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25/05/2010 | FRANCE | N°09LY01729

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 25 mai 2010, 09LY01729


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 24 juillet 2009, présentée pour M. Romik A, domicilié chez M. B ...) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901185 en date du 4 mars 2009 , par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 février 2009, par lequel le préfet de l'Allier a ordonné sa reconduite à la frontière, de la décision du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la

reconduite, ainsi que de la décision du même jour le maintenant en rétention admin...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 24 juillet 2009, présentée pour M. Romik A, domicilié chez M. B ...) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901185 en date du 4 mars 2009 , par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 février 2009, par lequel le préfet de l'Allier a ordonné sa reconduite à la frontière, de la décision du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite, ainsi que de la décision du même jour le maintenant en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière a méconnu, d'une part, les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision désignant le pays de destination de la reconduite est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2009, présenté par le préfet de l'Allier, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que l'auteur de l'acte attaqué était compétent pour prendre cette décision ; que la décision attaquée est parfaitement motivée ; que M. A n'a jamais demandé de titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que ses décisions n'ont méconnu ni les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles du 7° de l'article L. 313-11 du même code, ni les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 27 octobre 2009, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu la lettre en date du 14 avril 2010 par laquelle les parties ont été informées de ce que l'irrégularité du jugement attaqué était susceptible d'être soulevée d'office au motif que n'avait pas été prononcé de non lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la mesure de placement en rétention administrative ;

Vu, enregistré le 23 avril 2010, le mémoire déposé pour M. A qui fait valoir que si les conclusions dirigées contre la mesure de mise en rétention sont devenues sans objet, il reste fondé à demander l'annulation des autres décisions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

Les observations de Me PILLET, avocat de M. A ;

et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à la partie présente ;

Sur la décision prononçant le placement en rétention administrative :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par ordonnance de non surveillance en date du 27 février 2009, produite en première instance, le juge des libertés et de la détention près du Tribunal de grande instance de Lyon a prononcé la nullité de la procédure de placement en rétention administrative de M. A ; que les conclusions à fins d'annulation dirigées contre cette mesure étaient, dès lors, sans objet ; qu'ainsi le tribunal administratif, en statuant sur lesdites conclusions, s'est mépris sur l'étendue des conclusions sur lesquelles il devait statuer ; qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions sans objet présentées en première instance et de décider qu'il n'y a lieu d'y statuer ;

Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité arménienne, n'était titulaire ni d'un visa l'autorisant à entrer en France ni d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la décision en litige ; qu'ainsi, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; (...) ;

Considérant que M. A produit des documents médicaux qui attestent de problèmes de santé depuis l'année 2002, notamment des lésions de type dysplasique des commissures intermaxillaires, une insuffisance hépatique sévère avec une hépatite C diagnostiquée en 2006, une artériopathie des deux membres inférieurs qui a nécessité la mise en place d'une prothèse aorto-bifémorale en 2008 et une hypertension artérielle et que ces pathologies nécessitent un suivi régulier ; que toutefois, malgré ces problèmes médicaux, il n'a jamais sollicité de titre de séjour en faisant valoir son état de santé et les deux seuls certificats qui mentionnent les conséquences gravissimes d'une absence de traitement et l'impossibilité de ce traitement dans le pays d'origine ont été établis à sa demande et sont postérieurs à la décision attaquée ; que, dans ces conditions, l'arrêté de reconduite à la frontière ne peut être regardé comme ayant méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A, né le 26 mars 1953, fait valoir qu'il a besoin d'un suivi médical régulier, qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il réside en France de manière continue depuis mars 1998, qu'il est très intégré dans la société française et qu'il n'a plus aucune attache en Arménie ; que toutefois, si les pièces produites par le requérant permettent d'établir la continuité de son séjour depuis 1998, l'intéressé s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français en dépit du rejet de ses demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, le 14 juin 1999, par la Commission des recours des réfugiés, le 9 juin 2000, et par le ministre de l'intérieur, le 24 avril 2003, cette dernière décision ayant été confirmée par un jugement du Tribunal administratif de Lyon du 5 juillet 2005 et un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 4 octobre 2007, d'un arrêté de reconduite à la frontière en date du 11 octobre 2000, d'une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour en date du 24 juillet 2003 et d'un refus de régularisation de sa situation, le 9 octobre 2006 ; qu'il est célibataire et sans enfant et ne justifie d'aucune attache familiale en France ; qu'il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales entre 2002 et 2008 pour exhibition sexuelle et violence sur un mineur de 15 ans, violences commises en réunion, tentative de vol et voyage habituel dans les transports en commun sans titre de transport valable puis a été incarcéré en 2008 et en 2009 ; qu'en outre, le requérant ne saurait utilement se prévaloir des énonciations contenues dans les circulaires des 8 février 1994, 12 mai 1998, 19 décembre 2002 et 7 mai 2003, qui sont dépourvues de caractère réglementaire ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour de l'intéressé en France et de ses agissements, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que M. A soutient que sa famille, vivant dans le Haut-Karabagh, a été massacrée en 1988, qu'il a été enrôlé de force dans un groupe d'autodéfense arménien, puis arrêté, torturé et transféré dans un camp de travail par l'armée azerbaïdjanaise, qu'il a réussi à s'échapper du camp, qu'il a été considéré comme un déserteur à son retour dans le Haut-Karabagh et a été constamment persécuté par la suite, ce qui l'a contraint à fuir, en Russie d'abord, en France ensuite ; que s'il produit un certificat médical en date du 19 janvier 2004 faisant état de la présence sur son corps de nombreuses cicatrices à la suite de plaies par arme blanche, ces seuls éléments ne prouvent pas l'origine des marques et ne sont de nature à démontrer ni la réalité des faits allégués, ni l'existence de risques actuels et personnels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'au surplus, ainsi qu'il a été dit plus haut, ses demandes d'asile conventionnel et territorial ont été rejetées ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 février 2009 du préfet de l'Allier ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Allier de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de Me Pillet, avocat de M. A, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0901185 du Tribunal administratif de Lyon en date du 4 mars 2009 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 février 2009 maintenant M. A en rétention administrative.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A dirigées contre son placement en rétention administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Lu en audience publique, le 25 mai 2010.

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N° 09LY01729


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY01729
Date de la décision : 25/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : PILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-25;09ly01729 ?
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