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06/07/2007 | FRANCE | N°07LY00894

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 06 juillet 2007, 07LY00894


Vu le recours, enregistré le 24 avril 2007 sous le n° 07LY00894 au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811 ;17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de l'article premier du jugement n° 0500072 en date du 19 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. André Y de la pénalité de l'article 1763 A du code général des impôts, d'un montant de 5 076 821 euros, mi

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Vu le recours, enregistré le 24 avril 2007 sous le n° 07LY00894 au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811 ;17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de l'article premier du jugement n° 0500072 en date du 19 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. André Y de la pénalité de l'article 1763 A du code général des impôts, d'un montant de 5 076 821 euros, mise en recouvrement le 30 septembre 2003, qu'il a été mis en demeure d'acquitter solidairement avec la SA France Lames, à la suite des rehaussements de résultats assignés à cette société au titre des années 1999, 2000 et 2001 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le décret du 6 mars 1961 portant délégation de signature, modifié par les décrets des 7 août 1981 et 21 décembre 1988, donnant au directeur général des impôts, en toutes matières entrant dans ses attributions, la délégation permanente de la signature du ministre intéressé pour la présentation des défenses et observations adressées au Conseil d'Etat, aux cours administratives d'appel et aux tribunaux administratifs sur les requêtes introduites contre l'administration ainsi que des recours formés par l'administration devant le Conseil d'Etat et les cours administratives d'appel et l'autorisant à déléguer cette signature à des fonctionnaires de ses services ayant au moins le grade d'administrateur civil de 2ème classe ou un grade équivalent ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2007 :

- le rapport de M. Bernault, président, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Pourny, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité qui s'est déroulée du 27 février au 7 octobre 2002, la SA France Lames dont le président-directeur général était, à l'époque, M. Y, s'est vu infliger des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre des années 1999, 2000 et 2001 et des exercices correspondants, selon notification de redressements du 17 décembre 2002, confirmée le 19 juin 2003 ; qu'entre-temps la liquidation de la société a été prononcée le 14 juin 2002, cette liquidation ayant par la suite été étendue à M. Y par jugement du 14 mai 2004 ; que la société France Lames n'ayant pas, dans sa réponse du 16 janvier 2003 à la notification de redressements, répondu de manière satisfaisante à la demande, fondée sur l'article 117 du code général des impôts, tendant à la désignation des bénéficiaires des distributions correspondant aux suppléments d'impôt sur les sociétés rappelés, une lettre du service des impôts du 19 juin 2003 a notifié à la société l'amende de l'article 1763 A du code général des impôts, pour la somme totale de 5 076 821 euros ; que M. Y, légalement solidaire avec la société France Lames dans le paiement de cette pénalité, et mis en demeure de l'acquitter, a saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une requête tendant à être déchargé, non seulement de cette pénalité, mais du principal des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société au titre des années 1999, 2000 et 2001 et des exercices correspondants, et qu'il avait été personnellement mis en demeure d'acquitter ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, qui a fait appel du jugement du 19 décembre 2006 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a déchargé M. Y de la pénalité de l'article 1763 A, demande qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement ;


Sur l'étendue du litige :

Considérant que compte tenu des termes de son recours, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE doit être regardé comme n'ayant entendu demander le sursis à l'exécution que du seul article 1er du jugement attaqué, par lequel M. Y a été déchargé de la pénalité de l'article 1763 A du code général des impôts mise au nom de la société France Lames ;


Sur la recevabilité du recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Considérant, en premier lieu, que le recours du ministre a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel dans le délai d'appel de deux mois qui commence à courir à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ; que M. Y soutient que les dispositions de cet article sont contraires aux stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement … par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) » ; qu'aux termes de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales : « A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre » ; que, par ailleurs, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : « Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751 ;3 et R. 751-4. / Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue » ;

Considérant qu'il résulte des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'un juste équilibre doit être ménagé entre les parties au procès, de telle sorte que chacune d'entre elles ait une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que si les dispositions précitées de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales ménagent au ministre chargé du budget un délai d'appel qui peut excéder celui dont le contribuable dispose, en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, pour saisir la cour administrative d'appel territorialement compétente d'une requête tendant à l'annulation d'un jugement de tribunal administratif, même lorsque le tribunal en cause a statué sur des pénalités fiscales ayant le caractère d'accusations en matière pénale, le contribuable conserve néanmoins la faculté, y compris lorsque le ministre a saisi la cour après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, outre de présenter des observations en défense, de former un appel incident en vue de contester les pénalités qui étaient en litige devant le tribunal, quand bien même le ministre ne contesterait que les impositions dont ce tribunal aurait déchargé le contribuable ; que par ailleurs, le contribuable est en mesure d'écourter le délai ouvert à l'administration, en application de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales, en signifiant directement au ministre, seul compétent pour faire appel, le jugement dont il a lui-même reçu notification ; que dans ces conditions, les dispositions de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales ne placent pas le contribuable dans une situation de net désavantage par rapport au ministre chargé du budget et laissent à chaque partie une possibilité raisonnable de contester les pénalités fiscales qui, ayant le caractère d'accusations en matière pénale, seraient en litige ; qu'ainsi, les dispositions de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales doivent être regardées comme compatibles avec le principe de l'égalité des armes découlant des stipulations précitées de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l' homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article R. 218 du livre des procédures fiscales n'impose pas que les appels soient signés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE en personne et ne fait pas obstacle à ce que les recours soient signés par des fonctionnaires ayant reçu délégation de ce ministre à cet effet ; que le recours et la demande de sursis à exécution élevés en l'espèce ont été signés au nom du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, compétent pour signer les recours en appel en vertu de l'article R. 811-10 du code de justice administrative, par Mme Patricia Vachet, directrice départementale des impôts, agissant selon une délégation qui lui a été donnée, conformément au décret modifié du 6 mars 1961, par un arrêté du 15 décembre 2006, publié au Journal Officiel du 21 décembre 2006, portant délégation de signature du directeur général des impôts, M. Bruno Parent, lui-même titulaire d'une délégation de signature du ministre conférée par un arrêté ministériel du 29 juin 2005, publié au Journal Officiel du 3 juillet 2005 ;

Considérant, en troisième lieu, que la demande de sursis à exécution et le recours du ministre au fond, auquel était joint une copie, ont été enregistrés au greffe de la Cour à la même date ; qu'il ne saurait donc être reproché à la demande de sursis de n'avoir pas été accompagnée, comme l'exigent les dispositions de l'article R. 811-17-1 du code de justice administrative, d'une copie du recours ;


Sur le bien-fondé de la demande de sursis à exécution :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-16 du code de justice administrative : « Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner (…) qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies » ; et que, selon son article R. 811-17, le sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel peut, à la demande du requérant, être ordonné par la juridiction d'appel « si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction » ;

Considérant, d'une part, qu'en affirmant que les poursuites engagées jusqu'alors n'ont permis de recouvrer que la somme de 683,93 euros, que le dégrèvement de la somme en cause conduirait à la mainlevée des deux hypothèques prises par le trésorier en charge du recouvrement de la pénalité en cause, au remboursement de la somme perçue, soit 683,93 euros, à la réduction de la production du trésorier auprès du représentant des créanciers à la liquidation de la société France-Lames et de M. Y, et à l'annulation du commandement, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE établit de manière suffisamment précise que l'Etat serait exposé à la perte définitive de toute possibilité de recouvrer la somme litigieuse de 5 076 821 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que dans l'hypothèse où le jugement serait exécuté, le trésorier compétent pourrait bénéficier par la suite, au cas où l'appel du ministre serait accueilli et reconnu fondé, d'un relevé de forclusion et pourrait encore produire utilement à la liquidation judiciaire de M. Y ; que les possibilités de recouvrement, même partiel, de la somme en cause risqueraient d'être réduites à néant par l'exécution du jugement dont appel ; qu'ainsi l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner pour l'Etat des conséquences difficilement réparables ; que les moyens tirés par M. Y de ce que le recouvrement immédiat de la pénalité dont il s'agit pourrait aussi entraîner en ce qui le concerne des conséquences graves sont inopérants dans la présente instance ;

Considérant, d'autre part, que le moyen tiré par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE de ce que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la réponse du 19 juin 2003 aux observations formulées par la société le 16 janvier 2003 sur la notification de la pénalité en cause indiquait bien que cette société disposait d'un délai de trente jours pour présenter des observations sur les sanctions fiscales mentionnées par ce document, et de ce qu'ainsi la sanction en cause a bien été régulièrement motivée, paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à entraîner l'annulation du jugement et la remise à la charge de l'intéressé de cette pénalité ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution de l'article 1er du jugement attaqué ;


Sur les conclusions de M. Y tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, l'Etat n'étant pas dans la présente instance la partie perdante, il ne peut être fait droit aux conclusions susanalysées de M. Y ;

DECIDE :


Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel élevé par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE contre le jugement n° 0500072 en date du 19 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. André Y de la pénalité de l'article 1763 A du code général des impôts, d'un montant de 5 076 821 euros, mise en recouvrement le 30 septembre 2003, qu'il a été mis en demeure d'acquitter solidairement avec la SA France Lames, il est sursis à l'exécution dudit jugement.

Article 2 : Les conclusions de M. Y tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 07LY00894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY00894
Date de la décision : 06/07/2007
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : BOCCARA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-07-06;07ly00894 ?
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