La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2006 | FRANCE | N°05LY01856

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 08 juin 2006, 05LY01856


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 novembre 2005, présentée pour Mme Francine X, domiciliée chez ..., par Me Deschamps, avocat au barreau de Grenoble ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505340 du 31 octobre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 18 octobre 2005 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de desti

nation de l'éloignement ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision po...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 novembre 2005, présentée pour Mme Francine X, domiciliée chez ..., par Me Deschamps, avocat au barreau de Grenoble ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505340 du 31 octobre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 18 octobre 2005 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de l'éloignement ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) de faire application des dispositions des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2006 :

- le rapport de M. Guerrive, président ;

- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;

Sur la reconduite à la frontière, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 4° La demande d'asile (…) constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (…) Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4°, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande » ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 de ce même code : « L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus du renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français. » ; qu'enfin aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement (…) ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, ressortissante de la République démocratique du Congo, qui est entrée en France en mai 2003, a vu sa demande de statut de réfugié du 13 juin 2003 rejetée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 janvier 2004, confirmée par une décision de la commission des recours des réfugiés du 27 avril 2005 ; qu'après qu'elle eut demandé le réexamen de sa demande, l'office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une nouvelle décision de rejet le 14 juin 2005, déférée le 15 juillet 2005 par Mme X devant la commission des recours des réfugiés ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande de réexamen, Mme X qui sollicitait également le bénéfice de la protection subsidiaire, faisait état de la persistance des poursuites engagées dans son pays contre elle et ses enfants vivant en République démocratique du Congo et du décès le 18 janvier 2005 de l'un de ses fils « dans des conditions peu claires » ; qu'elle joignait à l'appui de ses allégations une convocation de la Cour de sûreté de l'Etat du 28 avril 2005 et un courrier de son avocat à Kinshasa du 17 mai 2005 ; qu'ainsi la nouvelle demande d'asile de Mme X ne pouvait être regardée comme abusive ou dilatoire et n'entrait pas dans le cas visé au 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que, par la suite, cette nouvelle demande a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Isère ne pouvait légalement refuser, le 9 juin 2005, l'admission provisoire au séjour de Mme X, ni par suite, décider, par l'arrêté litigieux du 18 octobre 2005, qu'elle serait reconduite à la frontière, tant que la commission des recours des réfugiés ne s'était pas prononcée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que contrairement à ce que mentionne l'arrêté attaqué, la commission des recours des réfugiés ne s'était pas prononcée le 27 juillet 2005 ; qu'en effet, cette date est celle de la lettre par laquelle cette commission a accusé réception du recours de Mme X ; que, par convocation du 9 novembre 2005 la commission des recours des réfugiés a informé la requérante que son affaire était inscrite à l'ordre du jour de la séance du 13 décembre 2005 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 18 octobre 2005 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination de la mesure d'éloignement ;
Sur la demande d'injonction :
Considérant que Mme X demande à la Cour d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. » ;

Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de l'Isère de délivrer, sans délai, à Mme X une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il se soit prononcé sur sa situation, après une nouvelle instruction ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme X bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ; qu'elle n'établit pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par décision du 12 décembre 2005 ; que son conseil n'a pas demandé qu'il soit fait application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; que doivent, par suite, être rejetées les conclusions de Mme X tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 31 octobre 2005, ainsi que l'arrêté du préfet de l'Isère du 18 octobre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, sont annulés.
Article 2 : Il est prescrit au préfet de l'Isère de délivrer, sans délai, à Mme X une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il se soit, après instruction de son dossier, prononcé sur sa situation.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

1

2
N° 05LY01856

cc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 05LY01856
Date de la décision : 08/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Louis GUERRIVE
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL
Avocat(s) : DESCHAMPS BRESSY VILLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-06-08;05ly01856 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award