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10/12/2009 | FRANCE | N°07LY00869

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2009, 07LY00869


Vu la requête enregistrée le 23 avril 2007, présentée pour la VILLE DE LYON ;

La VILLE DE LYON demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302002 du 18 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, en premier lieu, a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent sa demande de condamnation de la compagnie AGF Courtage à lui verser en qualité d'assureur dommages-ouvrage la somme de 76 000 euros TTC en indemnisation des désordres affectant le système de ventilation et de désenfumage de l'escalier F de l'Opéra de Lyon, en deuxième

lieu, a rejeté sa demande de condamnation solidaire de la Sarl Etudes et Des...

Vu la requête enregistrée le 23 avril 2007, présentée pour la VILLE DE LYON ;

La VILLE DE LYON demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302002 du 18 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, en premier lieu, a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent sa demande de condamnation de la compagnie AGF Courtage à lui verser en qualité d'assureur dommages-ouvrage la somme de 76 000 euros TTC en indemnisation des désordres affectant le système de ventilation et de désenfumage de l'escalier F de l'Opéra de Lyon, en deuxième lieu, a rejeté sa demande de condamnation solidaire de la Sarl Etudes et Design d'Architecture (EDA) succédant à la société Jean Nouvel et Associés (JNA), du BET SETEC Foulquier, de la société SOCOTEC, de la société Entreprise Industrielle, de la société Gentilini et Berthon, de l'entreprise Jacques, de la société Installation Thermique Lyonnaise (ITL) et du GIE CETEN Apave sur le fondement de la garantie décennale de ces constructeurs, à lui verser la somme de 76 000 euros TTC en indemnisation du désordre affectant le système de ventilation et de désenfumage de l'escalier F, en troisième lieu, a rejeté sa demande tendant après une nouvelle expertise, d'une part, à la condamnation de la compagnie AGF Courtage et, d'autre part, à la condamnation solidaire des constructeurs précédemment désignés, à l'indemniser des frais de mise en conformité du réseau de désenfumage de l'opéra, à l'exclusion de celui de l'escalier F, en quatrième lieu et subsidiairement, a rejeté sa demande de condamnation solidaire des mêmes constructeurs à l'indemniser de ces deux chefs de préjudices sur le fondement de la responsabilité contractuelle et notamment du manquement à l'obligation de conseil dû au maître de l'ouvrage ;

2°) de condamner, en premier lieu, d'une part, la compagnie AGF Courtage, assureur dommages-ouvrage, d'autre part, solidairement la SARL EDA, le BET SETEC Bâtiment succédant au BET SETEC Foulquier, la société SOCOTEC, la société Entreprise Industrielle, la société Gentilini et Berthon, l'entreprise Jacques, la société ITL et le GIE CETEN Apave, sur le fondement de la garantie décennale ou de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 76 000 euros TTC en indemnisation du désordre affectant le système de ventilation et de désenfumage de l'escalier F, en second lieu, d'une part, la compagnie AGF Courtage, d'autre part, solidairement la SARL EDA, le BET SETEC Bâtiment, la société SOCOTEC, la société Entreprise Industrielle, la société Gentilini et Berthon, l'entreprise Jacques, la société ITL et le GIE CETEN Apave, après une nouvelle expertise, à l'indemniser des frais de mise en conformité du réseau de désenfumage de l'opéra, à l'exclusion de celui de l'escalier F ;

3°) de condamner solidairement la SARL EDA, le BET SETEC Bâtiment, la société SOCOTEC, la société Entreprise Industrielle, la société Gentilini et Berthon, l'entreprise Jacques, la société ITL et le GIE CETEN Apave aux dépens et à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La VILLE DE LYON soutient que le Tribunal a irrégulièrement rejeté comme présentée devant un ordre de juridiction incompétent la demande dirigée contre la compagnie AGF Courtage ; que l'absence de mise en concurrence préalable à la passation du contrat d'assurance dommages-ouvrage ne saurait faire présumer le régime applicable ; que la directive communautaire du 18 juin 1992 assujettit les marchés d'assurance aux marchés publics de services ; que, par suite, de tels contrats relèvent, en droit interne, de la compétence de la juridiction administrative ; que, sur le fond du litige, elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour pour l'appréciation de la régularité de l'expertise du système de ventilation et de désenfumage de l'escalier F ; que les irrégularités relevées par le Tribunal ne font pas obstacle à l'utilisation des informations non utilement contestées, collectées au cours de cette mesure d'instruction, sans préjudice d'une nouvelle expertise ; que l'ouvrage est rendu impropre à sa destination dès lors que l'insuffisante capacité d'extraction du système de désenfumage ne répond pas aux minima réglementaires permettant l'ouverture des établissements recevant du public et des immeubles de grande hauteur ; que si la cause du désordre existait à la réception, sa manifestation n'était pas apparente ; qu'à cette date, ses conséquences ne pouvaient être appréciées dans toute leur étendue ; que la présence de gravats et les fissures des gaines ne pouvaient être décelées ; que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, les rapports rédigés en mars et avril 1993 par le contrôleur technique préalablement à la réception ne préconisent pas d'essais complémentaires et se bornent à constater l'inachèvement de l'ouvrage tout en présumant de la conformité des performances de l'installation aux exigences contractuelles ; que le maître de l'ouvrage n'a, en conséquence, pas été alerté sur la nécessité de vérifications plus approfondies ; que les désordres n'étant pas apparents à la réception entrent dans le champ de la garantie décennale couverts par la police d'assurance de dommages-ouvrage souscrite auprès de la compagnie AGF Courtage ; qu'ils sont imputables aux cotraitants titulaires du marché du lot A.2.1, au groupement de maîtrise d'oeuvre investi d'une mission de surveillance des travaux et d'assistance à la réception et au contrôleur technique chargé de vérifier le respect des normes de sécurité des personnes et de fonctionnement de l'installation ; que, subsidiairement, la réception sans réserves de la partie d'ouvrage affectée d'un désordre apparent révèlerait un manquement des locateurs à leur devoir de conseil justifiant l'engagement de leur responsabilité contractuelle ; que le chiffrage du préjudice reste à parfaire en fonction de l'expertise demandée avant dire-droit sur la totalité des escaliers ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 28 septembre 2007, présenté pour le GIE CETEN Apave dont le siège est 191 rue de Vaugirard à Paris (75015) ;

Le GIE CETEN Apave conclut au rejet de la requête et demande la condamnation de la VILLE DE LYON à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le GIE CETEN Apave soutient que l'ordonnance du 19 juin 2007 par laquelle le président de la Cour a désigné un expert pour recueillir les éléments de fait relatifs aux désordres allégués sur les escaliers F, G et H prive d'objet la demande d'organisation d'une expertise relative aux autres secteurs que l'escalier F ; que la violation du principe du contradictoire fait obstacle à ce que les résultats de l'expertise de première instance soient utilisés ; que la convention de contrôle technique ne constituant pas un contrat de louage d'ouvrage, le régime de la garantie décennale ne s'applique pas ; qu'en tout état de cause, les désordres ne peuvent être imputés au contrôleur technique qui a suspendu son avis préalable à la réception jusqu'à la communication du résultat d'essais définitifs sur le désenfumage des escaliers soumis à la réglementation sur les immeubles de grande hauteur ; que, par le même motif, le maître de l'ouvrage était à même d'appréhender l'étendue du désordre dès la réception ; que, malgré cela, il n'a émis aucune réserve sur le fonctionnement du système de désenfumage ;

Vu le mémoire enregistré le 13 novembre 2007, présenté pour la société SOCOTEC dont le siège social est Les Quadrants 3 avenue du Centre, Guyancourt, à Saint Quentin-en-Yvelines (78182) ;

La société SOCOTEC conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) subsidiairement, de condamner solidairement la société JNA, le BET SETEC Foulquier, la société Entreprise Industrielle, la société Gentilini et Berthon, l'entreprise Jacques et la société ITL à la garantir de l'intégralité de la condamnation qui serait prononcée contre elle ;

2°) de condamner la VILLE DE LYON ou qui mieux le devra à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société SOCOTEC soutient que la requête, enregistrée après l'écoulement du délai d'appel décompté depuis l'accusé de réception produit par la VILLE DE LYON, est irrecevable ; subsidiairement, que la convention de contrôle technique ne constituant pas un contrat de louage d'ouvrage, le régime de la garantie décennale ne s'applique pas ; qu'en tout état de cause, les désordres ne peuvent lui être imputés dès lors qu'au sein du groupement conjoint de contrôle technique, elle n'était chargée que d'une mission sur la solidité et l'isolation phonique des ouvrages, étrangère au présent litige ; qu'en outre, le GIE CETEN Apave ayant suspendu son avis préalable à la réception jusqu'à la communication du résultat d'essais définitifs sur les performances du dispositif du désenfumage, le maître de l'ouvrage était averti des risques qu'il prenait en prononçant une réception sans réserves ; que les constructeurs responsables de la conception et de la réalisation de l'équipement défectueux doivent la garantir de toute condamnation ;

Vu le mémoire enregistré le 13 novembre 2007, présenté pour la société Entreprise Industrielle dont le siège est 29 rue de Rome à Paris ;

La société Entreprise Industrielle conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) subsidiairement, de condamner la société EDA, le BET SETEC Bâtiment, l'entreprise Jacques, la société ITL, la société Gentilini et Berthon, le GIE CETEN Apave, la société SOCOTEC et la société HGM à la garantir de l'intégralité de la condamnation qui serait prononcée contre elle ;

2°) de condamner la VILLE DE LYON ou qui mieux le devra à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Entreprise Industrielle soutient que la violation du principe du contradictoire fait obstacle à ce que les résultats de l'expertise de première instance soient utilisés ; que le contrôleur technique ayant suspendu son avis préalable à la réception jusqu'à la communication du résultat d'essais définitifs sur les performances du dispositif du désenfumage, le maître de l'ouvrage était averti des risques qu'il prenait en prononçant une réception sans réserves ; que les désordres litigieux étaient, en conséquence, apparents dans toute leur étendue à la réception ce qui fait obstacle à la mise en jeu de la garantie décennale ; subsidiairement, que le lien de causalité entre l'insuffisance de débit et l'état de la gaine n'est pas établi ; qu'elle-même n'ayant pas réalisé les gaines défectueuses, le désordre ne lui est, en tout état de cause, pas imputable ; que la réalité du désordre n'est pas davantage établie dès lors que les mesures fournies par la VILLE DE LYON n'ont pas été effectuées contradictoirement, sur une section que l'organisme de contrôle missionné en 2000 n'avait pas identifiée comme défectueuse ; que l'invocation du manquement au devoir de conseil est dépourvue de justification ; que les constructeurs responsables de la conception, de la réalisation et du contrôle technique de l'équipement défectueux doivent la garantir de toute condamnation ; que l'ordonnance du 19 juin 2007 par laquelle le président de la Cour a désigné un expert pour recueillir les éléments de fait relatifs aux désordres allégués sur les escaliers F, G et H, en ce qu'elle a rendu possible la modification de l'état de l'ouvrage, ne permet plus l'organisation d'une expertise sur les désordres litigieux ; qu'il n'appartenait pas à l'expert désigné en première instance de répartir les frais de remise en état entre les défendeurs ;

Vu le mémoire enregistré le 3 décembre 2007, présenté pour la société SETEC Bâtiment dont le siège est Tour Gamma D 58, quai de la Rapée à Paris (75012) ;

La société SETEC Bâtiment conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) subsidiairement, de condamner la société JNA, la société Entreprise Industrielle, l'entreprise Jacques, la société ITL, la société Gentilini et Berthon, le GIE CETEN Apave, la société SOCOTEC et la société HGM à la garantir de l'intégralité de la condamnation qui serait prononcée contre elle ;

2°) de condamner la VILLE DE LYON à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 276-1 du code de justice administrative et la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du même code ;

La société SETEC Bâtiment soutient que son marché d'études ayant été résilié, le désordre ne lui est pas imputable ; qu'en tout état de cause, le contrôleur technique ayant suspendu son avis préalable à la réception jusqu'à la communication du résultat d'essais définitifs sur les performances du dispositif du désenfumage, le maître de l'ouvrage était averti des risques qu'il prenait en prononçant une réception sans réserves ; que les désordres litigieux étaient, en conséquence, apparents dans toute leur étendue à la réception ce qui fait obstacle à la mise en jeu de la garantie décennale ; que la réalité du désordre n'est pas davantage établie dès lors que les réglages des ventilateurs n'ont pas été effectués ; que le chiffrage du préjudice ne repose sur aucun élément vérifiable ; que les constructeurs responsables de la conception, de la réalisation et du contrôle technique de l'équipement défectueux doivent la garantir de toute condamnation ; que le temps et les moyens consacrés à ce litige justifie la condamnation de la requérante à un dédommagement de 6 000 euros ;

Vu le mémoire enregistré le 27 juin 2008 par lequel la VILLE DE LYON, persistant dans les conclusions de sa requête, communique l'identité du mandataire judiciaire représentant la société EDA et produit l'expertise déposée le 17 septembre 2007 par M. Gondard, expert judiciaire, et le constat d'huissier des 9 et 11 juillet 2007 ;

Vu le mémoire enregistré le 11 août 2008, présenté pour l'entreprise Installation Thermique Lyonnaise (ITL) dont le siège est 44 avenue Chanoine Cartellier à Saint Genis-Laval (69230), pour la société Gentilini et Berthon élisant domicile chez Me Sapin, 174 rue de Créqui à Lyon (69422 cedex 03) et pour la société Jacques dont le siège est 30 rue Saint-Simon, BP 9004, à Lyon (69265 cedex 09) ;

L'entreprise ITL, la société Gentilini et Berthon et la société Jacques concluent au rejet de la requête ainsi que des appels en garantie dirigés contre elles, et demandent à la Cour :

1°) subsidiairement, d'une part, de condamner la société EDA, le BET SETEC Bâtiment, le GIE CETEN Apave, la société SOCOTEC, la société HGM et la société Entreprise Industrielle à les garantir de l'intégralité des condamnations qui seraient prononcées contre elles, d'autre part, de condamner la compagnie l'Auxiliaire à garantir la société Gentilini et Berthon et la société Jacques, enfin, de condamner la compagnie SMABTP à garantir l'entreprise ITL ;

2°) de condamner la VILLE DE LYON ou qui mieux le devra à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'entreprise ITL, la société Gentilini et Berthon et la société Jacques soutiennent que la violation du principe du contradictoire et l'absence de réponse à certaines des questions entrant dans la mission de l'expert font obstacle à ce que les résultats de l'expertise de première instance soient utilisés ; que l'ancienneté du désordre dont la réalité n'est, au surplus, pas établie, rend inutile une nouvelle expertise ; qu'en tout état de cause, le contrôleur technique ayant suspendu son avis préalable à la réception jusqu'à la communication du résultat d'essais définitifs sur les performances du dispositif du désenfumage, le maître de l'ouvrage était averti des risques qu'il prenait en prononçant une réception sans réserves ; que les désordres litigieux étaient, en conséquence, apparents dans toute leur étendue à la réception ce qui fait obstacle à la mise en jeu de la garantie décennale ; qu'en outre, les désordres sont imputables à la conception de l'ouvrage et non à son exécution ; que l'invocation du manquement au devoir de conseil est dépourvue de justification ;

Vu le mémoire enregistré le 22 septembre 2008 par lequel la société SOCOTEC conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que sa mission de mandataire du groupement de contrôle technique ayant pris fin à l'achèvement de la mission prévue dans la convention, la VILLE DE LYON ne saurait utilement rechercher sa responsabilité en cette qualité ;

Vu le mémoire enregistré le 2 janvier 2009 par lequel la société Entreprise Industrielle, désormais représentée par son mandataire judiciaire, conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle porte, en outre, à 5 000 euros les conclusions qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire enregistré le 17 novembre 2009, après la clôture de l'instruction, présenté pour la société Allianz IART, succédant aux droits et obligations de la compagnie AGF Courtage ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

Vu le décret n° 73-207 du 28 février 1973 ;

Vu le décret n° 98-111 du 27 février 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2009 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller,

- les observations de Me Duflot, avocat de la VILLE DE LYON, de Me Semidei, avocat de la compagnie Allianz IART, de Me Goumot, avocat de l'Entreprise Industrielle, de Me Jammes, avocat de la société SOCOTEC et de Me Barach, avocat de GIE CETEN Apave,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

la parole ayant été de nouveau donnée aux avocats présents ;

Vu la note en délibéré enregistré le 20 novembre 2009, présentée pour la VILLE DE LYON ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la société SOCOTEC ;

Sur les conclusions de la requête dirigées contre la société Allianz IART :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 11 décembre 2001 : Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. Toutefois, le juge judiciaire demeure compétent pour connaître des litiges qui relevaient de sa compétence et qui ont été portés devant lui avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi ;

Considérant qu'il appartient à la juridiction administrative de connaître des litiges non encore portés devant le juge judiciaire à la date d'entrée en vigueur des dispositions précitées, auxquels donne lieu l'exécution de contrats dont la passation est soumise au champ d'application du code des marchés publics ; que, toutefois, la nature juridique d'un contrat s'apprécie, sauf disposition contraire, à la date à laquelle il a été conclu ;

Considérant qu'au 25 avril 1990, date de signature de la police dommages-ouvrage souscrite par la VILLE DE LYON auprès de la compagnie AGF Courtage, aucune disposition n'assujettissait les contrats d'assurance des collectivités publiques au régime de passation du code des marchés publics ; qu'à la même date, aucune directive communautaire dont le délai de transposition aurait été méconnu ne faisait obligation à la France de soumettre, en droit interne, cette catégorie de contrats au régime des marchés de services de telle sorte que les parties puissent se prévaloir de l'applicabilité du code des marchés publics à la police qui les lie ; que le contrat signé le 25 avril 1990 n'ayant pas été passé en application de ce code au sens de l'article 2 précité de la loi du 11 décembre 2001, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le litige né de son exécution relèverait de la compétence de la juridiction administrative en vertu de cette disposition ;

Considérant, il est vrai, que le juge administratif est compétent pour connaître des litiges nés de contrats autres que les marchés publics qui, à raison soit des missions confiées au prestataire soit de la nature de certaines de leurs clauses, présentent un caractère administratif ; qu'en l'espèce, le contrat conclu le 25 avril 1990 n'a pas eu pour effet de faire directement participer l'assureur à une mission de service public et ne contient pas de clause exorbitante du droit commun ; qu'il présente, dès lors, le caractère d'un contrat de droit privé ;

Considérant qu'il suit de là que le Tribunal a pu, sans entacher le jugement attaqué d'irrégularité, rejeter comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître la demande de la VILLE DE LYON tendant à ce que la compagnie AGF Courtage, à laquelle a succédé la société Allianz IART, l'indemnise, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, des désordres affectant le système de ventilation des circulations de l'opéra ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la garantie décennale des constructeurs :

Considérant que, d'une part, en vertu des principes dont s'inspirent les articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 2270 combinés du code civil, les constructeurs liés au maître de l'ouvrage par un contrat de louage sont responsables de plein droit des désordres de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination lorsqu'ils sont survenus dans un délai de dix ans à compter de la date d'effet de la réception ; qu'un ouvrage est rendu impropre à sa destination lorsque le dysfonctionnement de ses équipements techniques ne lui permet plus d'atteindre les minima réglementaires exigés à raison de sa destination pour son ouverture ou pour le maintien de son fonctionnement ; que, d'autre part, ce dysfonctionnement mesuré sous forme d'un déficit de performances, ne devait pouvoir être décelé à la réception et doit résulter d'une dégradation de l'ouvrage apparue postérieurement à cette échéance ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports rédigés préalablement à la réception les 1er mars, 5 mars, 13 avril et 23 avril 1993 par les représentants du GIE CETEN Apave, cotraitant du groupement solidaire de contrôle technique, que l'inachèvement de certaines parties de l'ouvrage faisait alors obstacle à la réalisation d'essais fiables du système de ventilation et nécessitait pour que la réception fût prononcée, une campagne de tests dont les résultats devaient être soumis au contrôleur technique afin qu'il vérifiât que les performances de l'installation livrée répondaient aux minima de débit d'air et de surpression exigés pour les couloirs, les sas et les escaliers par l'instruction technique du 7 juin 1974 et l'arrêté du 18 octobre 1977 relatifs à la sécurité des immeubles de grande hauteur (IGH) et des établissements recevant du public (ERP) ; que, cependant, le maître de l'ouvrage a réceptionné, le 23 juin 1993 avec effet au 10 mai 1993, les travaux du lot A.2.1 climatisation - désenfumage sans réserves et sans avoir fait réaliser d'essais définitifs ; que les éléments de fait, non contestés par la VILLE DE LYON, recueillis au cours de l'expertise ordonnée en première instance tendent à établir que l'obstruction et les nombreux défauts de raccord de gaines, qui ont provoqué la perte de capacité d'extraction d'air du réseau et la non-conformité des circulations aux normes réglementaires d'IGH et d'ERP, existaient à la date de la réception ; qu'à cette échéance, le maître de l'ouvrage aurait été à même, s'il avait été normalement diligent, d'appréhender les conséquences réglementaires de l'absence de conformité apparente de l'installation de désenfumage ;

Considérant que les désordres litigieux, apparents à la réception de l'ouvrage dans toute leur étendue, n'ont pas donné lieu à formulation de réserves ; que les locateurs sont dégagés de leur obligation de les indemniser au titre de la garantie décennale ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter les conclusions présentées sur ce fondement par la VILLE DE LYON contre la SARL EDA, le BET SETEC Bâtiment, la société SOCOTEC, la société Entreprise Industrielle, la société Gentilini et Berthon, l'entreprise Jacques, la société ITL et le GIE CETEN Apave ;

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle des constructeurs :

S'agissant de la société SOCOTEC, du GIE CETEN Apave, de la société Entreprise Industrielle, de la société Gentilini et Berthon, de l'entreprise Jacques et de la société ITL :

Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage ; qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs dès lors que, d'une part, elle a été prononcée sans réserves et que, d'autre part, le marché des constructeurs dont la responsabilité est recherchée ne comporte pas de mission d'assistance du maître de l'ouvrage pour le récolement des travaux achevés ;

Considérant que la VILLE DE LYON ne se prévaut d'aucune stipulation de la convention de contrôle technique et du marché de travaux du lot A.2.1 climatisation - désenfumage qui aurait fait obligation à leurs titulaires de l'assister en phase de réception des travaux, cette mission ne pouvant, d'ailleurs, être confiée qu'au maître d'oeuvre en vertu de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 ; que la réception qu'elle a prononcée sans réserves en rapport avec les désordres litigieux lui interdit, par conséquent, de rechercher la responsabilité contractuelle de ces constructeurs ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la VILLE DE LYON dirigées contre, d'une part, la société SOCOTEC et le GIE CETEN Apave, d'autre part, la société Entreprise Industrielle, la société Gentilini et Berthon, l'entreprise Jacques et la société ITL doivent être rejetées ;

S'agissant de la Sarl EDA et du BET SETEC Bâtiment :

Considérant, en premier lieu, que sur le fondement de l'article 36.1 du cahier des clauses administratives générales prestations intellectuelles , la personne responsable du marché a, le 6 décembre 1990, résilié les engagements qui la liaient à la société d'études Foulquier pour un motif étranger à toute faute du prestataire ; que la rupture des relations contractuelles a nécessairement eu pour effet de dégager ce cotraitant des obligations d'accomplir les missions de maîtrise d'oeuvre restant à exécuter à cette échéance ; qu'il suit de là que le BET SETEC Bâtiment, qui succède à la société d'études Foulquier, est fondé à soutenir que les manquements contractuels en phase d'AOR ne lui sont pas imputables ;

Considérant, en second lieu, que selon l'article III de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'oeuvre signé le 9 mars 1989, la mission de maîtrise d'oeuvre attribuée à la SARL JNA comportait l'élément normalisé réception et décompte des travaux (AOR) ; qu'en vertu de l'annexe n° 1 au décret du 28 février 1973, alors en vigueur, l'AOR consiste, notamment, à organiser les opérations de réception des ouvrages, à participer à ces opérations en assistance au maître d'ouvrage, en liaison avec les organismes de contrôle éventuels ; que les stipulations qui viennent d'être analysées obligeaient le maître d'oeuvre à appeler l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité de ne prononcer la réception des travaux du lot A.2.1 qu'après essais de l'ouvrage achevé et validation de leurs résultats par le contrôleur technique ;

Considérant, toutefois, que la faute de la SARL JNA ne saurait résulter que du procès-verbal des opérations préalables à la réception, document établi contradictoirement avec chaque titulaire de lot par le maître d'oeuvre dans lequel celui-ci propose à la personne responsable du marché les travaux de reprise qui doivent assortir la réception ou qui doivent être exécutés avant qu'elle ne soit prononcée ; que la VILLE DE LYON n'ayant produit ce document ni en première instance ni en appel, n'établit pas le manquement de la SARL JNA à sa mission contractuelle de conseil en se référant au procès verbal de réception du 23 juin 1993 qui, s'il ne comporte pas de réserves relatives au système de désenfumage, n'émane pas de la maîtrise d'oeuvre et n'a pas été signé par celle-ci ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la VILLE DE LYON n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions reconventionnelles du BET SETEC Bâtiment :

Considérant que les conclusions du BET SETEC Bâtiment tendant à ce que la VILLE DE LYON soit condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 276-1 du code de justice administrative ne sont appuyées d'aucun moyen et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que , par suite, les conclusions présentées par la VILLE DE LYON contre le BET SETEC Bâtiment, la société SOCOTEC, la société Entreprise Industrielle, la société Gentilini et Berthon, l'entreprise Jacques, la société ITL et le GIE CETEN Apave doivent être rejetées ;

Considérant, en second lieu que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la VILLE DE LYON à verser une somme de 2 000 euros, chacun en ce qui le concerne, au BET SETEC Bâtiment, à la société SOCOTEC, au GIE CETEN Apave, à la société Entreprise industrielle, ensemble à la société Gentilini et Berthon, à l'entreprise Jacques et à la société ITL ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la VILLE DE LYON est rejetée.

Article 2 : Les conclusions reconventionnelles du BET SETEC Bâtiment dirigées contre la VILLE DE LYON sont rejetées.

Article 3 : La VILLE DE LYON versera une somme de 2 000 euros, chacun en ce qui le concerne, au BET SETEC Bâtiment, à la société SOCOTEC, au GIE CETEN Apave, à la société Entreprise Industrielle, ensemble à la société Gentilini et Berthon, à l'entreprise Jacques et à la société ITL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la VILLE DE LYON, à la société Allianz IART, à la SARL EDA, au BET SETEC Bâtiment, à la société SOCOTEC, au GIE CETEN Apave, à la société Entreprise Industrielle, à la société Gentilini et Berthon, à l'entreprise Jacques, à la société ITL, à la société HGM et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Chalhoub, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2009.

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N° 07LY00869

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY00869
Date de la décision : 10/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SCP ARRUE - BERTHIAUD - DUFLOT - PUTANIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-10;07ly00869 ?
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