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14/10/2008 | FRANCE | N°07LY01045

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 14 octobre 2008, 07LY01045


Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2007, présentée pour M. Jérémy X, M. Manuel X, Mme Maria X et M. Michaël X, domiciliés ... ;

Les consorts X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 0600844 du 13 mars 2007 en tant qu'il a limité à 4 000 euros la réparation des préjudices de M. Jérémy X nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, à 2 000 euros chacun la réparation du préjudice moral de M. Manuel X et de Mme Maria X, parents de la victime, et à 1 000 euros la réparation

du préjudice moral de M. Michaël X, frère de la victime ;

2°) à titre principal, ...

Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2007, présentée pour M. Jérémy X, M. Manuel X, Mme Maria X et M. Michaël X, domiciliés ... ;

Les consorts X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 0600844 du 13 mars 2007 en tant qu'il a limité à 4 000 euros la réparation des préjudices de M. Jérémy X nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, à 2 000 euros chacun la réparation du préjudice moral de M. Manuel X et de Mme Maria X, parents de la victime, et à 1 000 euros la réparation du préjudice moral de M. Michaël X, frère de la victime ;

2°) à titre principal, de porter à 76 000 euros le montant de la condamnation de l'Etablissement français du sang destinée à réparer les préjudices de M. Jérémy X, à 5 000 euros chacun le montant de la condamnation destinée à réparer le préjudice personnel de M. Manuel X et de Mme Maria X, à 2 500 euros le montant de la condamnation destinée à réparer le préjudice personnel de M. Michaël X et de mettre à la charge dudit établissement une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3) à titre subsidiaire, d'ordonner un complément d'expertise relatif aux préjudices de la victime et de condamner l'Etablissement français du sang à verser une indemnité provisionnelle de 10 000 euros à M. Jérémy X ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président ;

- les observations de Me Marc Larcher, avocat de l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en référé, que M. Jérémy X a été admis au centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand le 25 juin 1988, jour de sa naissance à la clinique de la Châtaigneraie, où il a fait l'objet, les 25 et 26 juin 1988, de deux transfusions avec des produits sanguins élaborés et fournis par le Centre régional de transfusion sanguine de Clermont-Ferrand, lequel n'avait pas de personnalité juridique distincte du Centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand à l'époque des faits ; que M. Jérémy X s'est révélé séropositif au virus de l'hépatite C en 1999 ; que l'enquête transfusionnelle, menée dans le cadre de l'expertise susmentionnée, a permis de constater que l'un des donneurs à l'origine des produits transfusés était contaminé par le virus de l'hépatite C, de génotype identique à celui qui infecte la victime ; que ce faisceau d'éléments confère un degré suffisamment élevé de vraisemblance à l'hypothèse selon laquelle la contamination de M. Jérémy X aurait pour origine les transfusions incriminées ; que l'Etablissement français du sang n'apporte pas la preuve contraire en se bornant à soutenir qu'il s'est écoulé un délai de 11 années entre les transfusions en cause et la découverte de la contamination et à faire état de la possibilité d'une contamination d'origine nosocomiale, sans produire d'éléments tangibles à l'appui de ses allégations ; que, dès lors, le lien de causalité entre la transfusion et la contamination dont a été victime M. Jérémy X doit être regardé comme établi ; qu'il résulte de ce qui précède que l'Etablissement français du sang, qui est substitué légalement et conventionnellement aux droits et obligations du Centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand à raison de ses activités transfusionnelles passées, n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu sa responsabilité à raison de la contamination de M. Jérémy X par le virus de l'hépatite C et l'a condamné à réparer les conséquences dommageables de cette contamination ;

Sur les droits à réparation de M. Jérémy X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. Jérémy X reste atteint, au jour de l'expertise, d'une hépatite C chronique d'activité minime à l'origine d'une asthénie chronique ; que si le requérant n'a pas fait pour l'instant l'objet d'un traitement antiviral, il a été contraint de subir des biopsies hépatiques et doit s'astreindre à une surveillance médicale régulière tout en demeurant dans l'incertitude quant à l'évolution de son état de santé ; que l'expert a constaté l'absence de consolidation de l'état de santé du requérant tout en évaluant à 2 sur une échelle de 7 les souffrances physiques et morales endurées ; que, dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'ordonner un complément d'expertise, il sera fait une juste appréciation desdites souffrances et des troubles de toute nature subis par la victime dans ses conditions d'existence en évaluant ce préjudice à 15 000 euros ; qu'en revanche, M. X ne peut prétendre à l'indemnisation spéciale qu'il sollicite et qu'il qualifie de « préjudice spécifique de contamination » dès lors que la contamination par le virus de l'hépatite C ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable distinct de celui réparé au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence ; que M. X est, par suite, seulement fondé à demander que l'indemnité de 4 000 euros que l'Etablissement français du sang a été condamné à lui verser par les premiers juges soit portée à 15 000 euros ;

Sur les droits à réparation de M. Manuel X, de Mme Maria X et de M. Michaël X :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. Manuel X et Mme Maria X, du fait de la contamination de leur fils, en leur allouant une somme de 2 000 euros chacun et du préjudice moral de M. Michaël X, frère de la victime, en lui allouant à ce titre une somme de 1 000 euros ; que par suite, ni les consorts X, ni l'Etablissement français du sang ne sont fondés à demander, sur ce point, la réformation du jugement attaqué ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme justifie de frais médicaux qui s'élèvent à la somme de 114,78 euros et dont il résulte de l'instruction qu'ils sont directement imputables à l'affection hépatique de M. Jérémy X ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné l'Etablissement français du sang à lui verser la somme susmentionnée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'Etablissement français du sang n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont mis à sa charge, alors qu'il était la partie tenue aux dépens, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le Centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts X ou de la Caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par l'Etablissement français du sang et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang, sur le fondement de ces dispositions, le versement aux consorts X d'une somme de 1 500 euros ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que l'Etablissement français du sang a été condamné à payer à M. Jérémy X par le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 0600844 du 13 mars 2007 est portée à 15 000 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 13 mars 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etablissement français du sang versera aux consorts X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts X et les conclusions de l'Etablissement français du sang présentées devant la Cour sont rejetés.

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N° 07LY01045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY01045
Date de la décision : 14/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. QUENCEZ
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : GIRAUD SOPHIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-10-14;07ly01045 ?
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