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08/02/2007 | FRANCE | N°06LY00871

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 5ème chambre, 08 février 2007, 06LY00871


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 28 avril 2006, présentée pour M. Salah X, domicilié maison des associations, ...), par Me Boumaza, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601610 en date du 15 avril 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 3 avril 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d

'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la n...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 28 avril 2006, présentée pour M. Salah X, domicilié maison des associations, ...), par Me Boumaza, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601610 en date du 15 avril 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 3 avril 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence avec autorisation de travail valable un an dans le délai de trente jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard en cas d'annulation sur le fond des décisions contestées ou, en cas d'annulation desdites décisions sur le forme, d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation administrative dans le délai de trente jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relatif au statut des réfugiés ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2007 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- et les conclusions de M. Pourny, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 17 octobre 2005, de la décision du préfet de l'Isère du 29 septembre 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 3 avril 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;


Sur l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

Considérant qu'aucun moyen n'est, en tout état de cause, soulevé à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour du 29 juillet 2003 et que la décision du 22 novembre 2004, par laquelle le préfet de l'Isère a refusé à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour, ne constitue pas le fondement de l'arrêté du 3 avril 2006 par lequel le préfet de l'Isère a ordonné la reconduite à la frontière de M. X ; que ce dernier ne saurait, dès lors, en tout état de cause, utilement exciper de l'illégalité de cette décision du 22 novembre 2004 à l'encontre de la mesure d'éloignement contestée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946 : Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin-inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. (…)/ Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur (...) ; que l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin-inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis précisant notamment si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans le pays dont il est originaire ; qu'il appartient ainsi au médecin-inspecteur, tout en respectant le secret médical, de donner au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, nécessaires pour éclairer sa décision ; qu'il ressort de l'avis rendu par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de l'Isère le 28 juin 2005, dont aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait la communication à M. X, que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences graves mais qui doit pouvoir être réalisée en Algérie ; que cet avis est, dès lors, suffisamment circonstancié au regard des exigences fixées par l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 ; que le refus de titre de séjour du 29 septembre 2005, auquel cet avis médical n'avait pas à être annexé, qui contient l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivé, a été pris sans que le préfet, qui a procédé à l'examen préalable de la situation personnelle et familiale de l'intéressé au titre des autres dispositions dont il aurait été susceptible de bénéficier, ne s'estime lié par l'avis rendu par le médecin inspecteur de santé publique et donc suivant une procédure régulière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;


Considérant que si M. X soutient qu'il s'est installé depuis l'année 2002 en France, où il bénéficie d'une promesse d'embauche et où son père résiderait depuis 1963, il ressort des pièces du dossier que le requérant, âgé de trente-trois ans, est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans, avant d'entrer en France, trois ans seulement avant la décision de refus de séjour dont l'illégalité est soulevée ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de séjour qui lui a été opposé le 29 septembre 2005 n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : / (…)7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (…) » ;

Considérant que si M. X allègue que les troubles psychiatriques dont il souffre nécessitent une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette affection serait insusceptible de faire l'objet d'un traitement approprié en Algérie ; que, notamment, s'il expose que les médicaments qui lui sont administrés en France ne sont pas commercialisés en Algérie, il n'établit pas qu'il ne pourrait disposer dans ce pays d'un accès effectif à des médicaments équivalents à ceux qui lui sont prescrits et à des structures sanitaires aptes à lui prodiguer les soins que requiert son état de santé et, par suite, bénéficier, en Algérie, où il n'établit pas qu'il serait exposé à un climat d'insécurité, de soins adaptés aux maux dont il souffre ; que les éventuelles difficultés de prise en charge des dépenses médicales sont sans incidence sur la légalité de la décision de refus de séjour du 29 septembre 2005, laquelle ne méconnaît ainsi pas les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (…) » et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : « La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (…) » ; que le préfet n'est, toutefois, tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions fixées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou, dans le cas d'un ressortissant algérien, par les stipulations de l'accord franco-algérien ayant le même objet, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le préfet de l'Isère n'a pas porté une atteinte excessive au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'il n'était, dès lors, pas tenu de consulter la commission du titre de séjour préalablement à sa décision du 29 septembre 2005 par laquelle il a refusé à M. X la délivrance d'un certificat de résidence ;


Sur les autres moyens :
Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, l'arrêté de reconduite à la frontière contesté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si M. X allègue qu'il aurait reçu des menaces de la part de groupes terroristes islamistes après avoir effectué des démarches pour intégrer les services de police algériens, il n'établit la réalité, ni des faits allégués, ni des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en Algérie ; que, par suite, en désignant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que M. X, qui n'a pas demandé ni obtenu le bénéfice du statut de réfugié, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de la convention de Genève pour contester la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 3 avril 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite et que ses conclusions à fin d'injonction de délivrance d'un titre de séjour sous astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;




DECIDE :


Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 06LY00871


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00871
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : BOUMAZA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-02-08;06ly00871 ?
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