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22/12/2009 | FRANCE | N°08LY02856

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 22 décembre 2009, 08LY02856


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 23 décembre 2008 et régularisée le 30 décembre 2008, présentée pour M. Saïd A, de nationalité algérienne, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807325 en date du 25 novembre 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2008, par lequel le préfet de la Loire a ordonné sa reconduite à la frontière, ainsi que des dé

cisions distinctes du même jour désignant le pays à destination duquel cette mesure de p...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 23 décembre 2008 et régularisée le 30 décembre 2008, présentée pour M. Saïd A, de nationalité algérienne, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807325 en date du 25 novembre 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2008, par lequel le préfet de la Loire a ordonné sa reconduite à la frontière, ainsi que des décisions distinctes du même jour désignant le pays à destination duquel cette mesure de police serait exécutée et prononçant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de produire son entier dossier ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Loire de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Il soutient que la décision de reconduite à la frontière contestée, qui est fondée sur les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas de base légale dès lors qu'il est entré régulièrement sur le territoire français et a déposé une demande d'asile territorial le 13 mai 2002 avant l'expiration de la durée de validité de son visa de court séjour ; que cette décision, qui porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, est contraire aux stipulations, d'une part, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part, du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que le préfet de la Loire a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ; que cette dernière décision ayant pour objectif principal d'empêcher la réalisation de son projet de mariage avec Mlle B, le préfet a commis un détournement de pouvoir en la prenant ; que la décision de placement en rétention est contraire aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'indique pas si la langue en usage est comprise par M. A à qui elle a été notifiée ; que cette même décision n'est pas suffisamment motivée en fait et que son auteur n'était pas compétent pour la prendre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 novembre 2009, présenté par le préfet de la Loire, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que M. A, qui parle et comprend le français, ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que sa décision de maintien en rétention administrative est suffisamment motivée et que M. C était compétent pour prendre cette décision ; que la décision de reconduite à la frontière est fondée sur le 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le requérant entrait dans le champ d'application de ces dispositions ; que M. A n'a fait aucune demande de titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'accord franco-algérien ; qu'en ordonnant la reconduite à la frontière du requérant, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé, ni eu pour intention d'empêcher son mariage avec Mme B ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2009 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la décision ordonnant la reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;

Considérant que le préfet de la Loire produit une copie du passeport algérien de M. A valable du 11 mai 1999 au 10 mai 2004 et revêtu d'un visa de trente jours valable du 29 décembre 2001 au 28 juin 2002 ; qu'il ressort d'un procès-verbal, dressé le 19 novembre 2008 par un officier de police judiciaire, à la suite de l'audition du requérant que ce dernier déclare être entré en France le 4 mars 2002, ce qui n'est pas contesté par le préfet de la Loire ; que M. A produit une copie de la demande d'asile territorial qu'il a déposée auprès de la préfecture de police de Paris le 13 mai 2002 ; qu'il s'est ainsi maintenu sur le territoire français postérieurement à l'expiration de la durée de validité de son visa ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière en 2004 qui n'a pas été exécuté selon le préfet de la Loire ; que, par suite, ce dernier n'a pas commis d'erreur de droit en fondant l'arrêté de reconduite à la frontière du 19 novembre 2008 sur les dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait dépourvu de base légale ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. et qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des déclarations de M. A que ce dernier n'est entré en France qu'à l'âge de trente-deux ans et qu'il est célibataire, sans enfant à charge et sans ressources ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, s'il fait valoir qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française depuis un an et demi à la date de la décision attaquée et qu'il projette de l'épouser, il ne produit aucun élément justifiant la réalité de la communauté de vie avec ladite ressortissante et les attestations de proches produites par l'intéressé, récentes et dépourvues de précisions, ne peuvent être regardées comme constituant des justificatifs probants et suffisants de l'intensité de cette relation ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en ordonnant sa reconduite à la frontière, le préfet de la Loire n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de la mesure d'éloignement ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A a été interpellé le 19 novembre 2008, alors qu'il s'était rendu à une convocation des services de police, dans le cadre d'une enquête ouverte, sur le fondement de l'article 175-2 du code civil, à la demande du vice-procureur de la République, à la suite du dépôt, en mairie de Saint-Etienne, de son dossier de mariage avec une ressortissante française ; que, placé en garde-à-vue, il s'est vu notifier, le même jour, l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet de la Loire et contesté dans le cadre de la présente instance ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucune date n'était alors fixée pour la célébration du mariage et que les bans n'avaient pas été publiés ; que c'est à l'occasion de son audition par les services de police que l'irrégularité du séjour en France de l'intéressé a été constatée et portée à la connaissance du préfet de la Loire, lequel n'avait donc pas connaissance, avant cette date, du caractère irrégulier de son séjour en France ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant revêtu un caractère précipité et eu pour motif déterminant de faire obstacle au mariage de M. A ; que, par suite, le préfet de la Loire n'a pas commis, en le prenant, un détournement de pouvoir ;

Sur la décision de placement en rétention :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a été signée par M. Patrick C, secrétaire général de la préfecture de la Loire, qui, par arrêté du 1er septembre 2008, publié le même jour au Recueil des actes administratifs de la préfecture de la Loire, a reçu régulièrement délégation de signature du préfet de la Loire pour signer tous arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Loire , sous réserve de certaines exceptions dont ne relèvent pas les décisions de maintien en rétention ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision de placement en rétention mentionne que l'intéressé ne justifie ni de circonstances exceptionnelles ni de garanties de représentation suffisantes et que l'absence de moyen de transport immédiat ne permet pas le départ de l'intéressé ; qu'ainsi cette décision énonce les éléments de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré du caractère insuffisant de sa motivation en fait doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission en France, de maintien en zone d'attente ou de placement en rétention et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien ou de placement. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. ;

Considérant que le courrier de notification de l'arrêté de placement en rétention précise que cette décision ainsi que les voies et délais de recours, rédigés en français, ont été lus par un officier de police judiciaire à M. A dès lors que ce dernier ne sait pas lire cette langue mais la comprend ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la notification de la décision attaquée a été irrégulière et que le préfet de la Loire a méconnu les dispositions de l'article L. 111-7 précité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A, qui succombe dans l'instance, puisse obtenir le remboursement des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Saïd A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2009.

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N° 08LY02856

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08LY02856
Date de la décision : 22/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ADRIEN NAMIGOHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-22;08ly02856 ?
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