La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2009 | FRANCE | N°07LY02102

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 08 décembre 2009, 07LY02102


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 septembre 2007 et 31 octobre 2007, présentés pour Mme Elise A, domiciliée ...;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304571 du 6 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 28 février 2003 par laquelle le directeur du management et des compétences du système d'information réseaux et services de France Télécom l'a suspendue, à titre conservatoire, de ses fonctions pour une durée d'un m

ois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 septembre 2007 et 31 octobre 2007, présentés pour Mme Elise A, domiciliée ...;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304571 du 6 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 28 février 2003 par laquelle le directeur du management et des compétences du système d'information réseaux et services de France Télécom l'a suspendue, à titre conservatoire, de ses fonctions pour une durée d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de la société France Télécom une somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est insuffisamment motivé ; que la décision en litige a été prise par une autorité qui ne justifie pas d'une délégation régulièrement publiée ; que les faits reprochés ne présentaient pas un degré suffisant de gravité pour permettre sa suspension, et ne nécessitaient pas son éloignement du service ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la mise en demeure adressée le 4 octobre 2007 à la SCP Vier Barthelemy et Matuchansky, en application de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 avril 2008, présenté par Mme A qui demande à la Cour de surseoir à statuer ;

Vu la mise en demeure adressée le 28 avril 2008 au cabinet Isee avocats, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2008, présenté pour la société France Télécom qui conclut au rejet de la requête et demande la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la société soutient que le jugement est suffisamment motivé dès lors que le Tribunal a répondu à l'ensemble des moyens, et ne doit soulever un moyen d'ordre public que si celui-ci ressort des pièces du dossier ; qu'en sa qualité de personne de droit privé, elle n'est pas soumise aux règles de publication des délégations de signature applicables aux personnes publiques ; que les délégations ont été largement diffusées dans les services ; que les faits qui se sont produits le 21 février 2003 présentaient un degré de vraisemblance et de gravité suffisant pour justifier, dans l'intérêt du service, la suspension de l'agent ; que l'illégalité de la sanction est sans influence sur la légalité de la suspension ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 décembre 2008, présenté par Mme A qui persiste dans ses conclusions et moyens ; elle demande, en outre, la condamnation de la société France Télécom à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'annulation de la décision implicite par laquelle France Télécom a rejeté son recours gracieux, et à ce qu'il soit fait injonction à France Télécom de procéder à la reconstitution de ses droits à carrière, traitement, retraite et promotion, et de supprimer toute mention de sa suspension dans son dossier ou tout autre document ;

Elle soutient que le Tribunal n'a pas respecté le principe du contradictoire et a insuffisamment motivé son jugement en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que les attestations produites par France Télécom ne peuvent être prises en compte dès lors qu'elles ne sont pas établies conformément aux prescriptions du code de procédure civile ; que la procédure disciplinaire est entachée d'irrégularités ; que la personne à qui, selon France Télécom, elle aurait adressé des propos violents et agressifs est sa collègue et non sa supérieure hiérarchique ; que les faits reprochés n'étaient ni vraisemblables, ni suffisamment graves pour justifier sa suspension ; que la suspension est entachée de détournement de pouvoir ; que le Tribunal lui a alloué une indemnité d'un montant insuffisant et non motivé ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2009, présenté pour la société France Télécom qui persiste dans ses conclusions et moyens ; la société soutient en outre que le Tribunal n'a pas méconnu le principe d'impartialité et le caractère contradictoire de la procédure ; que les moyens tirés du caractère irrégulier de la procédure disciplinaire sont inopérants ; que la demande d'annulation de retrait de la décision du 28 février 2003, nouvelle en appel, est irrecevable ; que le juge peut tenir compte de toute attestation, même non rédigée dans les formes prévues par le code de procédure civile ; que les témoignages produits sont probants ; que le préjudice de la requérante n'a pas été inexactement évalué par le Tribunal ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 mars 2009, présenté par Mme A qui persiste dans ses conclusions et moyens ;

Vu l'avis, adressé aux parties le 9 octobre 2009, et les informant, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 octobre 2009, présenté pour France Télécom qui persiste dans ses conclusions et moyens ; la société soutient, en outre, que les conclusions indemnitaires présentées par la requérante sont irrecevables ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 novembre 2009, présenté par Mme A qui persiste dans ses conclusions et moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2009, présenté par Mme A, en réponse à l'avis donné aux parties ; elle déclare renoncer à ses conclusions indemnitaires, si son avocat ne les a pas présentées ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 décembre 2009, présentée par Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2009 :

- le rapport de M. Givord, président-assesseur ;

- les observations de Mme A, de Me Delay, représentant France Télécom,

- et les conclusions de Mme Humbert-Bouvier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que Mme A demande à la Cour d'annuler le jugement du 6 juillet 2007 en tant que par ce jugement le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 février 2003 par laquelle le directeur du management et des compétences du système d'information réseaux et services de France Télécom l'a suspendue de ses fonctions pour une durée d'un mois, et a condamné la société France Télécom à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité des décisions du 24 mars 2003 prolongeant sa suspension de fonction, et celle du 29 juillet 2003 lui infligeant une sanction disciplinaire ;

Sur les conclusions tendant au versement d'une indemnité de 15 000 euros :

Considérant que le jugement attaqué a été notifié à Mme A, le 17 juillet 2007 ; que les conclusions susmentionnées ont été enregistrées au greffe de la Cour le 23 décembre 2008, soit au-delà du délai d'appel fixé à deux mois par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; que dès lors, elles sont tardives et par suite irrecevables, et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la mesure de suspension de fonctions :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

Considérant en premier lieu, que si la requérante soutient que le Tribunal administratif aurait méconnu le principe du contradictoire, elle ne fait état d'aucun mémoire ou d'aucune pièce qui aurait été produite par la société défenderesse et qui ne lui aurait pas été communiquée ;

Considérant en deuxième lieu, qu'il appartient au juge d'apprécier la valeur probante des pièces produites devant lui ; que dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient manqué au devoir d'impartialité du seul fait qu'ils ont estimé établis les faits reprochés à l'intéressée au vu de divers témoignages contestés par celle-ci ;

Considérant en troisième lieu, qu'il résulte des écritures de la requérante devant le Tribunal administratif de Grenoble que si celle-ci a soutenu que la décision attaquée avait été prise par une autorité incompétente en l'absence de délégation de pouvoir du président du conseil d'administration de France Télécom au directeur de la division systèmes d'information, et de l'absence d'une délégation de signature de ce dernier au directeur du management et des compétences du système d'information réseaux et services, elle n'a pas présenté un moyen tiré du défaut de publicité de ces délégations ; qu'ainsi, et alors, en tout état de cause, que l'absence de publicité ne ressortait pas des pièces du dossier, le Tribunal n'a pas omis de statuer sur un moyen présenté par la requérante ou qui aurait présenté le caractère d'un moyen d'ordre public ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier ;

En ce qui concerne la légalité de la mesure de suspension :

Considérant que la société France Télécom est un organisme de droit privé ; que ni les dispositions applicables aux sociétés commerciales, ni aucun principe ne subordonne l'entrée en vigueur d'une délégation de compétence ou de signature d'un dirigeant de la société à l'un de ses agents, à l'accomplissement d'une mesure de publicité ; que dès lors, le moyen tiré du défaut de publication de la délégation de pouvoir donnée, le 17 décembre 2002, au directeur de la division systèmes d'information, et de la délégation de signature donnée, le 2 janvier 2003, par ce directeur au signataire de la décision attaquée, est dénué des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant que l'irrégularité alléguée de la procédure disciplinaire, engagée postérieurement à la décision de suspension attaquée, est sans influence sur la légalité de celle-ci ;

Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois (...) ;

Considérant que la mesure provisoire de suspension prévue par ces dispositions législatives ne présente pas, par elle-même, un caractère disciplinaire ; qu'elle est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation ; qu'elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave ;

Considérant qu'il est reproché à Mme A, d'avoir, après avoir pris connaissance du compte-rendu de son entretien de progrès , crié des propos injurieux et violents envers sa supérieure hiérarchique, en présence de la secrétaire de celle-ci et d'une responsable de la direction du management et des compétences, et d'avoir pris à partie cette dernière en mettant en cause sa compétence ;

Considérant qu'eu égard aux relations concordantes des faits adressées à la direction du management, et à la nature des propos mettant gravement en cause l'autorité hiérarchique, les faits reprochés présentaient un caractère de vraisemblance et de gravité de nature à justifier légalement la mesure de suspension attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 février 2003 la suspendant de ses fonctions, et du rejet de son recours gracieux ;

Sur les conclusions tendant au prononcé d'une injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que dès lors les conclusions susmentionnées doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme A la somme que la société France Télécom demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par Mme A soient mises à la charge de France Télécom, qui n'est pas la partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société France Télécom tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Elise A, à la société France Télécom et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2009, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Givord, président-assesseur,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2009.

''

''

''

''

1

2

N° 07LY02102

mt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY02102
Date de la décision : 08/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Pierre Yves GIVORD
Rapporteur public ?: Mme HUMBERT-BOUVIER
Avocat(s) : VIER BARTHELEMY et MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-08;07ly02102 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award