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30/06/2010 | FRANCE | N°10LY00753

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 juin 2010, 10LY00753


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 1er avril 2010 et régularisée le 7 avril 2010, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905708, en date du 5 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 19 novembre 2009 par laquelle il a refusé d'enregistrer la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. Frédéric A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif ;

Il soutient que c'est

à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a accueilli le moyen tiré de la méconnaissanc...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 1er avril 2010 et régularisée le 7 avril 2010, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905708, en date du 5 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 19 novembre 2009 par laquelle il a refusé d'enregistrer la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. Frédéric A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif ;

Il soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 311-4 et R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que M. A n'a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, aucun document suffisamment probant, revêtu de sa photographie, permettant de justifier de son état civil, et que son dossier étant ainsi incomplet, il pouvait refuser de l'enregistrer sans que cette décision fasse grief à l'intéressé ; qu'enfin, la production d'un passeport est indispensable à la délivrance d'un titre de séjour ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré à la Cour le 7 juin 2010, présenté pour M. Frédéric A, domicilié ...), qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) d'enjoindre au PREFET DE L'ISERE d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de dépôt l'autorisant à travailler ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable, en l'absence de moyen d'appel ; à titre subsidiaire, que les documents mentionnés aux 2°, 3° et 4° de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas exigés des étrangers qui déposent une demande de délivrance de carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces derniers ne sont donc notamment pas soumis à l'obligation de présentation d'un passeport ; que les documents qu'il a produits à l'appui de sa demande permettent d'établir son identité et que la circonstance qu'un certain nombre d'extraits de naissance produits par des personnes se disant des ressortissants de la République démocratique du Congo seraient des faux ne saurait présumer du caractère frauduleux de ses propres documents ; qu'il était loisible au PREFET DE L'ISERE de vérifier le caractère authentique desdits documents au cours de l'instruction de sa demande ; que, par ailleurs, son état de santé le fait entrer dans le champ d'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que sa demande de titre de séjour était recevable et que le défaut d'enregistrement contesté est donc illégal car entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Huard, avocat de M. A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Huard ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La détention d'un récépissé d'une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, d'un récépissé d'une demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour.(...) ; qu'aux termes de l'article R. 311-4 du même code : Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise.(...) ; qu'aux termes de l'article R. 313-1 dudit code : L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : 1° Les indications relatives à son état civil et, le cas échéant, à celui de son conjoint et de ses enfants à charge ; / 2° Les documents, mentionnés à l'article R. 211-1, justifiant qu'il est entré régulièrement en France ; / 3° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l'article R. 311-3 ; / 4° Un certificat médical délivré dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ; / 5° Trois photographies de face, tête nue, de format 3, 5 x 4, 5 cm, récentes et parfaitement ressemblantes ; / 6° Un justificatif de domicile. ; qu'aux termes de l'article R. 211-1 du même code : Un arrêté du ministre chargé de l'immigration détermine la nature des documents prévus au 1° de l'article L. 211-1 sous le couvert desquels les étrangers sont admis à franchir la frontière.(...) ; qu'aux termes de l'article R. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne sont pas soumis aux dispositions du 2° de l'article R. 313-1 les étrangers mentionnés à l'article L. 313-4-1, aux 2°, 2° bis, 6° à 11° de l'article L. 313-11, et aux articles L. 313-11-1, L. 313-13, L. 313-14 et L. 316-1. ; qu'aux termes de l'article R. 313-3 du même code : Ne sont pas soumis aux dispositions du 3° de l'article R. 313-1 : (...) 2° Les étrangers mentionnés à l'article L. 313-4-1, aux 2°, 2° bis, 6° à 11° de l'article L. 313-11, et aux articles L. 313-11-1, L. 313-13, L. 313-14 et L. 316-1. (...) et qu'aux termes de l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français, alors en vigueur : Pour être admis à pénétrer sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français, tout étranger doit être muni d'un passeport national ou titre de voyage en tenant lieu, en cours de validité et revêtu d'un visa français. (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant de la République démocratique du Congo, a déposé à la mairie de Voiron, par courrier en date du 25 août 2008, une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par courrier du 15 septembre 2009, la mairie de Voiron l'a invité à compléter son dossier en présentant notamment un passeport en cours de validité ; que la mairie de Voiron lui a ensuite retourné son dossier, par bordereau en date du 19 novembre 2009, assorti d'un refus manuscrit d'enregistrer sa demande, signé par un agent de la préfecture de l'Isère disposant d'une délégation de signature à cet effet de la part du PREFET DE L'ISERE, au motif que son dossier était incomplet, faute pour lui d'avoir produit un passeport ; qu'il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article R. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'étranger qui, n'étant pas admis à résider en France, sollicite la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code, n'est pas soumis à l'exigence de présentation d'un passeport national ou titre de voyage en tenant lieu, en cours de validité, prévue par les dispositions combinées du 2° de l'article R. 313-1 et de l'article R. 211-1 du même code et de l'arrêté interministériel du 10 avril 1984, alors en vigueur ; que le PREFET DE L'ISERE ne pouvait, dès lors, pas légalement refuser d'enregistrer la demande de titre de séjour formulée par M. A sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que le dossier fourni à l'appui de cette demande était incomplet en l'absence de production d'un passeport ;

Considérant, en deuxième lieu, que le PREFET DE L'ISERE soutient, devant le juge, que M. A ne peut pas être regardé comme ayant satisfait aux exigences du 1° de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les indications relatives à son état civil, constituées par un extrait d'acte de naissance ne comportant pas la photographie de l'intéressé et une attestation de perte de pièce d'identité dépourvue de garantie d'authenticité, ne permettaient pas son identification certaine ; que, toutefois, d'une part, les dispositions précitées du 1° de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui exigent de l'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour qu'il fournisse les indications relatives à son état civil , ne font pas obligation à ce dernier de produire un passeport ou un justificatif d'état civil comportant une photographie de l'intéressé, ni même un document officiel délivré par les autorités de son pays et, d'autre part, si le PREFET DE L'ISERE estimait que les documents produits par le demandeur étaient suspects, il lui appartenait d'en vérifier l'authenticité au cours de l'instruction de la demande ; qu'ainsi, et alors que le caractère frauduleux des documents produits à l'appui de sa demande n'est pas avéré, M. A, qui a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour, une attestation de perte de pièce d'identité portant une photographie ainsi qu'une attestation de naissance , toutes deux établies à Kinshasa, le 28 février 2008, doit être regardé comme ayant fourni les indications relatives à son état civil prévues au 1° de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance qu'en application de l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la durée de validité d'une carte de séjour temporaire délivrée à un étranger ne peut pas dépasser la durée de validité du passeport du demandeur ou du titre de voyage en tenant lieu ne peut pas, à elle seule, justifier un refus d'enregistrement d'une demande de titre de séjour pour absence de production de passeport ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui précède que, le dossier étant complet, le PREFET DE L'ISERE ne pouvait pas légalement refuser d'enregistrer la demande de délivrance de titre de séjour présentée par M. Frédéric A ; que le refus d'enregistrement présente le caractère d'une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision refusant d'enregistrer la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. Frédéric A ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. Frédéric A :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise.(...) et qu'aux termes de l'article R. 311-6 du même code : Le récépissé de la demande de première délivrance d'une carte de séjour prévue à l'article L. 313-8, aux 1°, 2° bis, 3°, 4°, 5°, 6°, 8°, 9° et 10° de l'article L. 313-11, à l'article L. 313-13, aux 1° et 3° de l'article L. 314-9, à l'article L. 314-11, à l'article L. 314-12 ou à l'article L. 316-1, ainsi que le récépissé mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 311-4, autorisent son titulaire à travailler. / Il en est de même du récépissé de la demande de première délivrance d'une carte de séjour délivrée sur le fondement de l'article L. 313-9 et des 1°, 4° et 5° de l'article L. 313-10 du présent code, dès lors que son titulaire satisfait aux conditions mentionnées à l'article L. 341-2 du code du travail. / Le récépissé de la demande de première délivrance de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-11-1 n'autorise pas son titulaire à travailler, sauf s'il est délivré en application du II de cet article et que son bénéficiaire séjourne en France depuis au moins un an. / Le récépissé de la demande de renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle autorise son titulaire à travailler. ;

Considérant que le présent arrêt, qui confirme l'annulation de la décision du 19 novembre 2009, par laquelle le PREFET DE L'ISERE a refusé d'enregistrer la demande présentée par M. A tendant à la délivrance de la carte de séjour temporaire prévue par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, et alors qu'il n'est invoqué par le PREFET DE L'ISERE aucun autre motif d'irrecevabilité de ladite demande, que le PREFET DE L'ISERE enregistre la demande de titre de séjour formulée sur ce fondement et délivre à l'intéressé le récépissé correspondant, prévu à l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel, en vertu des dispositions de l'article R. 311-6 du même code, n'autorise pas son titulaire à travailler ;

Considérant, toutefois, que l'injonction déjà prononcée en ce sens par le jugement attaqué, dont il n'y a pas lieu de compléter ou de modifier le dispositif sur ce point, a rempli de ses droits l'intéressé, dont il ressort au demeurant des pièces du dossier qu'il s'est effectivement vu délivrer par le PREFET DE L'ISERE, en exécution dudit jugement, un récépissé de carte de séjour temporaire valable du 26 janvier au 25 avril 2010 ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. Frédéric A :

Considérant, d'une part, que M. Frédéric A, pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. Frédéric A n'a pas demandé, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la mise à la charge de l'Etat de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE L'ISERE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées devant la Cour par M. Frédéric A, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à M. Frédéric A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. du Besset, président de chambre,

Mlle Vinet, conseiller.

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N° 10LY00753


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00753
Date de la décision : 30/06/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : HUARD DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-30;10ly00753 ?
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