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12/05/2011 | FRANCE | N°10LY00503

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 mai 2011, 10LY00503


Vu le recours, enregistré le 22 février 2010, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;

Le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0600011-0600012-0700749 du 18 décembre 2009 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a, à la demande de M. Martial , annulé, d'une part, la décision du 22 décembre 2005 par laquelle lui a été infligée la sanction disciplinaire de quarante jours d'arrêts et, d'autre part, la décision du 29 septembre 2006 par laquelle il a été mis fin à la décision de suspension de l'exécution de quinze jo

urs d'arrêts ;

2°) de rejeter les conclusions des demandes de M. tendant à l'an...

Vu le recours, enregistré le 22 février 2010, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;

Le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0600011-0600012-0700749 du 18 décembre 2009 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a, à la demande de M. Martial , annulé, d'une part, la décision du 22 décembre 2005 par laquelle lui a été infligée la sanction disciplinaire de quarante jours d'arrêts et, d'autre part, la décision du 29 septembre 2006 par laquelle il a été mis fin à la décision de suspension de l'exécution de quinze jours d'arrêts ;

2°) de rejeter les conclusions des demandes de M. tendant à l'annulation desdites décisions ;

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré, au vu des seules déclarations de l'intéressé, que M. devait être regardé comme ayant effectué quinze jours d'arrêts avant la décision du 22 décembre 2005, alors que M. n'établit pas avoir fait l'objet de mesures ayant eu pour conséquence la restriction de sa liberté d'aller et de venir et que les allégations de l'intéressé sont contredites par les rapports produits à l'instance ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 avril 2011, présenté pour M. Martial , qui conclut au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le régime de restriction de liberté qu'il a subi entre le 10 et le 24 novembre 2005, son assignation à rester cantonné dans sa chambre sous la surveillance régulière d'un supérieur hiérarchique ainsi que l'interdiction de fréquenter les lieux de vie de la caserne et d'aller et venir en dehors des emprises militaires françaises constituait une modalité d'exécution de la sanction de mise aux arrêts ;

- l'administration ne rapporte pas de rapports ou attestations permettant de contredire les faits qu'il avait exposés dans son rapport ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la défense ;

Vu la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires ;

Vu le décret n° 2005-794 du 15 juillet 2005 relatif aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions applicables aux militaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2011 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Considérant que M. , sous-officier du 13ème bataillon de chasseurs alpins, a fait l'objet, au motif de son comportement, le 9 novembre 2005, envers un de ses subordonnés, sur lequel il avait porté la main et craché au visage, alors qu'il se trouvait en opération extérieure en République centrafricaine, d'une décision, du 22 décembre 2005, par laquelle le MINISTRE DE LA DEFENSE lui a infligé la sanction, du premier groupe, de quarante jours d'arrêts ; qu'à la suite des observations formulées par M. lors de la notification de cette décision, le 12 janvier 2006, selon lesquelles il avait déjà subi, à cette date, une période de quinze jours d'isolement, dans l'attente de son rapatriement disciplinaire, ainsi que diverses vexations, l'exécution de la sanction disciplinaire du 22 décembre 2005 a été suspendue, par une décision du 26 janvier 2006, date à laquelle M. avait subi vingt-cinq jour d'arrêts ; que, toutefois, par une décision du 29 septembre 2006, il a été mis fin, au terme d'une enquête administrative, à ladite suspension de l'exécution de la sanction disciplinaire pour la partie de ladite sanction non encore exécutée ; que M. , qui a reçu notification de ladite décision le 5 décembre 2006, a effectué, en conséquence, quinze jour d'arrêts du 5 au 19 décembre 2006 ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE fait appel du jugement nos 0600011-0600012-0700749 du 18 décembre 2009 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a annulé, d'une part, la décision du 22 décembre 2005 par laquelle a été infligée à M. la sanction disciplinaire de quarante jours d'arrêts et, d'autre part, par voie de conséquence, la décision du 29 septembre 2006 par laquelle il a été mis fin à la décision de suspension de l'exécution de quinze jours d'arrêts ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret n° 2005-794 du 15 juillet 2005 susvisé : (...) V. - Les arrêts sont notifiés par écrit. Ils sont exécutés dans les conditions suivantes : / 1° Le militaire sanctionné de jours d'arrêts effectue son service dans les conditions normales mais il lui est interdit, en dehors du service, de quitter sa formation ou le lieu désigné par l'autorité militaire de premier niveau dont il relève. Les arrêts sont comptés en jours. Le nombre de jours d'arrêts susceptibles d'être infligés pour une même faute ou un même manquement ne peut être supérieur à quarante. Pendant l'exécution de ses jours d'arrêts, le militaire ne peut prétendre au bénéfice d'une permission, sauf pour évènements familiaux. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports établis par le commandant des troupes françaises au Gabon, par le chef de la cellule de coordination de soutien des opérations extérieures, et par le commandant de la compagnie de commandement d'appui et de services, qu'à la suite de son transfert à Libreville, dans l'attente de son rapatriement disciplinaire sur le territoire français, si M. qui, ainsi que l'affirme l'administration sans être contredite sur ce point, ne disposait d'aucun visa, et dont les déplacements étaient, dès lors, limitées aux seules emprises françaises, a connu des restrictions concernant le périmètre de ses déplacements en raison de la situation des troupes françaises en opérations extérieures au Gabon et de sa situation administrative au regard du séjour dans ce pays, l'intéressé, logé en chambre individuelle dans le bâtiment des cadres, qui avait accès aux lieux de détente et de loisirs autorisés, et se trouvait libre de ses mouvements à l'intérieur de l'enceinte militaire, n'a pas connu les restrictions de sa liberté de mouvements et n'a pas fait l'objet des mesures caractérisant la situation de mise aux arrêts prévue par les dispositions susvisées ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il aurait fait l'objet de telles mesures durant la période comprise entre le 10 et le 15 novembre 2005, lorsqu'il se trouvait en République centrafricaine, dans l'attente de son rapatriement ; qu'ainsi, c'est à tort que, pour annuler la décision du 22 décembre 2005 infligeant à M. la sanction de quarante jours d'arrêts, ainsi, par voie de conséquence, que celle du 29 septembre 2006 par laquelle il a été mis fin à la suspension de l'exécution de quinze jours d'arrêts, le Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le motif tiré de ce que, dès lors que M. avait déjà effectué, avant ladite décision du 22 décembre 2005, quinze jours d'arrêts, le MINISTRE DE LA DEFENSE avait méconnu les dispositions précitées de l'article 7 du décret du 15 juillet 2005 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens exposés par M. tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant elle ;

Sur la légalité de la décision du 22 décembre 2005 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le MINISTRE DE LA DEFENSE en première instance ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu d'une décision du 23 septembre 2005, publiée au journal officiel de la République française du 29 septembre 2005, le général Jérôme , chef de cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre, signataire de la décision du 22 décembre 2005 en litige, bénéficiait d'une délégation pour signer, au nom du MINISTRE DE LA DEFENSE, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, (...) dans la limite des attributions du chef d'état-major de l'armée de terre en matière de discipline, d'information et de communication ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ladite décision aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. a reçu notification de la sanction lui infligeant quarante jours d'arrêts le 12 janvier 2006 ; que ladite décision mentionnait les voies et délais de recours ; qu'il ressort du bulletin de sanction qu'il a reconnu, le 13 novembre 2005, avoir obtenu communication du dossier disciplinaire, et, le 17 novembre 2005, avoir été entendu par l'autorité militaire de premier niveau ; qu'il ne peut, compte-tenu de ce qui a été dit plus haut, être regardé comme ayant commencé à exécuter sa sanction avant d'avoir reçu notification de la décision la prononçant ; qu'ainsi les moyens tirés de ce que la décision du 22 décembre 2005 ne lui aurait pas été notifiée, de ce qu'elle aurait été mise à exécution avant sa notification, au demeurant inopérants, et de ce que les droits de la défense auraient été méconnus, en ce qu'il n'aurait pu contester cette décision, doivent être écartés comme manquant en fait ; que la circonstance que la notification de la décision du 22 décembre 2005, prise au motif de faits survenus le 9 novembre 2005, n'est intervenue que le 12 janvier 2006 est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;

Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à la nature des faits reprochés, la sanction, du premier groupe, de quarante jours d'arrêts, qui a été infligée à M. , n'est pas manifestement disproportionnée, nonobstant la circonstance que M. , qui avait au demeurant déjà été sanctionné, par une décision du 19 septembre 2005, d'une mise aux arrêts de trente jours, à raison de son comportement violent à l'égard d'un élu lors d'une commémoration, aurait fait l'objet de bonnes appréciations et que les faits en cause ne présenteraient pas un caractère habituel, et nonobstant l'attitude de son subordonné ;

Sur la légalité de la décision du 29 septembre 2006 :

Considérant, en premier lieu, que la décision en litige a été signée par le général Jean-Philippe Margueron, chef de cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre, qui bénéficiait d'une délégation régulière, en vertu d'une décision du 19 juillet 2006, publiée au journal officiel de la République française du 27 juillet 2006, pour signer, au nom du MINISTRE DE LA DEFENSE, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exception des décrets, (...) dans la limite des attributions du chef d'état-major de l'armée de terre en matière de discipline, d'information et de communication. ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ladite décision aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que le nombre de jours d'arrêts infligés à M. par la décision du 22 décembre 2005 n'a pas été supérieur à quarante jours et que la décision du 29 septembre 2006, qui se borne à mettre fin à la suspension, résultant de la décision du 26 janvier 2006, de l'exécution de la sanction, ne constitue pas une nouvelle sanction ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que ladite décision n'aurait pas visé les circonstances particulières autorisant, en vertu des dispositions de l'article 7 du décret n° 2005-794 du 15 juillet 2005, un nombre de jours d'arrêt supérieur à quarante, qu'elle n'aurait pas été motivée, et n'aurait pas été assortie des droits de la défense, alors au demeurant que l'intéressé a été mis en mesure, le 31 mars 2006, de prendre connaissance de son dossier et qu'il a fourni, le 16 février 2006, ses observations, doivent être écartés comme manquant en fait ; qu'il doit en être de même du moyen tiré d'une méconnaissance de la règle non bis in idem ; que la circonstance que l'exécution de la sanction, non encore exécutée après la décision de suspension du 26 janvier 2006, n'est intervenue que plus d'un an après les faits sanctionnés, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;

Considérant, en troisième lieu, que la décision en litige ne peut être considérée comme une aggravation de la peine ; que par voie de conséquence le moyen tiré de ce que les dispositions du décret n° 2005-794 du 15 juillet 2005 auraient été méconnues doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que le moyen tiré de ce que M. aurait exécuté cinquante-cinq jours d'arrêts et qu'ainsi les dispositions de l'article 7 du décret du 15 juillet susvisé qui prévoient que le nombre de jours d'arrêts ne peut être supérieur à quarante auraient été méconnues, manque en fait ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'administration n'a pas, en considérant que la période de quinze jours d'arrêts ne pouvait être déduite de la peine à exécuter, commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 décembre 2009, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé, d'une part, la décision du 22 décembre 2005 par laquelle a été infligée à M. la sanction disciplinaire de quarante jours d'arrêts et, d'autre part, par voie de conséquence, la décision du 29 septembre 2006 par laquelle il a été mis fin à la décision de suspension de l'exécution de quinze jours d'arrêts ;

Sur les conclusions de M. tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement en date du 18 décembre 2009 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. tendant à l'annulation des décisions susmentionnées des 22 décembre 2005 et 29 septembre 2006 du MINISTRE DE LA DEFENSE et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE et à M. Martial .

Délibéré après l'audience du 12 avril 2011, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Givord, président-assesseur,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mai 2011.

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N° 10LY00503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00503
Date de la décision : 12/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : DASSA-LE DEIST

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-05-12;10ly00503 ?
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