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25/05/2010 | FRANCE | N°09LY01449

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 25 mai 2010, 09LY01449


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 29 juin 2009 et régularisée le 6 juillet 2009, présentée par le PREFET DE SAONE ET LOIRE ;

Le PREFET DE SAONE ET LOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903434 en date du 12 juin 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 9 juin 2009, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de Mlle A et la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme

destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande de Mlle A présentée deva...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 29 juin 2009 et régularisée le 6 juillet 2009, présentée par le PREFET DE SAONE ET LOIRE ;

Le PREFET DE SAONE ET LOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903434 en date du 12 juin 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 9 juin 2009, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de Mlle A et la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande de Mlle A présentée devant le Tribunal administratif ;

Il soutient que le jugement n'est pas motivé ; qu'en ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A, il n'a ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressée eu égard au caractère très récent de sa présence en France et de sa relation avec un ressortissant français, ni eu pour intention d'empêcher son mariage avec ce dernier, mariage dont les bans n'étaient pas publiés, et n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 7 décembre 2009 présenté pour Mlle Patao A, qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE SAONE ET LOIRE de lui délivrer une carte de séjour vie privée et familiale et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le PREFET DE SAONE ET LOIRE a commis un détournement de pouvoir en édictant une décision de reconduite à la frontière à son encontre dès lors que l'objectif principal de celle-ci est d'empêcher la réalisation de son projet de mariage avec un ressortissant français ; que cette décision, qui porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 16-3 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme ; que le PREFET DE SAONE ET LOIRE a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ; que, compte tenu de son mariage avec un ressortissant français, elle satisfait aux conditions posées par le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit bénéficier de droit d'une carte de séjour vie privée et familiale en qualité de conjoint de ressortissant français, le mariage ayant eu lieu le 29 août 2009 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, de nationalité laotienne,

est entrée régulièrement en France le 25 octobre 2008, sous couvert d'un visa court séjour, et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa qui expirait le 23 novembre 2008 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 9 juin 2009, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement :

Considérant que pour annuler la décision de reconduite à la frontière en litige, le premier juge a retenu l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation de Mlle A dès lors que celle-ci vivrait maritalement depuis mars 2009 avec M. Christophe B, de nationalité française et qu'un projet de mariage était prévu pour le 27 juin 2009, après la tenue le 28 mars 2009 au domicile de M B d'une cérémonie de mariage selon la coutume laotienne ;

Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, entrée en France le 25 octobre 2008, reconnaît que sa rencontre avec M. B était arrangée ; que les attestations de tiers dépourvues de valeur probante et au surplus postérieures pour la plupart à la date de la décision de reconduite à la frontière, ne permettent pas d'établir l'ancienneté de la relation entretenue par l'intéressée avec M. B qui, à la supposer avérée, ne saurait être supérieure à trois mois ; que le maire de la commune de Lessard en Bresse atteste qu'au 9 juin 2009, date de la décision contestée, aucune publication de bans de mariage entre Mlle A et M B n'était intervenue ; que la cérémonie coutumière de mariage laotien organisée le 28 mars 2009, dépourvue de valeur juridique, est sans incidence sur la décision contestée ; qu'eu égard au caractère récent de la présence en France de Mlle A et de sa relation avec M. B, et alors même qu'elle n'a entrepris aucune démarche en vue de régulariser sa situation, le PREFET DE SAONE ET LOIRE n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mlle A ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE SAONE ET LOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux en raison de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ladite décision sur la situation de l'intéressé;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mlle A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière a été signé par Mme Marie-Françoise C, secrétaire générale de la préfecture de Saône et Loire laquelle avait régulièrement reçu délégation de signature du PREFET DE SAONE ET LOIRE, par arrêté du 5 mai 2008, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, l'autorisant à signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière et les décisions fixant le pays de renvoi ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté de reconduite à la frontière en litige doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière comporte, outre des considérations de droit, l'énoncé de considérations de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué répond aux exigences de motivation telles qu'énoncées par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 susvisée ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A n'est entrée en France qu'à l'âge de vingt-quatre ans et qu'elle était, à la date de la décision contestée, célibataire, sans enfant à charge et sans ressources ; qu'elle dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a passé l'essentiel de son existence et où résident ses parents et ses dix frères et soeurs ; que, si elle fait valoir qu'elle vit maritalement avec M. B depuis quelques mois à la date de la décision attaquée et qu'elle projette de l'épouser, elle ne produit aucun élément justifiant la réalité de la communauté de vie avec M. B et les attestations de proches produites par l'intéressée ne peuvent être regardées comme constituant des justificatifs probants et suffisants de l'intensité de cette relation ; que la circonstance que le mariage civil ait été célébré le 22 août 2009, postérieurement à la date de décision contestée, est sans incidence sur la légalité de ladite décision ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en ordonnant sa reconduite à la frontière, le PREFET DE SAONE ET LOIRE n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de la mesure d'éloignement ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, que si Mlle A a déposé un dossier à la mairie de Lessard en Bresse en vue de son mariage avec M. B quelques jours avant l'intervention de l'arrêté de reconduite à la frontière, il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE SAONE ET LOIRE n'avait pas connaissance, avant cette date, du caractère irrégulier du séjour en France de l'intéressée, cette dernière ne s'étant jamais manifestée auprès des services préfectoraux depuis son entrée sur le territoire français ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué n'a pas eu pour motif déterminant de prévenir et d'empêcher le mariage qu'elle projetait alors même qu'aucune date n'était alors fixée et que les bans n'étaient pas publiés ; que, par suite, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que les circonstances dans lesquelles a été prise la décision attaquée seraient de nature à révéler un détournement de pouvoir ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ; qu'à la date de la décision contestée, Mlle A était célibataire et ne peut dès lors, utilement se prévaloir des dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle ne saurait pas davantage se prévaloir utilement des stipulations de l'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant, d'une part, que comme il a été indiqué ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision fixant le pays de destination en litige doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE SAONE ET LOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 9 juin 2009 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de Mlle A et la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite ;

Sur les conclusions de Mlle A à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt confirmant l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de Mlle A, les conclusions de cette dernière tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE SAONE ET LOIRE de lui délivrer une carte de séjour vie privée et familiale doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de Mlle A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de Mlle A, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0903434 du 12 juin 2009, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande de Mlle A présentée devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Patao A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au PREFET DE SAONE ET LOIRE.

Lu en audience publique, le 25 mai 2010.

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N° 09LY01449


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY01449
Date de la décision : 25/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ZAKEYE ZERBO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-25;09ly01449 ?
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