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10/07/2008 | FRANCE | N°06LY02603

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2008, 06LY02603


Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2006, présentée pour Mme Monique X, domiciliée ... ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 051119 en date du 21 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand et de l'Etablissement français du sang à lui verser une indemnité de 111 610 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

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) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser l'indemnité susmention...

Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2006, présentée pour Mme Monique X, domiciliée ... ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 051119 en date du 21 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand et de l'Etablissement français du sang à lui verser une indemnité de 111 610 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser l'indemnité susmentionnée en réparation de son préjudice ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise complémentaire et de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser une indemnité provisionnelle de 10 000 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2008 :

- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;

- les observations de Me Larcher, avocat de l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-1 du code de la santé publique : « La transfusion sanguine s'effectue dans l'intérêt du receveur et relève des principes éthiques du bénévolat et de l'anonymat du don, et de l'absence de profit, dans les conditions définies par le présent livre. » ; qu'aux termes de l'article L. 1221-7 du même code : « Le receveur ne peut connaître l'identité du donneur, ni le donneur celle du receveur. Aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don de son sang et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. Il ne peut être dérogé à ce principe d'anonymat qu'en cas de nécessité thérapeutique. » ; qu'aux termes de l'article L. 1221-1 du même code : « L'Etablissement français du sang est un établissement public de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Cet établissement veille à la satisfaction des besoins en matière de produits sanguins labiles et à l'adaptation de l'activité transfusionnelle aux évolutions médicales, scientifiques et technologiques dans le respect des principes éthiques. Il organise sur l'ensemble du territoire national les activités de collecte du sang, de préparation et de qualification des produits sanguins labiles, ainsi que leur distribution aux établissements de santé. / Il est notamment chargé : / 1°) De gérer le service public transfusionnel et ses activités annexes, dans le respect des conditions de sécurité définies par le présent code ; / 2°) De promouvoir le don du sang, les conditions de sa bonne utilisation et de veiller au strict respect des principes éthiques par l'ensemble de la chaîne transfusionnelle (...) » ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de la santé publique que le principe d'anonymat du don de sang fait obstacle à ce que les enquêtes transfusionnelles ascendantes puissent être discutées de manière contradictoire pour ce qui concerne l'identité des donneurs et leur statut sérologique ; qu'il appartient au seul Etablissement français du sang, auquel le monopole du service public transfusionnel a été ainsi confié, de procéder à de telles enquêtes ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance, que Mme X a été hospitalisée à plusieurs reprises à la Clinique des Grands Prés à Montluçon, entre juin et novembre 1972 ; qu'elle s'est révélée séropositive au virus de l'hépatite C en septembre 1996 ; qu'elle impute cette contamination aux transfusions sanguines dont elle aurait fait l'objet à l'occasion de ses séjours à la clinique ; qu'il résulte de l'instruction que le centre régional de transfusion sanguine de Clermont-Ferrand, qui n'avait pas de personnalité juridique distincte du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand à l'époque des faits, a élaboré et fourni à la clinique, durant les périodes d'hospitalisation susmentionnées, sept culots globulaires destinés à Mme X ;

Considérant que si, à la date de clôture de l'expertise susmentionnée, l'enquête transfusionnelle n'avait pas été menée à son terme, l'Etablissement français du sang a poursuivi cette enquête et produit des résultats définitifs au cours de la procédure suivie devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; qu'il résulte de cette enquête que les sept donneurs à l'origine des concentrés globulaires délivrés au nom de Mme X avaient, postérieurement aux transfusions alléguées, un statut sérologique négatif au virus de l'hépatite C ; qu'ainsi, la transfusion de ces produits à Mme X, si elle a eu lieu, n'a pu, en tout état de cause, être à l'origine de la contamination ; que dans ces conditions l'Etablissement français du sang, qui vient aux droits et obligations du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand à raison de ses activités transfusionnelles passées, apporte la preuve qui lui incombe de l'innocuité de l'ensemble des produits sanguins litigieux ; que, dès lors, le lien de causalité entre les transfusions litigieuses et la contamination dont a été victime la requérante ne peut être regardé comme établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice résultant de sa contamination ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité en première instance, que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur la dévolution des frais d'expertise et a ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel ; que, par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre ces frais à la charge de Mme X ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge de l'Etablissement français du sang, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que Mme X et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de Mme X et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier la somme que l'Etablissement français du sang demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 051119 en date du 21 novembre 2006 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les frais d'expertise.

Article 2 : La requête de Mme X et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de Mme X.

Article 4 : Les conclusions de l'Etablissement français du sang tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 06LY02603


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY02603
Date de la décision : 10/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. QUENCEZ
Rapporteur ?: M. Joël BERTHOUD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : GIRAUD SOPHIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-07-10;06ly02603 ?
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