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27/04/2006 | FRANCE | N°05LY01870

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 5ème chambre, 27 avril 2006, 05LY01870


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 2 décembre 2005, présentée pour M. Ali X, domicilié chez Madame , ..., par Me Thierry Aldeguer, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505418 en date du 8 novembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2005 du préfet de l'Isère ordonnant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour

fixant l'Algérie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 2 décembre 2005, présentée pour M. Ali X, domicilié chez Madame , ..., par Me Thierry Aldeguer, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505418 en date du 8 novembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2005 du préfet de l'Isère ordonnant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté et ladite décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder à un nouvel examen de sa situation sous peine d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision juridictionnelle à intervenir ;

4°) de condamner le préfet de l'Isère à lui verser une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5° du décret n°46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2006 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant algérien, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 1er septembre 2005, de la décision du 17 août 2005 du préfet de l'Isère lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire national ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 13 octobre 2005, il se trouvait alors dans le cas où, en application des dispositions précitées, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur la légalité de refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période il a séjourné en qualité d'étudiant (…) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupent familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (…) » ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades : « Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; - et la durée prévisible du traitement. Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. »

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision rejetant la demande de carte de résidence de M. X a été prise au vu de l'avis rendu le 7 juin 2005 par le médecin inspecteur de santé publique de la direction des affaires sanitaires et sociales de l'Isère indiquant que l'état de santé de M. X nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que l'intéressé peut toutefois suivre un traitement approprié en Algérie sous réserve d'un accès effectif et réel aux soins ;
Considérant, que l'avis du médecin inspecteur de santé publique ne doit indiquer la durée prévisible du traitement que dans le cas où l'intéressé ne peut suivre un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si M. X souffre d'un diabète nécessitant des soins et un suivi médical, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si l'intéressé soutient que l'avis du médecin inspecteur de santé publique ne comportait pas d'indication sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage ; qu'ainsi, en se fondant sur un avis rendu par le médecin inspecteur de santé publique qui ne comportait pas d'indication sur la possibilité pour M. X de voyager sans risque vers son pays ni sur la durée prévisible du traitement, la décision de refus de séjour n'a pas été prise suivant une procédure irrégulière ni en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que le requérant ne saurait invoquer un certificat médical en date du 14 septembre 2005 faisant état d'une impossibilité pour lui de se déplacer pour une période indéterminée, dès lors que ce document est dépourvu de toute précision ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. X soutient résider de manière habituelle en France depuis plus de dix ans, compte tenu d'une arrivée en France qui se situerait en 1994, les pièces qu'il produit ne suffisent pas, notamment pour l'année 2003, à établir cette résidence sur le territoire national ; que, d'ailleurs, si le préfet retient dans son arrêté portant refus de certificat de résidence que l'intéressé est sur le territoire français depuis le 1er septembre 1994, il est toutefois fait mention dans un jugement du Tribunal de grande instance de Lyon en date du 21 novembre 1995 de l'entrée en France de M. X via Vintimille courant octobre 1995, l'intéressé ayant été interpellé muni d'un visa de tourisme délivré par l'ambassade d'Italie en Algérie délivré en février 1995 ; que, par suite, il n'est pas établi que le requérant résidait en France habituellement depuis plus de dix ans aux dates où ont été prises les décisions de refus de certificat de résidence et de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard en particulier aux deux mariages contractés par l'intéressé en Algérie dont la révélation a d'ailleurs amené la déclaration de nullité, par un jugement du Tribunal de grande instance de Grenoble du 9 février 2004 confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 18 janvier 2005, du mariage qu'il avait contracté en France du 18 juin 2002, et à la présence en Algérie d'un certain nombre de ses enfants, les arrêtés du préfet de l'Isère en date du 17 août 2005 refusant de lui délivrer une carte de résident et du 13 octobre 2005 ordonnant sa reconduite à la frontière n'ont pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ont été pris lesdits arrêtés ; que le préfet de l'Isère n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine (…). Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales » ; que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, leur durée de validité et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France ; qu'il n'a cependant pas entendu écarter les ressortissants algériens de l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement et le refus de titre de séjour ; qu'au nombre de ces dispositions figure la consultation prévue par l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers de la commission du titre de séjour ; que, cependant, le préfet n'est tenu de saisir cette commission, en application de l'article L. 312-2 précité du code, que lorsque l'étranger remplit effectivement les conditions prévues par les articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code ou, dans le cas d'un ressortissant algérien, par les stipulations de l'accord franco-algérien ayant le même objet ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'entrait pas dans une des catégories de cas invoqués où, en application de l'accord franco-algérien, il aurait droit à un titre de séjour équivalent à ceux prévus par les articles susmentionnés du code ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour doit être écarté ;


Sur la légalité propre de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'il ne ressort pas du dossier que le préfet n'ait pas examiné toutes les pièces qui lui ont été soumises et qu'il n'ait pas procédé à un examen de la situation individuelle du requérant ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'intéressé qui avait d'ailleurs fait l'objet d'une première mesure de reconduite à la frontière en 1994, et n'a jamais obtenu, au-delà de situations temporaires, la régularisation de ses séjours en France, ne justifie pas d'une présence continue de dix années sur le territoire ; qu'il ne ressort pas du dossier que le préfet ait, compte tenu de la présence en France de l'intéressé, commis une erreur de droit ou une erreur matérielle en prenant l'arrêté de reconduite litigieux ; que malgré certaines attaches en France, alors que l'intéressé n'est pas marié en France, a contracté des mariages en Algérie et que ses enfants majeurs résident en Algérie, cette mesure ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts dans lesquels elle a été prise et ne saurait constituer une violation des stipulations des articles 6-5° et 6-7° de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ne peut être regardée comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une telle mesure sur la vie personnelle et familiale de l'intéressé ; que, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, le préfet ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement au regard de l'état de santé de l'intéressé, ni une violation des stipulations de l'accord franco-algérien relatives au droit de séjour des algériens pour raison de santé ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que M. X ne fait valoir aucun moyen spécifique à l'encontre de la décision fixant son pays d'origine comme destination ; que les conclusions de sa requête dirigées contre cette décision ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé et n'est entaché d'aucune insuffisance d'examen ni d'aucune contradiction, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fins d'injonction doivent être rejetées ;


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

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N° 05LY01870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 05LY01870
Date de la décision : 27/04/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL
Avocat(s) : ALDEGUER THIERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-04-27;05ly01870 ?
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