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16/12/2004 | FRANCE | N°98LY02252

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chambre - formation a 3, 16 décembre 2004, 98LY02252


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 1998, présentée pour la SA LAROCHE, dont le siège social est situé rue de Thizy à Cours La Ville (69470), par Me X..., avocat ;

La SA LAROCHE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9100889-9100890-9504682 du 6 octobre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984, 1985 et 1993 et des majorations dont ils ont été assortis ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;>
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 francs au titre des frais exposés pa...

Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 1998, présentée pour la SA LAROCHE, dont le siège social est situé rue de Thizy à Cours La Ville (69470), par Me X..., avocat ;

La SA LAROCHE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9100889-9100890-9504682 du 6 octobre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984, 1985 et 1993 et des majorations dont ils ont été assortis ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 francs au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

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Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2004 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Pfauwadel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SA LAROCHE, qui exerce une activité de conception, fabrication et installation de machines destinées au traitement mécanique de fibres et déchets industriels, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité, la première portant sur les exercices clos en 1982, 1983, 1984 et 1985, la seconde sur les exercices clos en 1991, 1992 et 1993 ; que le vérificateur a remis en cause, à l'occasion de ces deux vérifications, la constitution par la société de provisions ; que la société relève appel du jugement en date du 6 octobre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984, 1985 et 1993 et des majorations dont ils ont été assortis ;

Sur la prescription de l'action en reprise de l'administration en ce qui concerne les exercices clos en 1984 et 1985 :

Considérant que, lorsqu'une loi nouvelle, modifiant le délai de prescription d'un droit, abrège ce délai, le délai nouveau est immédiatement applicable, mais ne peut, à peine de rétroactivité, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; que le délai ancien, s'il a commencé de courir avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne demeure applicable que dans l'hypothèse où sa date d'expiration surviendrait antérieurement à la date d'expiration du délai nouveau ; que, toutefois, cette règle générale ne s'applique pas lorsque le législateur a prévu expressément, comme il l'a fait par l'article 18 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986, portant loi de finances rectificative pour 1986, des dispositions spécifiques réglant l'entrée en vigueur du nouveau délai de prescription réduit de quatre à trois ans ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa nouvelle rédaction résultant de la loi du 11 juillet 1986 : Pour... l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; qu'aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement... ; qu'aux termes de l'article L. 168 A du même livre résultant de la codification de l'article 18 de la loi ci-dessus mentionnée : I. Le droit de reprise mentionné au premier alinéa de l'article L.169 ... s'exerce jusqu'à la fin de la quatrième année 1°/ Aux vérifications pour lesquelles l'avis prévu à l'article L.47 a été envoyé ou remis avant le 2 juillet 1986... 2°/ Aux notifications de redressement adressées avant le 2 janvier 1987 lorsqu'elles ne sont pas consécutives à une vérification visée à l'article L.47 ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu'un avis de vérification de comptabilité a été envoyé ou remis avant le 2 juillet 1986, la durée du nouveau délai de reprise ouvert à l'administration est régie par les textes en vigueur lors du point de départ du délai de reprise initial et reste fixée à quatre ans ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés réclamées à la SA LAROCHE, au titre des exercices clos le 30 septembre 1984 et le 30 septembre 1985, procédaient d'une vérification de comptabilité dont l'avis, en date du 16 avril 1986, a été reçu par la société le 21 avril suivant ; que, par suite, la durée du nouveau délai de reprise ouvert à l'administration par la notification de redressements en cause n'était pas de trois ans correspondant au nouveau délai de reprise codifié à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales mais celle de quatre ans prévue à titre transitoire par l'article L. 168 A du même livre et expirait le 31 décembre 1990 et non le 31 décembre 1989, comme le soutient la société ; que, par suite, l'avis de mise en recouvrement des compléments d'imposition correspondant aux exercices clos le 30 septembre 1984 et le 30 septembre 1985, daté du 31 décembre 1989, que la société dit avoir reçu le 3 janvier 1990, a pu régulièrement interrompre le cours de la prescription en ce qui concerne les exercices en cause ;

Sur la réintégration des provisions pour charges sociales sur indemnités de congés payés :

Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : L'indemnité pour congés payés, calculée dans les conditions définies aux articles L. 223-11 à L. 223-13 du code du travail, revêt du point de vue fiscal le caractère d'un salaire de substitution qui constitue une charge normale de l'exercice au cours duquel le salarié prend le congé correspondant ; qu'aux termes du 5° de ce même article, peuvent être déduites les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elle aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice et figurent au relevé des provisions prévu à l'article 54 ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées que l'indemnité de congés payés ne peut donner lieu à constitution d'une provision ; que, compte tenu de leur nature et du fait que leur exigibilité est liée au versement effectif de l'indemnité de congés payés, les charges sociales afférentes à cette dernière présentent, du point de vue fiscal, le même caractère que celle-ci et, nonobstant la circonstance que, avant l'intervention du II de l'article 7 de la loi de finances n° 86-1317 du 30 décembre 1986, aucune disposition législative ne les mentionne expressément, ne peuvent suivre un régime différent de celui de l'indemnité de congés payés proprement dite ; qu'ainsi la SA LAROCHE n'est pas fondée à critiquer les impositions supplémentaires qui lui ont été assignées au titre de l'exercice clos le 30 septembre 1985 du fait de la réintégration dans les bases d'imposition des provisions qu'elle avait constituées au cours de cet exercice, pour faire face aux charges sociales qu'elle serait appelée à supporter à raison de droits acquis en matière de congés payés par ses salariés au cours de cet exercice ;

Sur la réintégration des provisions pour risques des grands ensembliers :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 39-1-5° du code général des impôts qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par l'entreprise, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent en outre comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, et qu'enfin, elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA LAROCHE a constitué à la clôture de l'exercice 1985 au titre du risque encouru en tant que grand ensemblier industriel une provision à hauteur de 875 000 francs et a comptabilisé à la clôture de l'exercice 1993 une dotation complémentaire de 24 323 francs ; que la société n'établit pas, comme elle en a la charge, que la constitution de cette provision, d'ailleurs calculée de façon forfaitaire, répondrait aux conditions prévues par la loi fiscale ;

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

Considérant que la SA LAROCHE soutient que, par application de la note administrative 4 E-4-79 du 31 mai 1979, éditée antérieurement à la date limite de déclaration des résultats des exercices clos le 30 septembre 1985 et le 30 septembre 1993 et dont elle est dès lors en droit de se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle était fondée à constituer, à hauteur de 2,50 % du prix hors taxe des marchés qu'elle passait, une provision pour risques de grands ensembliers industriels ;

Considérant que la note du 31 mai 1979 précise, en ce qui concerne les contrats d'entreprise conclus et exécutés par les ensembliers industriels que : En règle générale, ces contrats prévoient la livraison d'un ensemble indissociable de moyens mobiliers et immobiliers aboutissant à la création d'installations de type industriel ayant pour objet, soit l'accomplissement d'activités de production proprement dites (...) soit la fourniture de prestations de services exigeant la construction d'ouvrages et l'emploi de matériels importants (...). Le risque inhérent à cette obligation est de nature à faire peser sur les résultats imposables de l'exercice en cours à la date de réception de l'appareil industriel une probabilité de charge dont les ensembliers industriels peuvent tenir compte en constituant une provision pour pertes ou charges au sens de l'article 39-1-5° du CGI (...) Pour l'application de cette disposition, le Conseil d'Etat a assoupli sa jurisprudence et n'écarte plus a priori le recours à des données statistiques tirées des constatations faites dans l'entreprise même (...) Les ensembliers industriels sont donc en droit de revendiquer le bénéfice de cet assouplissement jurisprudentiel (...) dès lors qu'ils sont en mesure d'apprécier le montant des risques inhérents à leurs obligations de résultat à partir de statistiques établies dans le cadre de leur propre gestion. Toutefois, à titre de règle pratique, il a paru possible, lorsqu'il y a exécution de contrats de réalisation d'un ensemble industriel de considérer comme justifiées les provisions constituées en vue de faire face au bon accomplissement des obligations de résultat prévues auxdits contrats dans la mesure où, appréciées marché par marché, ces provisions n'excèderont pas 2, 50 % du prix hors taxe dudit marché ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la note invoquée que le bénéfice de la mesure selon laquelle une provision qui n'excède pas 2,50 % du prix hors taxe du marché est regardée comme automatiquement justifiée est limité à la provision constituée par l'ensemblier industriel, en vue de faire face au bon accomplissement des obligations de résultat prévues au contrat, à la clôture de l'exercice au cours duquel a été prononcée la réception de l'appareil industriel ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les biens à propos desquels ont été constituées les provisions en litige aient donné lieu à une réception prononcée au cours de l'exercice clos le 30 septembre 1985 ; qu'en outre, l'administration fiscale fait valoir, sans être contredite, que la SA LAROCHE n'est pas titulaire d'un marché global correspondant aux prévisions de la doctrine qu'elle invoque ; que, dans ces conditions, la provision litigieuse n'entre pas dans les prévisions de cette doctrine ; que, par suite, l'administration a réintégré à bon droit la provision en cause et la dotation complémentaire correspondante dans les résultats des exercices clos en 1985 et en 1993 ;

Sur la réintégration d'une provision pour déménagement :

Considérant que la SA LAROCHE a constitué le 30 septembre 1985, à hauteur de 200 000 francs une provision pour faire face aux charges pouvant résulter du transfert d'un atelier et d'une salle de démonstration lui appartenant ; qu'en l'absence de circonstances particulières survenues en 1985 obligeant la société à quitter les locaux où ces installations étaient implantées, les charges en cause, relatives à un événement futur, ne présentaient pas un caractère justifiant la constitution d'une provision ; que, par suite, l'administration a réintégré à bon droit la provision en cause dans les résultats de l'exercice clos le 30 septembre 1985 ;

Sur la réintégration d'une provision pour risque :

Considérant que la SA LAROCHE fabrique du matériel pour le compte d'industriels qui bénéficient du soutien de l'Agence Nationale pour le Développement de la Production Appliquée (A.D.E.P.A.) ; que, pour réaliser ses missions, l'A.D.E.P.A. met en oeuvre des procédures dites MECA destinées à promouvoir des machines et des équipements de conception avancée ; que les industriels admis à participer à ces procédures peuvent procéder à l'expérimentation de matériels, les conserver ou les restituer à l'issue d'une période d'essai ; que, dans le cadre de l'une de ces procédures, la SA LAROCHE a livré en 1985 à l'un de ses clients, les établissements Faure, des matériels qu'elle s'engageait à reprendre à un prix fixé par contrat, si ceux-ci ne donnaient pas satisfaction au client et si celui-ci décidait de ne pas donner suite à l'achat de ces matériels ; que la période d'essai des matériels par les établissements Faure courait du 30 septembre 1985 au 31 août 1986 ; que la SA LAROCHE a constitué, le 30 septembre 1985, une provision d'un montant de 303 000 francs en vue de faire face au risque de restitution des matériels par son client ainsi qu'aux charges d'assistance et de maintenance inhérentes à la mise à disposition des matériels ;

En ce qui concerne le principe de la provision :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu des pratiques commerciales spécifiques décrites plus haut, qui s'inscrivent d'ailleurs dans les procédures de promotion d'équipements avancés voulues et mises en oeuvre par les pouvoirs publics, le risque de restitution à la société des matériels par son client et, par suite, le risque pour la société de ne pas réaliser la vente des matériels livrés à l'essai présentaient un caractère de probabilité suffisant pour justifier la constitution d'une provision à la clôture de l'exercice clos en 1985 ; que le risque encouru se rattachait à des opérations effectuées au cours de cet exercice ; que, par suite, la société établit, comme elle en a la charge compte tenu de la nature de l'écriture comptable litigieuse, qu'elle était en droit de constituer une provision pour risque à raison des opérations en cause ;

En ce qui concerne le montant de la provision :

Considérant que l'administration soutient, sans autre précision, que les frais exposés pour la mise en route du matériel et l'assistance au client sont compris dans la garantie et donc dans le prix de vente du matériel ; que, toutefois, le risque pour la société de devoir reprendre les matériels livrés à l'essai aux établissements Faure justifiait également que les frais exposés pour la mise en route du matériel et l'assistance au client fassent l'objet d'une provision ; que, par suite, l'administration n'était pas fondée à remettre en cause la provision constituée à hauteur de 303 000 francs - et non de 330 000 francs comme le soutient la société - à la clôture de l'exercice 1985 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA LAROCHE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a refusé de la décharger de la fraction de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à son nom au titre de l'année 1985 qui procède de la réintégration à ses résultats d'une provision de 303 000 francs (46 192,05 euros) ;

Sur les conclusions de la SA LAROCHE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser la somme de 750 euros à la société au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'assiette de l'impôt sur les sociétés auquel la SA LAROCHE a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1985 est réduite de 303 000 francs (46 192,05 euros).

Article 2 : Il est accordé décharge à la SA LAROCHE du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1985, dans la mesure résultant de la réduction de base définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 6 octobre 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser à la SA LAROCHE la somme de 750 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA LAROCHE est rejeté.

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N°98LY02252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98LY02252
Date de la décision : 16/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. PFAUWADEL
Avocat(s) : LACHAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2004-12-16;98ly02252 ?
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