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08/02/2007 | FRANCE | N°06LY00981

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 5ème chambre, 08 février 2007, 06LY00981


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 15 mai 2006, présentée pour Mlle Glory X, domiciliée ..., par Me Dubray, avocat au barreau de Grenoble ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601614 du 15 avril 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 avril 2006 du préfet de l'Isère ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le Nigeria comme pays de destin

ation ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 15 mai 2006, présentée pour Mlle Glory X, domiciliée ..., par Me Dubray, avocat au barreau de Grenoble ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601614 du 15 avril 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 avril 2006 du préfet de l'Isère ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le Nigeria comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2007 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- et les conclusions de M. Pourny, commissaire du gouvernement ;


Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-11 du code de justice administrative : « Dans le cas où l'étranger, qui ne parle pas suffisamment la langue française, le demande, le président nomme un interprète qui doit prêter serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience. Cette demande peut être formulée dès le dépôt de la requête introductive d'instance. » ;

Considérant que Mlle X a, la veille de l'audience du tribunal administratif du 15 avril 2006, demandé l'assistance d'un interprète pour cette audience ; qu'il ressort des mentions du jugement attaqué, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, que lors de cette audience, Mlle X a été entendue avec l'assistance de Mlle Antoniakios, se présentant comme interprète ; que, cependant, le greffe du tribunal a omis la formalité du serment ; que, dès lors, alors même que l'intéressée, dont il est constant qu'elle avait besoin d'un interprète, et qu'elle en avait formulé la demande, a pu bénéficier de l'assistance d'un avocat, Mlle X est fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière et à demander en conséquence son annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de Mlle X ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes (…) » et qu'aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, de nationalité nigériane, qui ne justifie pas être entrée régulièrement sur le territoire français, s'est vu refuser l'asile politique par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 février 2004, confirmée par décision de la commission des recours des réfugiés du 3 juin 2005 ; que, par décision du 21 novembre 2005 le préfet du Rhône lui a, en application des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en vue d'une demande, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, de réexamen de son droit à l'asile ; que, dès lors, le préfet de l'Isère pouvait, en application des dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-1 et de l'article L. 742-6 dudit code, décider la reconduite à la frontière de Mlle X ;

Considérant, en deuxième lieu, que le préfet de l'Isère a, par décision du 27 mars 2006, donné à M. Blais, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, délégation pour signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives à l'exception des mesures concernant la défense nationale et le maintien de l'ordre, des mesures de réquisition prises en application de la loi du 11 juillet 1938 et des déclinatoires de compétences et des arrêtés de conflit ; qu'il résulte du dossier que cette délégation a été régulièrement publiée au recueil des actes administratifs ; que M. Blais était donc bien compétent pour prendre la mesure de reconduite critiquée ;
Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté critiqué est, contrairement à ce qu'affirme la requérante, suffisamment motivé en droit comme en fait ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté attaqué n'est pas une mesure d'exécution de la décision de la commission de recours des réfugiés prise sur le recours de Mlle X ; que celle-ci ne peut donc utilement exciper de l'illégalité de cette décision ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'eu égard aux conditions de son entrée en France et à la brièveté de son séjour, comme à l'absence de toute attache en France, le moyen tiré par Mlle X de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être rejeté ;
Considérant, en sixième lieu, que l'arrêté de reconduite n'a pas pour objet de fixer le pays de destination ; que, par suite, Mlle X n'est pas fondée à se prévaloir à l'encontre de cet arrêté des menaces pour sa liberté et sa vie auxquelles elle serait exposée au Nigeria ;


Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : (…) 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » ;

Considérant, en premier lieu, que Mlle X ne justifie pas être admissible dans un pays autre que le Nigeria ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le Nigeria comme pays de destination méconnaîtrait les dispositions précitées du 3° de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de prévenir un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que Mlle X, dont les demandes d'asile ont été rejetées ainsi qu'il a été dit ci-dessus, soutient que sa vie et sa liberté seraient menacées en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle est originaire de Warri et appartient à l'ethnie des Yoroubas (ou Urhobos), persécutée par d'autres ethnies et non protégée par les autorités ; qu'en 2003 des centaines de personnes ont été assassinées lors de violents conflits interethniques ; que son père était le chef d'une organisation d'unification des différentes ethnies et a été assassiné pour cette raison ; qu'elle-même était une membre éminente de cette organisation ; qu'elle a été blessée lors d'une opération clandestine qui a provoqué un incendie accidentel et où plusieurs personnes ont été tuées ; qu'ayant, alors, fait l'objet d'un mandat d'arrêt elle a fuit le Nigeria pour le Bénin où elle a été victime d'un réseau de prostitution qui l'a contrainte à se prostituer et à poursuivre cette activité en France où elle serait arrivée en octobre 2003 ; que, toutefois, ni les pièces produites par Mlle X à l'appui de ses allégations, notamment deux articles de presse, l'un du 4 juillet 2003 et l'autre non daté, ne présentant aucune garantie d'authenticité permettant de les regarder comme probant et, malgré l'homonymie, comme concernant la requérante, ni ces récits imprécis et variables, ne permettent d'établir la réalité des menaces auxquelles elle serait exposée en cas de retour au Nigeria ; que Mlle X, qui invoque la situation générale réservée aux femmes dans son pays, n'établit pas la réalité de ses craintes d'être victime de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Nigeria ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que pour les motifs ci-dessus exposés la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par suite, sa requête doit être rejetée, ce rejet impliquant, par voie de conséquence, celui de ses conclusions à fin d'injonction de délivrance d'un titre de séjour et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0601614 du 15 avril 2006 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les conclusions de Mlle X devant le Tribunal administratif de Grenoble et le surplus de sa requête sont rejetés.
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N° 06LY00981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00981
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : DUBRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-02-08;06ly00981 ?
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