toutefois, compte tenu du retard et des conditions de la renégociation de sa dette par la commune, le préjudice indemnisable au titre desdits frais bancaires doit être évalué à 609 796,07 euros (4 000 000 francs) ;

Considérant que le manque à gagner sur les recettes d'exploitation escomptées qui ne procède pas directement de la faute contractuelle de la SOCIETE TERRITOIRES 38 n'a pas à être pris en compte dans le préjudice indemnisable ;

Considérant que, dans ces conditions, compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation de l'indemnité due par la SOCIETE TERRITOIRES 38 à raison de la faute qu'elle a commise dans l'exécution de la convention d'études en la fixant à la somme de 2 000 000 francs ;

Sur les conclusions de la commune dirigées contre la SOCIETE TERRITOIRES 38 sur le fondement de la convention de maîtrise d'ouvrage déléguée du 5 septembre 1984 :

Considérant que la SOCIETE TERRITOIRES 38, qui était maître d'ouvrage délégué, n'a pas la qualité de constructeur ; que, par suite, les conclusions de la commune tendant à engager sa responsabilité décennale ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les appels en garanties de la SOCIETE TERRITOIRES 38 :

Considérant que les conclusions susmentionnées de la SOCIETE TERRITOIRES 38 tendant à être garantie par les auteurs des études, concepteurs et constructeurs de la condamnation maintenue à son encontre au profit de la COMMUNE DE SAINT-GUILLAUME sont nouvelles en appel et doivent être rejetées ;

Sur les appels provoqués de la COMMUNE DE SAINT-GUILLAUME dirigés contre la SOCIETE PELLOUX, la SOCIETE TEMCIS, l'ENTREPRISE IMBERT, le G.I.E., CETEN APAVE et M. X :

Considérant que les conclusions susmentionnées de la commune qui ont été provoquées par l'appel principal de la SOCIETE TERRITOIRES 38, et présentées après l'expiration du délai d'appel, ne sont pas recevables dès lors qu'à la suite du rejet des conclusions de la SOCIETE TERRITOIRES 38, la situation de la commune ne se trouve pas aggravée ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la SOCIETE TERRITOIRES 38 a acquitté le principal de la condamnation prononcée par le Tribunal et confirmée par la présente décision, ainsi que les intérêts afférents, avant le 21 septembre 1999 ; que la commune n'est dès lors pas recevable à demander que ces intérêts soient capitalisés à compter du 21 septembre 1999 et à chaque échéance annuelle ultérieure ; qu'en revanche, elle est fondée à demander cette capitalisation pour les intérêts produits par la condamnation de 4 000 francs au titre des frais irrépétibles non réglés par la SOCIETE TERRITOIRES 38 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appel principal de la SOCIETE TERRITOIRES 38 et le surplus des conclusions de la commune ne peuvent qu'être rejetés ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que la COMMUNE DE SAINT-GUILLAUME qui n'est pas partie perdante soit condamnée à payer à la SOCIETE TERRITOIRES 38 une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'elles font également obstacle aux conclusions de la commune dirigées contre les SOCIETES HENRY PELLOUX, TEMCIS, l'ENTREPRISE IMBERT, le G.I.E. CETEN APAVE et M. X ;

Considérant qu'il y a lieu de condamner la SOCIETE TERRITOIRES 38 à payer à la COMMUNE DE SAINT-GUILLAUME une somme de 1 000 euros ; qu'il y a lieu également de condamner la SOCIETE TERRITOIRES 38 à payer à la S.A. CEGELEC, à la SA ALSTOM HYDRO et au G.I.E. CETEN APAVE, une somme de 1 000 euros chacun ;

DÉCIDE

ARTICLE 1er : La requête de la SOCIETE TERRITOIRES 38 est rejetée.

ARTICLE 2 : Les intérêts au taux légal dus sur la somme de 4 000 francs que la SOCIETE TERRITOIRES 38 a été condamnée à payer à la COMMUNE DE SAINT-GUILLAUME par l'article 2 du jugement attaqué seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts le 21 septembre 1999 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

ARTICLE 3 : Le surplus des conclusions du recours incident de la COMMUNE DE SAINT-GUILLAUME est rejeté.

ARTICLE 4 : Les conclusions de l'appel provoqué de la COMMUNE DE SAINT-GUILLAUME dirigées contre les SOCIETES HENRI PELLOUX, TEMCIS, IMBERT, le G.I.E. CETEN APAVE et M. X sont rejetées.

ARTICLE 5 : Les conclusions de la SOCIETE TERRITOIRES 38 dirigées contrer les auteurs des études, concepteurs et constructeurs sont rejetées.

ARTICLE 6 : Sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la SOCIETE TERRITOIRES 38 est condamnée à payer à la COMMUNE DE SAINT-GUILLAUME, à la SA CEGELEC, à la SA ALSTOM HYDRO et au G.I.E. CETEN APAVE une somme de 1 000 euros chacun.

ARTICLE 7 : Le surplus des conclusions des parties tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative est rejeté.

N° 98LY01519 2

N° 98LY01519 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4eme chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 98LY01519
Date de la décision : 18/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JOUGUELET
Rapporteur ?: M. FONTBONNE
Rapporteur public ?: Mme RICHER M
Avocat(s) : TOUBIANA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2003-12-18;98ly01519 ?
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