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22/03/2007 | FRANCE | N°06LY02565

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 22 mars 2007, 06LY02565


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 décembre 2006, présentée pour M. Mahmoud X, domicilié ..., par la SCP Arrue Berthiaud Duflot Putanier, avocat au barreau de Lyon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607541 en date du 18 décembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 29 novembre 2006, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite

à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 décembre 2006, présentée pour M. Mahmoud X, domicilié ..., par la SCP Arrue Berthiaud Duflot Putanier, avocat au barreau de Lyon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607541 en date du 18 décembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 29 novembre 2006, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2007 :

- le rapport de Mme Lorant, présidente ;

- les observations de Me Payet-Morice, avocat de M. X, et de M. Guinet, représentant le préfet du Rhône ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 6° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé ; (...) » et qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : « L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit à s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, dont la demande de reconnaissance du statut de réfugié avait été rejetée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 20 juin 2003, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 6 septembre 2006, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 27 septembre 2006, de la décision du préfet du Rhône en date du 26 septembre 2006 lui refusant le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour dont il bénéficiait en qualité de demandeur d'asile et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 29 novembre 2006, M. X se trouvait dans le cas, prévu par les dispositions combinées du 6° de l'article L. 511-1 et de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que la circonstance que, ni la décision de refus d'asile de la commission des recours des réfugiés, à l'encontre de laquelle un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat aurait été envisagé et une demande d'aide juridictionnelle déposée à cette fin, ni la décision du 17 février 2005 du préfet du Rhône qui a rejeté la demande de regroupement familial qui avait été déposée à son profit par son épouse, qui avait fait l'objet d'une contestation pendante devant la Cour administrative d'appel de Lyon, n'étaient devenues définitives ne faisait obstacle à l'intervention d'un arrêté de reconduite à la frontière, lequel ne se fonde au surplus pas sur ledit refus de regroupement familial, dès lors que ces recours sont, en tout état de cause, dépourvus d'effet suspensif ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui a quitté son pays d'origine en 1993 pour s'établir en Roumanie jusqu'à l'année 2000, est entré régulièrement en France et séjourne sur le territoire français depuis plus de six ans ; qu'il a épousé, le 14 février 2004, une compatriote qui est née et a toujours vécu en France, qui est titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans et qui a déposé auprès de la préfecture du Rhône, le 15 mai 2006, une demande afin d'obtenir la nationalité française ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2006 par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, par voie de conséquence, de la décision distincte du même jour désignant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. » ;
Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour à M. X et de se prononcer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sur la situation de celui-ci ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon du 18 décembre 2006, ensemble l'arrêté du 29 novembre 2006 du préfet du Rhône ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la reconduite, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sur la situation de celui-ci.
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N° 06LY02565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY02565
Date de la décision : 22/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nicole LORANT
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : SCP ARRUE - BERTHIAUD - DUFLOT - PUTANIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-03-22;06ly02565 ?
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