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27/11/2008 | FRANCE | N°05LY01626

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 27 novembre 2008, 05LY01626


Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2005, présentée pour la SOCIETE BUREAU VERITAS venant aux droits de la société CEP ;

La SOCIETE BUREAU VERITAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400747 en date du 7 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lyon l'a condamnée, d'une part, solidairement avec Mme X et M. Y à verser à la région Rhône-Alpes la somme de 401 047,14 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2004, la somme de 19 666,09 euros au titre des dépens de l'instance, et, d'autre part, à verse

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Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2005, présentée pour la SOCIETE BUREAU VERITAS venant aux droits de la société CEP ;

La SOCIETE BUREAU VERITAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400747 en date du 7 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lyon l'a condamnée, d'une part, solidairement avec Mme X et M. Y à verser à la région Rhône-Alpes la somme de 401 047,14 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2004, la somme de 19 666,09 euros au titre des dépens de l'instance, et, d'autre part, à verser à la région Rhône-Alpes la somme de 650 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à verser au BET Nicolas la somme de 650 euros au titre des mêmes dispositions ;

2°) à titre principal, de rejeter les conclusions de la région Rhône-Alpes dirigées contre elle et tout appel en garantie qui serait dirigé contre elle ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum Mme X et M. Y à la garantir des condamnations prononcées contre elle ;

4°) de condamner la région Rhône-Alpes aux dépens et à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2008 :

- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur ;

- les observations de Me Duttlinger pour la SOCIETE BUREAU VERITAS, de Me Louis pour la région Rhône-Alpes, de Me Danchaud pour Mme X et M. Y, et de Me Sebag pour le BET NICOLAS ;

- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par convention signée le 1er février 1989, la région Rhône-Alpes a confié à la Communauté urbaine de Lyon (COURLY) un mandat de maîtrise d'ouvrage pour la construction du lycée international de Lyon, dans le quartier de Gerland ; que l'équipe de maîtrise d'oeuvre était composée des architectes X et Y, du BET structure Agibat, du BET thermique OCGR, qui a été remplacé par le BET Nicolas, par avenant signé le 6 juin 1991, et de la société E2CA, économiste ; que le lot de construction n° 7 relatif aux façades et verrières a été confié à la société Stam Sud Est, puis à la société Auger après que la société Stam Sud Est a été placée en redressement puis en liquidation judiciaire ; que la société CEP était chargée du contrôle de l'ouvrage durant les opérations ; que la réception définitive des travaux du lot n° 7 a été prononcée avec effet au 6 septembre 1993 ; qu'un élément de la verrière qui couvre le centre de la cité scolaire internationale est tombé entre le 30 juillet et le 1er août 1994, que quatre autres éléments se sont également brisés en septembre 1994, septembre 1996, juillet 2000 et juillet 2002 ; que la région Rhône-Alpes a demandé au Tribunal administratif de Lyon à être indemnisée en raison desdits désordres ; que la SOCIETE BUREAU VERITAS fait appel du jugement en date du 7 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lyon l'a condamnée, d'une part, solidairement avec Mme X et M. Y à verser à la région Rhône-Alpes la somme de 401 047,14 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2004, la somme de 19 666,09 euros au titre des dépens de l'instance, et, d'autre part, à verser à la région Rhône-Alpes la somme de 650 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à verser au BET Nicolas la somme de 650 euros au titre des mêmes dispositions tandis que la région Rhône-Alpes conclut au rejet de la requête et demande à la Cour, par la voie de l'appel incident à l'encontre de la SOCIETE BUREAU VERITAS et de l'appel provoqué à l'encontre de Mme X et de M. Y, de majorer le montant de la condamnation prononcée de la somme de 236 954 euros toutes taxes comprises correspondant à la différence de coût entre la solution n° 1 retenue par les premiers juges et la solution n° 2 envisagée par l'expert, de condamner solidairement les architectes X et Y et la SOCIETE BUREAU VERITAS à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de son trouble de jouissance ; que Mme Hélène X et M. Gilles Y concluent à titre principal au rejet de la requête et de l'appel provoqué de la région Rhône-Alpes, à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement attaqué, à titre encore plus subsidiaire à la réformation du jugement par la réduction du préjudice indemnisable à la somme de 1 280 euros et à la condamnation de la SOCIETE BUREAU VERITAS à leur verser la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le Bureau d'Etudes Techniques Nicolas (BET Nicolas) conclut, à titre principal, au rejet de la requête et demande à la Cour de condamner la SOCIETE BUREAU VERITAS à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens, à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum de la société Stam Sud Est, de la société Auger, de Mme X, de M. Y, de la SOCIETE BUREAU VERITAS à le garantir de toutes condamnations et demande à la Cour de condamner in solidum la SOCIETE BUREAU VERITAS et tous succombants aux entiers dépens et à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les quatre premiers éléments de la verrière surplombant la rue centrale intérieure de la cité scolaire internationale qui sont tombés étaient des éléments triangulaires situés en bordure de la verrière, seul le cinquième élément étant situé dans la partie centrale de la verrière surplombant la cité scolaire ;

Considérant, en premier lieu, que la chute de ces éléments, depuis une hauteur supérieure à neuf mètres est de nature à mettre en danger les élèves et personnels fréquentant le lycée et, de ce fait, à rendre l'ouvrage impropre à sa destination même si seuls 5 des 312 éléments en verre se seraient ainsi détachés ; que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont estimé que ces désordres étaient de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil alors même que l'ouvrage était parfaitement conforme aux normes en vigueur à l'époque du chantier ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'une partie des désordres est imputable à l'absence de cornière de protection en aluminium le long de la bordure de la verrière qui a été à l'origine de chocs sur les éléments verriers et les ont fragilisés ; que si la cause de la chute d'un des cinq éléments n'a pu être déterminée avec précision, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité décennale des constructeurs soit retenue dès lors que ce désordre se rattache à l'objet d'un des marchés dont ils sont titulaires et qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette chute serait due à un cas de force majeure ou à une faute du maître de l'ouvrage ;

Considérant, en troisième lieu, que cette absence de cornière de protection résulte d'un vice affectant la conception de la verrière et de la toiture supportant un complexe végétal sans une protection des vitrages vis-à-vis des nécessaires coupes de la végétation ; que la dangerosité de l'ouvrage trouve également son origine dans la réalisation de la verrière en verre trempé et non feuilleté sans que ne soit prévu de dispositif de sécurité en cas de chute ;

Considérant en quatrième lieu que la responsabilité du contrôleur technique est engagée sur le même fondement que celle des autres constructeurs, et aux mêmes conditions, conformément à l'article L. 111-24 du code de la construction ; qu'aux termes de l'article L. 111-23 du même code : « Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes » ; que selon l'article R. 111-39 du même code, également visé par le contrat : « ... A la demande du maître de l'ouvrage ou de son mandataire, le contrôle technique peut, en outre, porter sur tous autres éléments de la construction dont la réalisation est susceptible de présenter des aléas techniques particuliers contre lesquels le maître de l'ouvrage estime utile de se prémunir » ; que selon l'article R. 111-40 du même code : « Au cours de la phase de conception, le contrôleur technique procède à l'examen critique de l'ensemble des dispositions techniques du projet. Pendant la période d'exécution des travaux, il s'assure notamment que les vérifications techniques qui incombent à chacun des constructeurs ... s'effectuent de manière satisfaisante » ; que l'article 3 du CCAP applicable au marché de contrôle de la société CEP stipule que « Les interventions du contrôleur technique porteront sur : - l'analyse des prestations remises par les maîtres d'oeuvre concourant pour la réalisation de la cité scolaire internationale en ce qui concerne uniquement la sécurité des personnes, - ... la sécurité des personnes telles qu'elles sont définies en annexe du présent CCAP » ; que s'agissant des ouvrages soumis au contrôle technique, il est prévu que ce contrôle porte sur « les ouvrages de clos et de couvert fixes ou mobiles qui offrent une protection au moins partielle contre les agressions des éléments naturels extérieurs » ; qu'il appartenait donc à la société CEP aux droits de laquelle vient la SOCIETE BUREAU VERITAS de s'assurer que la verrière présentait toutes les garanties de sécurité ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la région ait commis des fautes lors des travaux d'entretien de la pelouse située sur le toit de la cité internationale, les services techniques de la région ayant utilisé un appareil de tonte léger avec fil plastique suite au premier bris afin d'éviter tout choc avec le vitrage ;

Considérant, en sixième lieu, que dès lors que les désordres lui sont imputables le contrôleur technique ne peut s'exonérer de la responsabilité qui lui incombe à l'égard du maître d'ouvrage en invoquant le fait des autres constructeurs ou du fabricant des matériaux ;

Considérant, en septième lieu, que devant le tribunal administratif la SOCIETE BUREAU VERITAS n'a pas indiqué le fondement des appels en garantie qu'elle formait à l'encontre des autres constructeurs ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté de telles conclusions comme non motivées ; que si, en appel, elle précise qu'elle entend demander à la Cour de consacrer le principe de la responsabilité de la SA Stam Sud Est et de la SA Auger, et de condamner in solidum sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle Mme X et M. Y à la relever et la garantir intégralement, de telles demandes constituent des demandes nouvelles en appel et doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que pour déterminer le montant de l'indemnité destinée à réparer les désordres les premiers juges ont retenu la première solution envisagée par l'expert consistant dans la pose d'une cornière aluminium et d'un film de sécurité d'un montant de 380 481 euros toutes taxes comprises alors que la région avait demandé la somme de 617 435 euros toutes taxes comprises afin de pouvoir procéder au remplacement de l'ensemble des vitrages en verre trempé par des vitrages en verre feuilleté trempé comme l'avait envisagé l'expert dans la deuxième solution qu'il proposait ; que les désordres étant constitués par des risques et atteintes à la sécurité des personnes, ainsi que le souligne la région, la solution retenue par les premiers juges constitue bien une réparation intégrale des conséquences des désordres dont la responsabilité incombe aux constructeurs alors même que le film 3 M proposé n'est garanti que pendant dix ans et devra ensuite être changé aux frais du maître de l'ouvrage et que son entretien nécessite l'emploi d'une solution de nettoyage appliquée avec des chiffons doux rendue plus difficile par la hauteur de l'ouvrage ;

Considérant, en second lieu, que les locaux de la cité scolaire internationale, qui abritent des classes primaires, des classes de collège et de lycée relevant en principe de collectivités territoriales différentes, sont mis à disposition du service public de l'éducation assuré par l'Etat et les établissements publics d'enseignement ; que, dans ces conditions, en dépit du fait que la pose d'un filet de protection particulièrement inesthétique selon le rapport d'expertise a considérablement assombri la rue centrale, qui avait pourtant été conçue comme un espace de vie, et porterait atteinte à l'image du maître de l'ouvrage qui avait souhaité que l'architecture de la cité scolaire internationale épouse le caractère novateur du projet pédagogique de l'établissement, et que les désordres ont mobilisé les services administratifs et techniques du lycée, la région n'établit pas plus qu'en première instance, l'existence d'un trouble de jouissance qui lui est propre ; qu'au surplus, rien n'imposait à la région de laisser perdurer une situation provisoire pendant treize ans alors qu'elle n'allègue pas avoir été dans l'impossibilité technique ou financière de réaliser les travaux après le dépôt du rapport d'expertise ;

Considérant que contrairement à ce que soutient la SOCIETE BUREAU VERITAS, la pose d'une cornière en aluminium n'a eu pour objet que de remplir le rôle de protection de la verrière et de sécurité des personnes circulant en dessous de cette verrière auquel l'ouvrage était conventionnellement destiné et n'apporte donc aucune plus-value à l'ouvrage dont bénéficierait la région par rapport aux prévisions du marché conclu pour un prix global et forfaitaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, la SOCIETE BUREAU VERITAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon l'a condamnée, solidairement avec Mme X et M. Y, à verser à la région Rhône-Alpes la somme de 401 047,14 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2004, et la somme de 19 666,09 euros au titre des dépens de l'instance ; que, d'autre part, la région Rhône-Alpes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qu'elle indique, la SOCIETE BUREAU VERITAS a formé devant le tribunal administratif des conclusions d'appel en garantie à l'encontre du BET Nicolas ; que le tribunal administratif a rejeté cet appel en garantie ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont regardée comme partie perdante à l'égard du BET Nicolas et ont mis à sa charge une somme de 650 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors qu'aucune raison économique ou d'équité ne s'opposait à cette condamnation ;

Considérant, en second lieu, que d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la région Rhône-Alpes soit condamnée à verser une somme quelconque à la SOCIETE BUREAU VERITAS au titre des frais non compris dans les dépens ; que, d'autre part, en application des mêmes dispositions, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SOCIETE BUREAU VERITAS, partie perdante, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la région Rhône-Alpes, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme X et M. Y et une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le BET Nicolas ; qu'enfin, en application des mêmes dispositions, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Rhône-Alpes les frais exposés par les autres parties et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE BUREAU VERITAS est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE BUREAU VERITAS versera une somme de 2 000 euros à la région Rhône-Alpes, une somme de 2 000 euros à Mme X et M. Y et une somme de 2 000 euros au BET Nicolas en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 05LY01626


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05LY01626
Date de la décision : 27/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESLE
Avocat(s) : SCP DUTTLINGER FAIVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-11-27;05ly01626 ?
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