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18/01/2011 | FRANCE | N°10LY01405

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 18 janvier 2011, 10LY01405


Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2010, et le mémoire complémentaire, enregistré le 3 novembre 2010, présenté pour M. Alain A, domicilié 40, boulevard Albert 1er à Antibes (06600) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605884 du 30 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 octobre 2006 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d'aide financière présentée au titre du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;

2°) d'annuler la décision susmen

tionnée et de lui accorder le bénéfice de l'aide financière instituée par le décret du 2...

Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2010, et le mémoire complémentaire, enregistré le 3 novembre 2010, présenté pour M. Alain A, domicilié 40, boulevard Albert 1er à Antibes (06600) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605884 du 30 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 octobre 2006 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d'aide financière présentée au titre du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée et de lui accorder le bénéfice de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2004 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi n° 2000-312 du 12 avril 2000, dès lors que la qualité du signataire de cette décision n'est pas mentionnée ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, dès lors qu'elle se borne à contenir une motivation stéréotypée, selon laquelle il ne remplit pas les conditions prévues par le décret du 27 juillet 2004 pour bénéficier de l'aide financière qu'il institue ;

- il est en droit de bénéficier de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2004 dès lors qu'il est un orphelin dont le parent a été victime des actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale et qui a souffert des conséquences les plus extrêmes de la guerre, et que le décret vise à faire oeuvre de mémoire et à consacrer solennellement le souvenir des victimes de la barbarie nazie à travers leurs enfants mineurs au moment de leur disparition, alors même que son père n'est pas décédé en déportation mais des suites de sa déportation ;

- la décision en litige est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité du décret du 27 juillet 2004, qui rompt manifestement le principe d'égalité, mentionné tant par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que par les dispositions de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, dès lors qu'il introduit une inégalité devant la loi, en restreignant le bénéfice d'une réparation financière aux seuls orphelins dont le parent est mort en déportation ou exécuté sommairement par les nazis ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision, en date du 1er juillet 2010, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a admis M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle et fixé la contribution de l'Etat au taux de vingt-cinq pour cent ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 1er ;

Vu la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 14, ensemble le premier protocole additionnel, notamment son article 1er ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-312 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale ;

Vu le code de justice administrative, et notamment son article R. 611-8 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2011 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- les observations de Me Ducher, pour M. A ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ducher ;

Considérant que, par une décision du 6 octobre 2006, le Premier ministre a rejeté la demande, présentée par M. A, tendant au bénéfice de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2004 susvisé pour les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale, au motif que son père était décédé le 1er octobre 1958 à Marseille et que, dès lors, il ne remplissait pas les conditions prévues par ledit décret pour bénéficier de l'aide financière qu'il a institué ; que M. A fait appel du jugement du 30 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision du 6 octobre 2006 ;

Considérant, en premier lieu, que, dans sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble, M. A n'a invoqué que des moyens relatifs à la légalité interne de la décision en litige ; que, par suite, les moyens, touchant à la légalité externe de ladite décision, tirés, en premier lieu, de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 susvisé, en ce que la qualité du signataire ne serait pas mentionnée et, en second lieu, de son insuffisante motivation, relevant d'une cause juridique distincte de celle dont relevaient les moyens invoqués en première instance sont, par suite, irrecevables ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 susvisé : Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. / (...) / Sont exclues du bénéfice du régime prévu par le présent décret les personnes qui perçoivent une indemnité viagère versée par la République fédérale d'Allemagne ou la République d'Autriche à raison des mêmes faits ;

Considérant que M. A excipe de l'illégalité des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Les Hautes parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre 1 de la présente convention ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que le décret susvisé institue une mesure d'aide financière en faveur des orphelins dont la mère ou le père a été déporté à partir du territoire national durant l'Occupation et a trouvé la mort en déportation ; que l'objet de ce texte est ainsi d'accorder une mesure de réparation aux seuls orphelins des victimes d'actes de barbarie durant la période de l'Occupation, dont les parents sont morts en déportation ; que compte tenu de la nature des crimes commis à l'égard de ces victimes, le décret contesté n'est pas entaché d'une discrimination illégale au regard des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en n'accordant une mesure de réparation particulière qu'à ces seuls orphelins et en excluant les orphelins des personnes mortes après leur retour de déportation ; que la différence de traitement entre, d'une part, les orphelins des déportés morts en déportation, bénéficiaires de la mesure de réparation prévue par le décret contesté et d'autre part, les orphelins exclus du bénéfice de cette mesure de réparation, n'est pas, pour les raisons sus indiquées, manifestement disproportionnée par rapport à leur différence de situation, compte tenu de l'objet de la mesure ; qu'elle ne méconnaît pas, par suite, le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 1er de la Constitution ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il est constant que le père de M. A est décédé le 1er octobre 1958 à Marseille, dans le département des Bouches-du-Rhône, après son retour de déportation ; que, dès lors, les circonstances du décès du père du requérant, survenu environ treize ans après sa libération des camps dans lesquels il avait été déporté, et dont, en tout état de cause, il n'est pas établi par les pièces du dossier qu'il est effectivement mort des suites de sa déportation, n'entrent pas dans les prévisions des dispositions précitées du décret du 27 juillet 2004, qui réservent le bénéfice de la mesure de réparation qu'elles instituent aux personnes dont le père ou la mère a trouvé la mort en déportation ; que, dès lors, le Premier ministre n'a pas commis d'illégalité en estimant que M. A ne satisfaisait pas aux conditions lui permettant de bénéficier des dispositions du décret susvisé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alain A et au Premier ministre.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2011 à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Seillet et Mme Dèche, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 18 janvier 2011.

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N° 10LY01405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01405
Date de la décision : 18/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : DUCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-01-18;10ly01405 ?
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