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30/11/2010 | FRANCE | N°09LY01428

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2010, 09LY01428


Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Yvan A, ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701112, en date du 31 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer ladite décharge, ainsi que des pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à leur bénéfice, la somme de 3 000

euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme A soutienne...

Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Yvan A, ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701112, en date du 31 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer ladite décharge, ainsi que des pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à leur bénéfice, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme A soutiennent que, concernant le passif qui a été réintégré au résultat fiscal de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Colomat dont M. A est l'unique associé, il s'agit d'une somme prêtée par la société civile immobilière (SCI) d'Escolles à l'EURL en 1998 ; qu'au plan civil, un contrat de prêt n'est soumis à aucune condition de forme ; que, dans ces conditions, la justification d'un prêt ne nécessite pas la production d'un contrat fixant, notamment, son montant et ses modalités de remboursement ; qu'en exigeant la justification de la réalité du prêt, alors que la somme litigieuse a été comptabilisée dans un poste de dettes et que la régularité de la comptabilité n'a pas été discutée par l'administration, le Tribunal a opéré un renversement de la charge de la preuve ; que l'inscription de la somme à un compte de passif équivaut à une reconnaissance de dette ; que cette inscription constitue un commencement de preuve qu'il appartient à l'administration de renverser ; que la SCI d'Escolles n'ayant pas manifesté son intention de réaliser une libéralité et l'EURL Colomat n'ayant pas manifesté son intention d'accepter une telle libéralité, puisque la somme a été inscrite à un poste de passif, l'opération en cause ne peut avoir que le caractère d'un prêt ; qu'à défaut d'avoir prévu les modalités de remboursement du prêt, celui-ci peut intervenir à tout moment ; que les pièces issues de la comptabilité, les relevés bancaires de chacune des sociétés et l'attestation de l'expert-comptable sont de nature à établir la réalité du prêt ; que, concernant l'imputation du déficit engendré par l'activité de location de meublés de l'EURL Colomat sur leur revenu global, le tribunal a fait une mauvaise interprétation de l'article 156 du code général des impôts ; qu'en effet l'article 151 septies, dans sa version alors applicable, ne doit pas s'interpréter comme exigeant d'une société, qui est déjà inscrite au registre du commerce et des sociétés, qu'elle soit immatriculée en tant que loueur professionnel de locaux meublés ; qu'une telle inscription est d'ailleurs impossible puisque l'activité de loueur professionnel de locaux meublés n'est pas une activité commerciale ; que l'inscription au registre du commerce et des sociétés prévue à l'article 151 septies concerne la seule situation des personnes physiques ; que, s'il fallait considérer que les dispositions de l'article 151 septies s'appliquent à une société commerciale, le seuil de recettes à respecter pour la qualification de loueur professionnel devrait s'apprécier au niveau de la société ; que toutefois, selon la doctrine, ce seuil doit être apprécié distinctement pour chaque associé ; que, ce faisant, l'administration reconnaît l'impossibilité d'appliquer stricto sensu les dispositions de l'article 151 septies aux sociétés ; que, par conséquent, lorsque les locaux sont la propriété d'une société commerciale soumise au régime des sociétés de personnes, les seules conditions requises pour l'imputation des déficits provenant de cette activité sont celles relatives à la proportion des recettes ou des revenus provenant de cette activité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, concernant le passif qui a été réintégré au résultat fiscal de l'EURL Colomat, il résulte des dispositions du 2° de l'article 38 du code général des impôts qu'un contribuable doit justifier de la réalité des emprunts inscrits au passif de son bilan ; que les dispositions du code civil et notamment celles de l'article 1328 imposent au contribuable d'apporter la preuve de l'existence et de la date de l'acte qu'il entend opposer à l'administration ; que cette obligation permet de respecter le principe de l'opposabilité d'un acte aux tiers et permet, au contribuable, d'inscrire le prêt considéré au passif de l'entreprise ; qu'en l'espèce ni l'existence de virements de la SCI d'Escolles à l'EURL Colomat ni l'inscription au passif de la somme litigieuse ou l'attestation de l'expert-comptable ne permettent d'établir la réalité d'un emprunt ; qu'aucun contrat de prêt ou autre document ayant date certaine ne permet d'établir qu'il était dans l'intention de l'EURL de restituer la somme en cause ; qu'aucun début de remboursement n'est intervenu ; que c'est donc à tort que les requérants prétendent apporter une présomption ou un commencement de preuve qu'il appartiendrait à l'administration de renverser ; que, concernant l'imputation du déficit sur le revenu global, pour être qualifiée de loueur professionnel, une société doit, en vertu de l'article 151 septies du code général des impôts, être inscrite au registre du commerce et des sociétés ou justifier d'un refus d'inscription ; que l'article 151 septies renvoie expressément aux dispositions des articles 150 A à 150 S qui visent les plus values immobilières réalisées par des personnes physiques ou des sociétés de personnes lors de la cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature ; que M. A n'a pas opté pour le paiement de l'impôt sur les sociétés ; qu'il relève donc du régime fiscal des sociétés de personnes et est personnellement imposé à l'impôt sur le revenu à raison des bénéficies sociaux que l'EURL réalise ; que l'ensemble des conditions posées par l'article 151 septies du code général des impôts n'étant pas réuni, l'activité de location de meublés de l'EURL doit être considérée comme exercée à titre non professionnel ; que les déficits qu'elle génère ne peuvent pas être imputés sur le revenu global de l'associé unique mais uniquement sur les déficits de même nature réalisés au titre de l'année considérée ou des cinq années suivantes ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 11 mars 2010, présenté pour M. et Mme A qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, concernant le passif réintégré, que l'administration ne peut utilement invoquer les dispositions du code civil relatives à l'opposabilité aux tiers d'un acte sous-seing privé ; que la jurisprudence admet l'opposabilité d'actes sans date certaine ; qu'en considérant qu'un emprunt ne peut être justifié que par la production d'un contrat de prêt ou par des indications précises sur le montant et la date de versement, l'administration ajoute une condition non prévue au 2 de l'article 38 du code général des impôts ; que la réalité du prêt a été démontrée ; que cette réalité ne peut être remise en cause par l'absence de remboursement lors du contrôle fiscal ; que, concernant l'imputation du déficit sur le revenu global, l'article 151 septies du code général des impôts ne s'adresse pas directement aux sociétés et l'obligation d'immatriculation " en qualité de loueur de meublés " ne concerne que les particuliers ; que l'EURL Colomat est inscrite au registre du commerce et des sociétés ; que, dans ces conditions, M. A peut bénéficier des dispositions du 1° bis du I de l'article 156 du code général des impôts ; qu'il n'existe pas de lien direct entre l'article 8 du code général des impôts, relatif à l'imposition des bénéfices d'une société de personnes et l'article 151 septies du même code, relatif aux modalités d'imposition des plus-values ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 31 mai 2010, produit par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que les écritures comptables ne sont assorties d'aucune pièce justificative établissant la réalité du prêt ; que l'allégation selon laquelle les sommes étaient destinées à couvrir des dépenses d'aménagement immobilier est contraire aux termes du bail locatif conclu le 7 juillet 1995 qui prévoit des réparations mises à la charge exclusive de l'EURL Colomat et un retour de l'ensemble des locaux aménagés à la SCI d'Escolles à l'issue du bail ; que M. A ne peut pas se prévaloir des dispositions du 1° bis du I de l'article 156 du code général des impôts en raison de la nature des déficits que l'EURL Colomat génère ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 3 septembre 2010, produit pour M. et Mme A qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, que l'absence de déclaration du prêt n'induit pas l'inexistence de ce prêt ; que la nature des dépenses qui ont motivé le prêt n'est pas incompatible avec le contrat de bail ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 13 octobre 2010, produit par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 2 novembre 2010, produit par M. et Mme A qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;

Vu le courrier en date du 18 octobre 2010 par lequel la Cour a informé les parties de ce qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen tiré du défaut d'intérêt à faire appel concernant les conclusions en décharge des pénalités, le Tribunal administratif de Dijon ayant déjà fait droit à ces conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2010 :

- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de l'EURL Colomat, dont M. A est l'unique associé et gérant, M. et Mme A ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, au titre des années 2000 et 2001, en raison, d'une part, de la remise en cause, par l'administration, de l'imputation, sur leur revenu global, des déficits provenant de l'activité de location de locaux meublés exercée par l'EURL et, d'autre part, de la réintégration dans le résultat fiscal de l'EURL d'une dette non justifiée de 177 146 euros ;

Sur la remise en cause de l'imputation, sur le revenu global de M. et Mme A, des déficits provenant d'une activité de location de locaux meublés :

Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition litigieuse : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal (...) sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement. Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) 1° bis des déficits provenant, directement ou indirectement, des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux lorsque ces activités ne comportent pas la participation personnelle, continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. (...) Ces modalités d'imputation sont applicables aux déficits réalisés par des personnes autres que les loueurs professionnels au sens du huitième alinéa de l'article 151 septies, louant directement ou indirectement des locaux d'habitation meublés ou destinés à être meublés " ; qu'aux termes de l'article 151 septies du même code dans sa rédaction applicable : " (...) Les loueurs professionnels s'entendent des personnes inscrites en cette qualité au registre du commerce et des sociétés qui réalisent plus de 100 000 F de recettes annuelles ou retirent de cette activité au moins 50 % de leur revenu (...) " ;

Considérant qu'en présence d'une société de personnes, la première condition, relative à l'inscription au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur professionnel, posée à l'article 151 septies précité, s'apprécie au niveau de cette société, alors même que les deux autres conditions alternatives s'apprécient au niveau du contribuable, passible de l'impôt sur le revenu, qui entend imputer le déficit ressortant de l'activité de location de locaux meublés exercée par cette même société ;

Considérant qu'il est constant qu'au cours des années 2000 et 2001 l'EURL Colomat n'était pas inscrite au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur professionnel et ne pouvait, par voie de conséquence, être regardée comme ayant cette qualité au sens de l'article 151 septies du code général des impôts ; qu'il s'ensuit que M. et Mme A ne pouvaient, en application des dispositions de l'article 156 du même code, prétendre au bénéfice de l'imputation, sur leur revenu global, des déficits réalisés au titre de ces deux années provenant de l'activité de ladite EURL de location de locaux meublés ;

Sur la réintégration du passif injustifié :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actifs sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées (...) " ; qu'il appartient au contribuable de justifier de l'exactitude des écritures comptables passées, tant dans leur principe, que dans leur montant ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EURL Colomat a porté au passif du bilan de l'exercice clos en 2000 la somme totale de 177 146 euros, censée correspondre à un emprunt contracté auprès de la SCI d'Escolles, dont les parts sont détenues par la famille A et dont M. A est également le gérant ; que, toutefois, M. et Mme A ne produisent pas le contrat de prêt justifiant de ladite écriture ni aucun échéancier relatif à son remboursement ; que ni les relevés bancaires produits, qui retracent les mouvements de fonds de la SCI vers l'EURL ni l'attestation du comptable de l'EURL, qui ne fait pas mention de l'existence d'un prêt, ne suffisent à établir l'existence d'un contrat de prêt, même verbal, entre ces deux sociétés ; que la circonstance que l'administration n'ait pas rejeté la comptabilité de l'EURL n'est pas, en soi, de nature à conférer aux écritures comptables litigieuses une valeur probante en l'absence de pièces justificatives ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré la somme en litige aux bénéfices industriels et commerciaux des intéressés imposables au titre de l'année 2000 ;

Sur les conclusions en décharge des pénalités :

Considérant que, par le jugement critiqué, le Tribunal administratif de Dijon a déchargé M. et Mme A de la majoration pour mauvaise foi appliquée aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 ; que ces derniers ne sont, par suite, pas recevables à réitérer, en appel, leur demande de décharge de ces pénalités ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 ; que les conclusions qu'ils ont présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Yvan A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 novembre 2010.

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N° 09LY01428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01428
Date de la décision : 30/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : CMS FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-30;09ly01428 ?
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