La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2008 | FRANCE | N°07LY00581

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 17 avril 2008, 07LY00581


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 14 mars 2007, présentée pour M. Ahmed X, domicilié chez M. Saad Y, ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606027 en date du 14 février 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 14 décembre 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jou

r fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 14 mars 2007, présentée pour M. Ahmed X, domicilié chez M. Saad Y, ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606027 en date du 14 février 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 14 décembre 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2008 :

- le rapport de M. Chabanol, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 23 octobre 2006, de la décision du préfet de l'Isère du 16 octobre 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 14 décembre 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est régulièrement motivé ;

Considérant que par arrêté en date du 6 octobre 2006, régulièrement publié le 20 octobre 2006 au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, le préfet de l'Isère a donné à M. Gilles Prieto, secrétaire général adjoint de la préfecture, délégation pour signer en toutes matières tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses, à l'exception des mesures concernant la défense nationale et celles concernant le maintien de l'ordre, des mesures de réquisition prises en application de la loi du 11 juillet 1938 et des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit, afin d'assurer l'intérim du secrétaire général de la préfecture ; qu'ainsi, la délégation de signature dont justifie M. Prieto lui donnait compétence pour signer, en tant que secrétaire général par intérim, l'arrêté attaqué ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de séjour du 16 octobre 2006 :

Considérant que cette décision est suffisamment motivée en droit et en fait ;

Considérant que cette décision a été signée par M. Gilles Prieto, secrétaire général adjoint, pour le secrétaire général absent, et que l'arrêté en date du 27 septembre 2006, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère le 2 octobre 2006, par lequel le préfet de l'Isère a donné à M. Blais, secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses, à l'exception de certaines matières au nombre desquelles ne figurent pas les décisions de refus de titre de séjour, prévoit, à son article 4, qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. Blais, la délégation qui lui est donnée est exercée par M. Gilles Prieto, sous-préfet, secrétaire général adjoint de la préfecture de l'Isère ; qu'ainsi, et alors que le défaut d'empêchement de M. Blais n'est pas établi, cette délégation de signature donnait compétence à M. Gilles Prieto, pour prendre la décision litigieuse ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : « (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : / (...) 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) » ; qu'aux termes de l'article 7-5, dans sa rédaction alors en vigueur, du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 : « (...), le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. (...) Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur (...) » et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 susvisé : « ( ...) le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; - et la durée prévisible du traitement. Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 16 octobre 2006, par laquelle le préfet de l'Isère a refusé à M. X la délivrance d'un certificat de résidence algérien pour raison de santé a été prise après examen préalable de l'ensemble de la situation personnelle de l'intéressé et avis émis le 6 février 2006 par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, selon lequel l'état de santé de M. X nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressé, lequel devrait pouvoir bénéficier d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine ; que nonobstant l'emploi du conditionnel, cet avis n'est pas entaché d'irrégularité et la circonstance qu'il ne mentionne pas la possibilité ou non pour l'intéressé de voyager sans risque vers l'Algérie est sans incidence sur sa légalité, dès lors que les pièces du dossier ne suscitent pas d'interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage ; que les certificats médicaux produits au dossier ne conduisent pas à remettre en cause l'avis du médecin inspecteur de santé publique ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien, le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. (...) » ;

Considérant que, pour les mêmes motifs énoncés ci-avant dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de délivrance de titre de séjour au regard des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X n'est présent en France que depuis le 29 mars 2004 et que ses attaches familiales se situent en Algérie, où résident notamment son épouse, ses enfants ainsi que ses parents ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision désignant le pays de destination de la reconduite :

Considérant que par arrêté en date du 6 octobre 2006, régulièrement publié le 20 octobre 2006 au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, le préfet de l'Isère a donné à M. Gilles Prieto, secrétaire général adjoint de la préfecture, délégation pour signer en toutes matières tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses, à l'exception des mesures concernant la défense nationale et celles concernant le maintien de l'ordre, des mesures de réquisition prises en application de la loi du 11 juillet 1938 et des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit, afin d'assurer l'intérim du secrétaire général de la préfecture ; qu'ainsi, la délégation de signature dont justifie M. Prieto lui donnait compétence pour signer, en tant que secrétaire général par intérim, l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si M. X soutient avoir été approché, lorsqu'il exerçait des fonctions d'opérateur au sein des services postaux algériens, pour réaliser une fraude bancaire, ses allégations ne permettent pas de tenir pour établis les faits invoqués ni les risques effectivement et personnellement encourus en cas de retour en Algérie ; que le moyen tiré de la violation, par la décision désignant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;


DECIDE :


Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
1

2
N° 07LY00581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 07LY00581
Date de la décision : 17/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Daniel CHABANOL
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : LEVY-SOUSSAN ARNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-04-17;07ly00581 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award