La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2010 | FRANCE | N°09LY01933

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 25 mai 2010, 09LY01933


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 7 août 2009 et régularisée le 5 octobre 2009, présentée pour Mme Lilit A, domiciliée chez son conseil au ..., par Me Liber Magnan, avocat au barreau de Grenoble ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903919 en date du 8 juillet 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2009, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite

la frontière, de la décision du même jour fixant le pays de destination de la rec...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 7 août 2009 et régularisée le 5 octobre 2009, présentée pour Mme Lilit A, domiciliée chez son conseil au ..., par Me Liber Magnan, avocat au barreau de Grenoble ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903919 en date du 8 juillet 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2009, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière, de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite, ainsi que de la décision du même jour la maintenant en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour d'un an dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, tout au moins, d'examiner à nouveau sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que les décisions du préfet de l'Isère ont été prises en violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur son état de santé et sur sa situation personnelle ; qu'en effet, les vols dont elle est accusée n'ont pas été sanctionnés par une décision pénale définitive ; qu'elle a une très bonne connaissance de la langue et de la culture françaises ; que son état psychologique nécessite un suivi médical et une prise en charge qui font défaut en Arménie et que sa reconduite dans son pays d'origine l'éloignerait de ses deux enfants présents en France, ce qui aggraverait son état de santé ; qu'elle a dû fuir l'Arménie avec son compagnon et ses enfants à la suite de menaces et ne peut donc y retourner sans mettre sa vie en danger ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 décembre 2009, présenté par le préfet de l'Isère, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que Mme A a commis des vols à l'étalage à plusieurs reprises et que, par conséquent, son comportement représente une menace pour l'ordre public ; que la requérante n'a pas la garde de ses enfants ; que sa décision de reconduite à la frontière n'a donc pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que la requérante pourrait être soignée pour ses troubles psychiatriques dans son pays d'origine ; que sa décision de reconduite à la frontière n'est donc pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que Mme A ne démontre pas qu'elle serait soumise à la torture ou à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) ;

Considérant que Mme A, de nationalité arménienne, ne conteste pas avoir fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, par une décision en date du 9 mai 2008, qui était définitive et exécutoire ; qu'à la date de la décision contestée, elle entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet de prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que si Mme A fait valoir qu'elle est intégrée en France, où elle vit depuis 2007, qu'elle parle parfaitement français et que ses deux enfants sont scolarisés dans ce pays, il ressort des pièces du dossier que c'est son ex compagnon qui a la garde des enfants, qu'elle vit seule dans un foyer d'accueil, sans ressource, qu'elle a encore des attaches familiales dans son pays d'origine et qu'elle s'est rendue coupable de plusieurs vols à l'étalage le 3 juillet 2009 ; que, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de la requérante, ainsi que de son comportement, le préfet de l'Isère n'a, en décidant sa reconduite à la frontière le 4 juillet 2009, ni porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la vie personnelle de l'intéressée ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme A fait valoir qu'elle souffre d'une affection psychiatrique grave, qu'elle bénéficie en France d'un accès à des soins indispensables et qu'elle ne pourrait recevoir de traitement adéquat en Arménie en raison des structures psychiatriques inadaptées de ce pays ; que s'il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits, que Mme A souffre de troubles psychiatriques et consulte régulièrement un psychiatre depuis le mois de mai 2009, le préfet soutient sans être démenti qu'elle n'a pas mené à terme sa démarche pour obtenir le titre de séjour étranger malade et il ne résulte pas des pièces du dossier que la prise en charge psychiatrique dont elle bénéficie en France ne pourrait pas être réalisée en Arménie ; que, par suite, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision en litige sur l'état de santé de la requérante doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que Mme A ne peut utilement invoquer la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus ci avant dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de reconduite à la frontière, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et l'état de santé de Mme A doivent être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que Mme A fait valoir qu'elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine parce qu'elle a dû fuir ce dernier à la suite de menaces ; que, toutefois, elle ne produit aucun élément permettant d'établir l'existence de risques actuels et personnels auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision distincte de placement en rétention administrative :

Considérant que les conclusions à fin d'annulation présentées à l'encontre de la décision de placement en rétention administrative ne sont assorties d'aucun autre moyen distinct de ceux présentés au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision de reconduite à la frontière et de la décision fixant le pays de renvoi ; que, dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Lu en audience publique, le 25 mai 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 09LY01933

mpd


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY01933
Date de la décision : 25/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : LIBER MAGNAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-25;09ly01933 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award