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02/02/2006 | FRANCE | N°02LY02286

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 02 février 2006, 02LY02286


Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2002, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ;

Le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-3393 en date du 2 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté son déféré tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 26 juin 2001 par le maire de Beaufort-sur-Doron à Mme Y ;

2°) d'annuler le permis litigieux ;

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classement cnij : 68-001-01

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Vu l

es autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les par...

Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2002, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ;

Le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-3393 en date du 2 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté son déféré tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 26 juin 2001 par le maire de Beaufort-sur-Doron à Mme Y ;

2°) d'annuler le permis litigieux ;

--------------------------------------------------

classement cnij : 68-001-01

----------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 2006 :

- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le permis de construire délivré le 26 juin 2001 par le maire de Beaufort-sur-Doron à Mme Y, l'autorise à reconstruire un chalet d'alpage détruit par un incendie en 1996 ; qu'il ressort des photographies versées au dossier prises après le sinistre que le bâtiment à usage agricole était susceptible d'être partiellement utilisé pour le logement ;

Considérant que le préfet soutient que le permis en cause méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme aux termes desquelles : « Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques. » ;

Considérant que la commune se prévaut en défense des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dans leur rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000, aux termes desquelles : « La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée, nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié. » ; que ces dispositions ne donnent pas un droit à reconstruire un bâtiment dont les occupants seraient exposés à des risques certains et prévisibles de nature à mettre en danger leur sécurité ; que la commune n'est par suite pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ne peuvent recevoir application s'agissant de la reconstruction d'un bâtiment sinistré ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le projet de reconstruction prévoit sur une surface de 126 m2 la création sur vide sanitaire de quatre pièces pourvues de fenêtres mentionnées comme respectivement à usage de grange, remise, écurie et cave ; que la destination agricole ainsi attribuée au projet, et qui était de manière prépondérante celle du bâtiment détruit, n'exclut pas, compte tenu de la qualité et des caractéristiques de la construction, une occupation limitée à usage d'habitation ; qu'elle n'exclut pas en particulier une occupation à usage d'habitation en hiver dans le cadre notamment d'activités de loisir ; qu'est à cet égard sans portée la prescription contenue dans le permis en cause prévoyant que la construction sera exclusivement à usage d'estive ; que l'autorité chargée de délivrer une autorisation d'urbanisme doit en effet seulement prendre en compte les possibilités d'occupation qu'induisent normalement les travaux projetés, et ne peut subordonner l'autorisation à des conditions d'utilisation dans le temps, une interdiction d'occupation au cours d'une période de l'année ne pouvant que résulter, le cas échéant, de mesures de police ; que le PREFET DE LA SAVOIE est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le bâtiment ne pouvant être utilisé qu'en été pour des besoins professionnels agricoles, le maire avait pu régulièrement délivrer le permis sans se livrer à une appréciation des risques d'avalanches ;

Considérant que la commune et Mme Y font valoir que le chalet d'origine dont l'existence apparaît sur un cadastre établi en 1884 n'a jamais été atteint par une avalanche, et que son emplacement, bien qu'entouré de couloirs d'avalanches, n'est pas directement placé dans la zone de leur développement définie sur une carte de localisation probable des avalanches établie par le C.E.M.A.G.R.E.F. en 1984 ; que toutefois le service Restauration des terrains en montagne, consulté en septembre 1998 au titre de l'instruction d'une demande de certificat d'urbanisme, avait relevé que le site devait être regardé comme exposé, et émis l'avis que le projet n'était réalisable que sous réserve de prendre en compte cette situation ; que dès lors, compte tenu du caractère difficilement prévisible avec exactitude des phénomènes avalancheux, le maire de Beaufort-sur-Doron a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, en délivrant le permis sans l'assortir de prescriptions spéciales ; que, par suite, le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

Considérant, qu'il y a lieu, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme d'examiner l'autre moyen soulevé par le préfet ;

Considérant que le préfet soutient que le projet méconnaît l'article ND 4 du règlement du POS prévoyant que toute construction à usage d'habitation doit d'une part être alimentée en eau potable et d'autre part disposer d'un système d'assainissement des eaux usées ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 des dispositions générales du règlement du POS : « La reconstruction d'un bâtiment sinistré dans un délai de cinq ans est autorisé dans l'enveloppe du volume ancien à condition que sa destination soit conservée ou soit conforme aux occupations et utilisations du sol dans la zone. » ; que ces dispositions dérogent aux dispositions du plan d'occupation des sols propres à chaque zone en ce qui concerne les bâtiments qui y sont mentionnés et sous les conditions qu'elles précisent ;

Considérant que, tant les dispositions générales du POS que l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme déjà cité, donnent un droit à reconstruire à l'identique un bâtiment détruit par un sinistre ; que par suite, en l'absence des dispositions expresses du règlement de la zone ND tendant à y faire échec, le projet, ne s'accompagnant pas d'un changement de destination, n'était pas soumis aux dispositions du règlement de la zone ND faisant obstacle au principe de sa réalisation ; qu'en revanche ne pouvait être exclue l'application des dispositions dudit règlement pouvant être mises en oeuvre sans remettre en cause le projet ; que la branche du moyen soulevé par le préfet tiré de ce que le projet ne comporte pas un système individuel d'assainissement des eaux usées dont il ressort des pièces du dossier que la réalisation est techniquement possible à un coût acceptable apparaît ainsi en l'état du dossier susceptible de justifier également l'annulation du permis litigieux ; qu'en revanche, il ressort des pièces du dossier que le projet peut être alimenté par une source dont la potabilité de l'eau a été vérifiée ; que l'autre branche du moyen soulevé par le préfet n'apparaît pas ainsi en l'état du dossier également susceptible de fonder l'annulation du permis litigieux ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, et rejeté son déféré ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et le permis de construire délivré le 26 juin 2001 par le maire de Beaufort-sur-Doron à Mme Y ;

Considérant que les conclusions de la commune tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'elle est partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 2 octobre 2002 est annulé.

Article 2 : Le permis de construire délivré le 26 juin 2001 par le maire de Beaufort-sur-Doron à Mme Y est annulé.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Beaufort-sur-Doron tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 02LY02286

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 02LY02286
Date de la décision : 02/02/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-001-01 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. RÈGLES GÉNÉRALES D'UTILISATION DU SOL. RÈGLES GÉNÉRALES DE L'URBANISME. - DROIT À LA RECONSTRUCTION À L'IDENTIQUE D'UN BÂTIMENT DÉTRUIT PAR UN SINISTRE (ART. L. 111-3 DU CODE DE L'URBANISME) - A) EXCEPTION - BÂTIMENT DONT LES OCCUPANTS SERAIENT EXPOSÉS À UN RISQUE CERTAIN ET PRÉVISIBLE DE NATURE À METTRE EN DANGER LEUR SÉCURITÉ [RJ1] - B) CONSÉQUENCE - OCTROI DU PERMIS SUBORDONNÉ AU RESPECT DES DISPOSITIONS DU RÈGLEMENT NATIONAL D'URBANISME OU DU PLAN LOCAL D'URBANISME EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE SALUBRITÉ.

68-001-01 a) Si l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, permet de reconstruire à l'identique un bâtiment détruit par un sinistre dès lors qu'il a été régulièrement édifié, il ne donne pas le droit de reconstruire un bâtiment dont les occupants seraient exposés à des risques certains et prévisibles de nature à mettre en danger leur sécurité.,,b) Dès lors, l'octroi du permis est subordonné au respect par le projet de reconstruction, dans la mesure nécessaire pour prévenir ces risques, des dispositions du règlement national d'urbanisme ou du plan local d'urbanisme en matière de sécurité et de salubrité. Un chalet d'alpage reconstruit après un incendie doit par suite comporter des aménagements pour tenir compte d'un risque connu d'avalanche ainsi qu'un système individuel d'assainissement, dont la réalisation est techniquement possible à un coût acceptable.


Références :

[RJ1]

Cf. Avis 23 février 2005, Mme Hutin, n° 271270, p. 79.


Composition du Tribunal
Président : M. VIALATTE
Rapporteur ?: M. Gérard FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : CABINET LIOCHON-DURAZ SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-02-02;02ly02286 ?
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