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03/02/2011 | FRANCE | N°10LY01404

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 février 2011, 10LY01404


Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. Gilchrist Veni A, ... par Me Bomba Matongo, avocat au barreau de Paris ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000467 du Tribunal administratif de Dijon du 12 mai 2010 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Yonne en date du 26 janvier 2010 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) de prononcer l'annulation des d

écisions contenues dans l'arrêté susvisé ;

3°) de faire injonction au préfet de l...

Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. Gilchrist Veni A, ... par Me Bomba Matongo, avocat au barreau de Paris ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000467 du Tribunal administratif de Dijon du 12 mai 2010 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Yonne en date du 26 janvier 2010 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) de prononcer l'annulation des décisions contenues dans l'arrêté susvisé ;

3°) de faire injonction au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- qu'entré en France en 2002, il y réside sans discontinuer depuis malgré le rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile ;

- que le centre de ses intérêts personnels et familiaux est désormais en France puisqu'il vit en relation maritale avec Mlle Banzouzi, avec laquelle il a conclu un PACS et qu'une fille est née de leur union ;

Sur la légalité externe :

- que le préfet n'apporte pas la preuve de l'affirmation qu'il lui prête selon laquelle il serait entré en France muni d'un visa ; que la seule preuve de son entrée en France est le dépôt de sa demande d'asile ; que de là court la période de sa présence continue sur le territoire ;

- que la procédure est viciée faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour ;

Sur la légalité interne :

- qu'il a fait valoir dans sa demande de titre de séjour le fait qu'il vivait maritalement avec une personne vivant en situation régulière sur le territoire et avec laquelle il a eu un enfant ; que le refus de titre viole les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'argumentation du tribunal administratif selon laquelle rien ne fait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale au Congo implique qu'une décision de refus de séjour soit prise à l'encontre de Mlle Banzouzi, avec laquelle il a conclu un PACS, et dont le titre de séjour est en cours de validité ;

- qu'en considérant qu'il ne serait pas isolé dans son pays d'origine, le tribunal administratif valide la séparation d'avec sa compagne et sa fille tout en privilégiant d'autres parents ;

- que la décision administrative viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car la décision du préfet de l'Yonne n'est justifiée ni par un besoin impérieux, ni proportionnée au regard du but poursuivi par l'autorité publique alors qu'elle a des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour sa situation personnelle et familiale ;

- que la décision préfectorale viole les articles 3-1 et 9 de la convention des droits de l'enfant ; qu'en raison de la situation régulière de sa mère, l'enfant Valentine Océane sera en tout état de cause séparée de celui de ses parents qui n'en aura pas la garde après exécution de la mesure d'éloignement contestée ;

- que la décision préfectorale relève d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle ne tient pas compte de l'intérêt de l'enfant et l'oblige à se détourner de sa fille et de sa compagne ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2010 présenté pour le préfet de l'Yonne par Me Jourdain, avocat au barreau d'Auxerre, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la circonstance que M. A soit entré sur le territoire muni ou non d'un visa est sans influence sur la légalité de sa décision ;

- que M. A n'apporte pas la preuve qu'il répondait aux conditions fixées par l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour de plein droit ; que la commission du séjour n'avait donc pas à être saisie ;

- que l'insertion de M. A dans la société française n'est pas établie et qu'il conserve de nombreux liens avec le Congo, où réside l'essentiel de sa famille ;

- que l'expiration du titre de séjour de la compagne congolaise de M. A favorise la reconstitution de la cellule familiale à l'étranger ; qu'est ainsi préservée la situation de l'enfant ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 décembre 2010, présenté pour M. A ;

Il soutient :

- que le titre de séjour de Mlle Banzouzi, sa compagne, a été renouvelé jusqu'au 22 mars 2011 ; que sa situation doit par conséquent être examinée à la lumière des articles 313-11- 7° et 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que Mlle Banzouzi, sa compagne, a fait le choix de s'installer en France et y vit régulièrement ; que la décision du préfet a pour conséquence, à l'évidence, de porter atteinte à la vie privée et familiale de M. A et par ricochet à celle de sa compagne, et au plus à séparer leur enfant commun de l'un de ses parents ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2011 :

- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;

- les observations de Me Bomba Matongo, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée à Me Bomba Matongo, avocat de M. A ;

Considérant que M. Gilchrist Veni A, ressortissant congolais (Brazzaville), né en 1976, serait à ses dires entré en France le 22 juin 2002 ; que le 17 juillet suivant il a déposé une demande d'asile dont le rejet a été confirmé par la Commission de recours des réfugiés le 2 juillet 2003, à la suite de quoi le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour le 24 juillet 2003 et le 8 novembre 2004, a pris à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ; que le 1er décembre 2008 il a reconnu l'enfant que Mlle Banzouzi, ressortissante congolaise elle aussi, a mis au monde le 5 mai 2009 ; que M. A et Mlle Banzouzi ont conclu un PACS le 30 juillet 2009 ; que le 15 juillet 2009 M. A a demandé un titre de séjour au préfet de l'Yonne ; que cette autorité administrative a rejeté cette demande par arrêté du 26 janvier 2010, lequel comporte en outre obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois ; que le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande en annulation présentée par M. A, qui fait appel ;

Considérant que la circonstance que l'arrêté litigieux ait indiqué par erreur que M. A serait entré en France sous couvert d'un visa est sans incidence sur la légalité de cette décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; " ; que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule, dans son article 8 : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Considérant que pour soutenir que l'arrêté attaqué violerait les dispositions et stipulations sus mentionnées, M. A fait état de ce que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer au Congo puisque Melle Banzouzi bénéficie d'un titre de séjour temporaire régulièrement renouvelé ; que cette seule circonstance, quand bien même les concubins ont conclu un PACS, n'est pas de nature à ouvrir un droit pour M. A à obtenir lui aussi un titre de séjour dès lors que rien ne fait obstacle à ce que Mlle Banzouzi retourne dans son pays d'origine pour y vivre avec lui et avec leur enfant ; qu'il en résulte que M. A n'est pas fondé à soutenir que pour ce motif l'arrêté attaqué violerait les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que, comme il vient d'être dit, la situation de M. A ne lui permettait pas d'obtenir de plein droit un titre de séjour ; que le préfet n'était par conséquent pas tenu de saisir la commission du séjour des étrangers ;

Considérant que si la demande de titre de séjour datée du 13 juillet 2009 est présentée comme tendant à l'obtention d'une autorisation de séjour " à titre humanitaire ", elle n'est motivée que par des considérations d'ordre privé et familial ; que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 26 janvier 2010 violerait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " I - Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre son gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve d'une révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) " ; que ces stipulations créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que M. A ne peut donc utilement se prévaloir de cet engagement international pour demander l'annulation de l'arrêté litigieux ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de ladite convention : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que s'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, la possibilité de reconstituer la cellule familiale au Congo dépend, comme il a été dit ci-dessus, de la seule volonté de Mlle Banzouzi, et non de l'autorité administrative ; que par ailleurs l'enfant Valentina Liba, eu égard à son jeune âge, n'a pas personnellement créé avec la France de liens particulièrement forts ; que dans ces conditions, le préfet de l'Yonne n'a pas méconnu l'article 3-1 précité en refusant à M. A le titre de séjour qu'il demandait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence sont sans objet les conclusions aux fins d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gilchrist Vena A et au ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2011 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2011.

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N° 10LY01404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01404
Date de la décision : 03/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Denis RAISSON
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : BOMBA MATONGO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-03;10ly01404 ?
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